Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Les cours du café volent de record en record. Nous devons nous attendre à le payer beaucoup plus cher. Et ça doit nous servir d’alerte sur la souveraineté alimentaire.
Les cours crèvent le plafond. L’arabica le café supérieur, est à son plus haut depuis près de 50 ans : 326 cents de dollars la livre (américaine : 450 grammes) – un record depuis qu’on est dans une époque d’échanges mondiaux massifiés du café. C’est un produit dont la consommation ne cesse de croître. On a consommé 10.7 millions de tonnes en 2023 dans le monde, 20% de plus qu’il y a 10 ans. Ce sera 20% de plus d’ici à la fin de la décennie.
Qu’est ce qui explique cette flambée des cours ?
Le café, c’est un concentré des grandes questions planétaires dans une simple tasse. D’abord, c’est une culture heurtée par le changement climatique. Le Brésil, qui est le plus important producteur mondial, est frappé par une des pires sécheresse depuis le début des relevés nationaux, il y a 70 ans. Ca fait quatre ans que c’est très compliqué. Et ça s’est doublé cette année d'incendies d’une ampleur hors norme, pour la plupart d’origine criminelle.
Il faut ajouter à ça des maladies plus nombreuses avec les pluies déréglées et un typhon dévastateur au Vietnam, autre producteur important. La tasse est pleine. Ca ne va certainement pas s’arranger. D’ici à 2050, la moitié des surfaces actuelles de caféiers seront sans doute devenues trop chaudes. Soit on devra remonter les cultures, soit renoncer.
Mais le café est aussi hyper sensible à la géopolitique mondiale.
Et tous les indicateurs montrent que le café va rester durablement cher. A court terme, les perturbations du transport maritime dans la mer Rouge du fait des attaques des houtis, ça renchérit les prix du café. Le futur règlement de l’Union européenne sur la déforestation, ça pèsera aussi à long terme. Comme la soif de la Chine, qui en consomme de plus en plus. Le café, ça va avec le développement de la classe moyenne. Je ne vous fais pas de dessin : offre sous pression, demande qui croit : prix qui grimpent.
Il n’y a pas que le café qui flambe.
Non, c’est aussi le cas de ce qu’on appelle les matières premières du panier petit déjeuner. Et toujours avec plus ou moins les mêmes raisons. Productions perturbés, appétit qui augmente avec la population mondiale. Le cacao a augmenté de 120% depuis le début de l’année, record historique. Pourquoi : la Côte d'Ivoire, qui représente 40 % de la production mondiale de cacao, a enregistré en octobre des précipitations anormales, ça a entraîné le développement de la maladie des 'cabosses noires', qui abime la récolte.
Et pour le jus d’oranges, même chose
La production est à son plus bas niveau depuis des décennies et les cours à des niveaux jamais vus. Des ouragans ont arraché les trois quarts des plantations de Floride, et une maladie, la maladie du dragon jaune, ravage les orangers.
Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que là, on parle de cultures pour lesquelles on n’a aucune souveraineté. On est dépendant à 100%. On n’a aucune façon d’amortir ces hausses. En revanche, on en a sur la plupart des autres productions alimentaires. Si on veut dans un monde en plein bouleversement sécuriser les quantités nécessaires et les prix, ça se prépare maintenant, avant de dépendre comme pour le café, le chocolat ou le jus d’orange.