Ce samedi, Catherine Nay brosse dresse le bilan de la moitié du quinquennat d'Emmanuel Macron, marqué par le déclenchement du mouvement des gilets jaunes.
Mercredi, en Conseil des ministres, Emmanuel Macron a dressé le bilan de son action en ce jour qui marquait, disait-il, l'hémistiche du quinquennat. Un joli mot, comme le président en raffole.
"Hémistiche". C'est de la poésie. C'est la césure au milieu d'un alexandrin, qui contient, comme chacun sait, douze pieds. Le président est à la moitié de son quinquennat. Et il l'affirme : jamais la France n'avait connu un rythme aussi soutenu de réformes. Et les résultats sont là. En matière de création d'emplois, grâce à l'assouplissement du Code du Travail, la réforme de l'apprentissage, l'éducation avec le doublement des classes, le Parcours Sup pour les étudiants, qui est une réussite malgré quelques ratés. Le prélèvement à la source, salué comme un succès, l'investissement des entreprises se maintient, la croissance qui résiste etc. Tout aurait pu être parfait dans le meilleur des mondes.
Sauf qu'il y a un an, le pouvoir, que rien ne semblait devoir ébranlé, a dû faire face à une jacquerie d'une puissance inédite : les gilets jaunes.
Depuis, Emmanuel Macron a maintes fois fait son mea culpa, reconnu qu'il avait pu blesser, échoué à se faire comprendre. Il n'avait pas mesuré la sensation d'abandon des plus pauvres, mais aussi des couches moyennes. Les gilets jaunes ont révélé ces désarrois. Alors que la violence prenait des proportions inquiétantes, 17 milliards ont été débloqués en catastrophe. Le pouvoir d'achat a progressé de 2,3% cette année. Mais à ce stade, tout le monde n'y retrouve pas ses petits. Ces milliards n'ont pas suffi à calmer la colère.
Durant ces deux années et demie, où il est passé d'une victoire inespérée à une déflagration sociale sans précédent, Emmanuel Macron a-t-il changé ?
Il n'a pas changé, témoigne un proche, en ce sens que le président est toujours aussi obstiné, têtu, volontariste. Il continue à épuiser son monde. Les ministres sont exténués. Mais il a beaucoup appris. Alors finies les petites phrases vexatoires ou méprisantes qui scandaient chacun de ses déplacements et que les journalistes guettaient. C'était plus fort que lui. Tout cela est terminé. Emmanuel Macron a compris qu'on ne peut pas transformer le pays sans embarquer les gens avec soi, sans écouter. Alors depuis, il interroge, consulte, encore et encore. Il a renoué avec les corps intermédiaires, qu'il traitait par-dessus la jambe. Mais il a toujours cette volonté d'agir et de faire.
Comment se dessine cette deuxième partie du quinquennat ?
D'abord, grande inconnue : aujourd'hui est le premier anniversaire des manifestations des gilets jaunes. On va mesurer le degré de la violence. Et puis on est à trois semaines de la grève illimitée annoncée à la RATP et à la SNCF, qui risque de bloquer le pays au moment des fêtes. Emmanuel Macron va tout faire pour empêcher la convergence tant redoutée de toutes les colères : l'hôpital, les étudiants, et les gilets jaunes... Mercredi, un plan d'urgence conséquent sera annoncé pour le secteur hospitalier. On note aussi un ton conciliant sur les retraites. "Il n'y aura pas de grand soir, mais une loi cadre avec des cheminements", prédit un proche. Comprenez une mise en place très, très progressive de la réforme, après qu'Emmanuel Macron ait affirmé qu'il n'était pas question de nier les droits acquis des individus.
Sur d'autres dossiers très lourds, comme la réforme des institutions ou la transition écologique, là encore le gouvernement fait le choix de la concertation longue durée. En attendant, l'urgence, c'est de passer le cap de décembre le mieux possible. Ensuite, il faudra redonner du sens, rétablir la confiance, ce qui ne sera pas une chose aisée. Car après la mi-mandat, la course folle vers l'élection présidentielle va démarrer.