Bataille saignante autour du steak végétal

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Tous les matins, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son “Voyage en absurdie”, du lundi au jeudi.

Steak ou pas steak ? Nouvelle épisode dans la guerre saignante des appellations des substituts végétaux à la viande. La justice europénne vient de donner tort à la France qui voulait interdire qu’on utilise des mots carnés pour désigner les succédanés

L’existence sous ce nom des "Steak végan" et des "lardons végétariens" étaient suspendue à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne . Elle a estimé, vendredi que la France n'avait pas le droit d'interdire aux fabricants d'alternatives végétales à la viande d'utiliser des termes de boucherie pour désigner leurs concoctions. Tant qu’un Etat qui n’a pas adopté dénomination légale spécifique à une denrée, il ne ne peut pas interdire l'utilisation de termes "usuels" qui désignent les produits de consommation.

Un revers pour la France et pour les éleveurs français

En 2022, puis au début de cette année, pour calmer la colère des éleveurs qui manifestaient, le gouvernement avait publié deux décrets pour interdire l’usage de noms comme “ bacon de soja”, “paupiettes de protéines végétales” et autres “hachés vegans” , en estimant que cela pouvait créer de la confusion chez les consommateurs. C’était à la demande des filières animales. Qui aujourd’hui parlent de “ l’usurpation des codes des produits naturels et sans additif pour commercialiser des produits ultra-transformés”.

Est-ce que cela trompe vraiment les consommateurs, la saucisse de soja ?

Bah disons qu’elles ne sont pas vendues au même endroit dans le rayon et qu’elles ont généralement des codes visuels qui ne sont pas celles du steak ou de la saucisse classique. Mais en fait la question n’est pas vraiment celle-ci. Il y a un paradoxe! Les producteurs d’aliments alternatifs à base de plantes veulent le beurre et l’argent du beurre. Vendre des substituts de viande, en expliquant qu’on peut très bien se passer de boeuf... Mais en s’arc-boutant sur des termes de boucherie. Il y a des millions d’euros en jeu. Laisser entendre que ça ressemble à du “vrai”, parce que ça en porte le nom, c’est plus vendeur que d’expliquer qu’on charge la barque en pour essayer d’obtenir une texture similaire.

Le steak de soja a gagné le droit d’exister en France ?

Ce feuilleton à rebondissements n’est pas fini. Il dure depuis 2018 et la loi Egalim, avec des décisions, des contre décisions, même le conseil constitutionnel s’en est mêlé. Ca va maintenant se jouer façon guérilla. La Cour de justice européenne estime qu’un Etat peut poursuivre une marque si ses techniques vente de ses produits induisent le consommateur en erreur. Les rayons vont donc être passés à la moulinette par les défenseurs de la vraie viande pour guetter le faux pas de la fausse saucisse.

Et on n’en a pas fini avec la vraie fausse viande...

Non. Parce que le débat d’après, c’est la viande de synthèse, non plus à base de lentilles triturées, mais celle à base de cellules poussées en laboratoire. Fin 2023, l’Italie l’a interdite sur son territoire. Avec la France et l’Autriche, elle voudrait pousser l’interdiction pour l'Union européenne. Là encore, combat sanglant à prévoir. Des entreprises, notamment américaines, ont investi des milliards de dollars dans ces produits.

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