Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
La France va devoir démanteler les activités de fret ferroviaire de la SNCF. Clément Beaune l’a annoncé mardi aux syndicats de l’entreprise.
Fret SNCF, c’est 780 millions d’euros de chiffre d’affaires. La filiale de transport de marchandises par le rail de la SNCF n’allait pas très fort jusqu’à une époque récente. Elle perdait de l’argent. La France la négligeait, mais elle l’a tout de même maintenue à flot financièrement, entre 2005 et 2019, parce qu’il y a des enjeux économiques territoriaux forts avec ce fret ferroviaire.
Les autorités de la concurrence européenne estiment que ce soutien était illégal. Elles demandent le remboursement par fret SNCF de 5 milliards d’euros d’aides.
Somme énorme.
Que fret SNCF n’a évidemment pas // Si elle devait les payer, elle mourrait. Et donc, la France n’a pas moultes solutions. Si elle veut sauver le fret ferroviaire de l’opérateur public, qui a 60% du marché en France, elle doit le liquider, pour ne pas avoir à payer 5 milliards. La dette qui disparaîtra avec tout le passif. Cette décision devrait arriver d’ici à l’été.
Et il faudra repartir de zéro.
Pas exactement, mais presque. Ensuite, la France doit faire renaître les activités de fret SNCF sous une autre forme juridique, avec un autre nom, et surtout, avec un périmètre différent.
Ça veut dire quoi ? Que le nouveau fret SNCF va devoir laisser toute une partie de ses contrats à la concurrence. 20% de son chiffre d’affaires. Des contrats avec des grosses entreprises qui seront à l’avenir opéré par des opérateurs privés, comme Europorte, ou par des opérateurs publics étrangers, comme la Deutsche Bahn,
Ça tombe d’autant plus mal que le fret ferroviaire allait mieux à la SNCF.
Oui, depuis deux ans, il avait retrouvé une petite rentabilité opérationnelle. Et la part modale du fret ferroviaire en France avait recommencé à augmenter doucement : 10% des marchandises circulent par le rail, mais on reste très en retard par rapport à l’Allemagne, qui est à 18%
C’est un enjeu crucial que le fret ferroviaire, parce que c’est une solution pour décarbonner un des postes les plus émetteurs en CO2 de notre économie : le transport. Le fret ferrovaire, c’est très efficace énergétiquement, et comme ça fonctionne à l’électricité nucléaire en France, c’est zero CO2.
La Commission européenne exige donc de la France qu’elle casse une entreprise stratégique écologiquement, au moment où elle relève la tête.
Oui, exactement, pour laquelle il y a eu de très gros efforts techniques et commerciaux. La France a plaidé qu’elle avait bien fait de soutenir une entreprise centrale pour la transition écologique, la commission n’a rien voulu entendre
On ne comprend pas trop les messages de Bruxelles
C’est le moins qu’on puisse dire. D’un côté, elle fait de la lutte contre le changement climatique sa priorité absolue,
Et de l’autre côté, elle exhume un grief pour des questions concurrence, alors qu’il n’y a aucun plaignant. Et elle lance une procédure de sanctions qui va plomber le transfert des marchandises de la route vers le rail et donc, la lutte contre le changement climatique.
Des injonctions contradictoires qui sapent de ses propres priorités écologiques. On est en plein conflit de bureaucratie. La Commission déraille complètement.