Ce samedi, Catherine Nay décrypte la relation d'Emmanuel Macron avec les religions.
Bonjour Catherine,
Bonjour Wendy, bonjour à tous.
Emmanuel Macron a été reçu mardi au Vatican par le Pape François. L'entrevue a duré 57 minutes, un record, et s'est terminée par une chaleureuse embrassade, une effusion assez inhabituelle.
Oui, c'est clair, entre eux le courant est passé. Sur une photo prise à la fin de l'entretien, on voit le Président caresser la joue du Saint-Père, un peu comme il l'avait fait à Gérard Collomb, le jour de son intronisation à l'Elysée. Un geste familier qui souligne la cordialité de la rencontre, l'intensité de l'échange, hors protocole, du jamais vu.
Et Brigitte qui tenait sa mantille à la main. En général, les épouses des chefs d'Etat se présentent la tête couverte, donc tout allait pour le mieux : le Président a dit avoir abordé avec le Pape les sujets qui fâchent, un dialogue franc, libre, évidemment pas dans le rapport de force mais plutôt une discussion philosophique, notamment sur les défis actuels de l'Europe, ou plus précisément la crise migratoire, qui ne peut se résoudre, a dit le Président, "ni dans la dilution de ce que nous sommes, ni par le rejet de l'autre". Le Pape a reconnu toute la difficulté de l'enjeu. Et Emmanuel Macron a annoncé que la France accueillerait une dizaine de migrants du navire humanitaire "Lifeline", qui a accosté mercredi à Malte.
Ensuite, Emmanuel Macron a rencontré la communauté française et une phrase a fait polémique : "Nous avons, anthropologiquement, ontologiquement, métaphysiquement, besoin de la religion".
Une phrase qui montre la pensée complexe du Président. Mais c'est un fait : depuis la Préhistoire et l'avènement de l'humanité, toutes les sociétés humaines ont eu une religion comme fondement. L'Homme a besoin de la foi pour supporter ou donner un sens à son existence. Mais est-ce faire du prosélytisme ? Ce discours a heurté le camp laïc. Il est vrai que le Président Macron a un rapport personnel, particulier, avec la religion : né dans une famille de médecins athés, il a fait ses classes chez les pères jésuites, au Collège de la Providence à Amiens. Il a raconté sa découverte de Dieu à l'âge de 12 ans, être allé seul à l'église pour se faire baptiser, contre l'avis de son père. Ce fut, dit-il, le début d'une période mystique qui a duré plusieurs années, peut-être jusqu'à sa rencontre avec Brigitte. En tout cas, aujourd'hui, il le dit : "Je ne suis plus sûr de croire en Dieu, mais je crois en une transcendance. J'ai une réflexion permanente sur ma propre foi."
Au cours de son ascension au pouvoir, et depuis, il multiplie les références catholiques.
Oui, en mai 2016, à Orléans, il se comparait à Jeanne d'Arc et à son rêve fou qui s'impose comme une évidence. Ses discours sont truffés de vocabulaire religieux : don de soi, le sacré, l'espérance. Il aime citer les grands auteurs catholiques. Et pour lui, la laïcité à la française est une loi de liberté, celle de croire ou de ne pas croire. La laïcité, c'est le dialogue. Et de dénoncer la radicalisation de la laïcité, qui fait des religions une menace, alors que lui plaide que c'est une ressource pour un pays. Un discours pas forcément facile à entendre en ce moment. En tout cas, depuis son élection, il est allé à la rencontre de toutes les religions : les protestants, les représentants de la communauté juive, il est allé rompre le jeûne du ramadan avec les musulmans, personne n'est oublié.
Oui, mais c'est envers les catholiques qu'il montre le plus d'empathie.
Oui, on n'a pas oublié son grand discours devant la conférence des évêques de France, en avril, où il lançait en préambule : "Le lien entre l'Eglise et l'Etat est abîmé. Nous devons le réparer". Et il encourageait les catholiques à s'engager en politique : "Je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre nation". Là, on s'est demandé si le Président ne rouvrait pas une boîte de Pandore, celle de l'investissement de la religion dans l'espace politique, alors qu'il a fallu du temps, des efforts et des affrontements pour la fermer. Beaucoup de catholiques ont accueilli cette parole présidentielle telle un baume sur leurs douleurs. Mais qu'en restera-t-il dans quelques mois, après les débats qui vont s'engager autour des sujets de sociétés tels l'euthanasie, la PMA ou la GPA ?