Les deux anciens proches de Nicolas Sarkozy se retournent contre lui alors que la primaire des Républicains se profile.
Une semaine pourrie pour Nicolas Sarkozy. Les confessions littéraires de Patrick Buisson, l'enquête de "Envoyé Spécial" sur sa campagne dispendieuse de 2012 et puis les accusations de Jean-François Copé, c'est vraiment la totale. Catherine, vous nous parlez de ces deux imprécateurs, Buisson d'un côté, Copé de l'autre.
La vengeance est un plat qui se mange froid et parfois cuit à point. Patrick Buisson publie son livre à quelques jours du premier débat de la primaire. Il se venge ainsi de Nicolas Sarkozy, coupable à ses yeux de l'avoir rejeté après que Le Point ait révélé qu'il enregistrait, micro en poche, toutes leurs conversations depuis 2007. "Je faisais ça pour mieux le servir", plaide-t-il sans rire. Buisson a toujours aimé les micros, confère son passé au journal Minute. "J'en ai connu des trahisons mais jamais comme celle-là", avait réagi Nicolas Sarkozy.
Pour Buisson - il l'écrit - ce fut le mot de trop. Lui avance qu'il aurait aimé s'expliquer avec Nicolas Sarkozy mais non seulement ce dernier lui a fermé la porte, mais il a porté plainte. Patrick Buisson a dû signer deux chèques au couple outragé, deux fois 10.000€. Carla Bruni a encaissé le sien, pas Nicolas Sarkozy. "Ils ont signé ma mort sociale", dit Buisson. "Croyant m'anéantir, ils m'ont offert la solitude décapante des cimes", c'est beau comme l'Antique.
Bilan, pendant deux ans, Patrick Buisson s'enferme pour écrire ce livre.
Une somme de 450 pages où l'idéologue maurrassien nous livre un "Ce que je crois" avec une belle plume. En réalité une enveloppe pour exprimer sa haine contre ce "Bonaparte de télévision qui croit que parler c'est agir et que dire c'est faire". Il dénonce sa violence verbale mais on sent aussi le dépit amoureux de celui qui a cru pendant des années être l'interlocuteur privilégié. En plus, Buisson n'est pas un agneau égaré au royaume du loup. Il a été un profiteur qui a fait son beurre auprès de Sarkozy avec ses sondages - il est d'ailleurs mis en examen dans cette affaire.
C'est aussi grâce à l'ancien Président que Martin Bouygues a nommé Patrick Buisson a la tête de la chaîne Histoire en évinçant au passage le dirigeant de l'époque. Buisson recevait par ailleurs 10.000€ par mois à l'UMP du temps de Xavier Bertrand, somme augmentée ensuite à 26.000€ dans un contrat signé par... Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet de Jean-François Copé quand il était à la tête du parti. Donc Buisson crache dans l'eau du puits, qu'il a bue goulûment.
Voilà pour le premier imprécateur. Vous nous parlez aussi de Jean-François Copé qui se déchaîne contre Nicolas Sarkozy. Il avance que celui-ci veut se faire réélire pour échapper à la justice.
D'abord il faut parler de l'enquête de l'émission "Envoyé Spécial" diffusée jeudi 29 septembre et qui nous en a mis plein les yeux avec des images de meetings hollywoodiens. Il faut être aveugle pour ne pas voir que tout cela a coûté les yeux de la tête. Pour que l'on comprenne bien, on nous montre le meeting du Trocadéro avec cette houle de drapeaux et tout de suite après, un meeting de François Hollande à Nevers, entouré d'une poignée de militants. En somme, le richissime d'un côté, le pauvre de l'autre.
L'enquête démonte le mécanisme des fausses factures, c'est très bien fait. Seulement, Nicolas Sarkozy a été interrogé douze heures par le juge Tournaire, mis en examen pour financement illégal - c'est-à-dire dépassement des frais de campagne - mais il n'y a pas eu escroquerie ou abus de biens sociaux.
Qu'est-ce qui manquait à l'enquête pour vous Catherine ?
On n'a pas dit que Franck Attal, dirigeant d'Event & Cie, filiale de Bygmalion, touchait un pourcentage de 25% sur les dépenses, donc il n'avait pas envie de les freiner. La campagne a rapporté cinq millions d'euros à l'entreprise, 650.000€ pour lui. Ce que l'enquête ne dit pas c'est que c'est l'UMP, dirigé par Jean-François Copé, qui a donné à Bygmalion l'organisation de cette campagne. Or, Bygmalion, c'est Bastien Millot et Jérôme Lavrilleux, les amis de toujours de Jean-François Copé, ceux qu'il a amené avec lui lorsqu'il dirigeait le groupe UMP à l'Assemblée nationale, où ils avaient fait leur beurre en vendant à grands frais des enquêtes aux députés. Quand ils ont quitté le groupe pour le parti, la comptabilité a été détruite et la justice n'a pas jugé bon de s'y intéresser.
Quand du côté de Nicolas Sarkozy on envisage de retirer à Bygmalion l'organisation de la campagne, c'est Jean-François Copé qui tempête : c'est son directeur de cabinet qui était au courant de tout, des fausses factures. Le talent de Copé est d'avoir fait croire à la justice que lui, le patron, n'était pas au courant de tout cela, que Lavrilleux ne lui disait rien, ce qui est à peine croyable. Le juge Tournaire met en examen l'équipe de campagne de Sarkozy au motif qu'il ne pouvait pas ne pas être au courant. En revanche, Copé échappe à la mise en examen parce qu'il va de soi qu'il ne devait rien savoir. Voilà comment aujourd'hui, Jean-François Copé, vêtu de probité candide et de lin blanc tire à vue sur "Sarko", son ennemi de toujours.