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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

L’histoire d’une tradition qui glisse entre les mains de ses détenteurs, celle du savon de Marseille.

Reportage très intéressant et assez caustique paru dans le Figaro. Il relate le désarroi des savonniers de Marseille qui se voient dépossédés du savon du même nom. Il se dit dans les milieux de la savonnerie que 80% de la production mondiale de savon de Marseille ne viendrait pas effectivement de Marseille. Et sans doute, beaucoup plus que ça, selon une spécialiste. On vend, sous ce nom qui fleure bon le propre et la Provence, tout et surtout n’importe quoi.

Savon de Marseille, ça ne veut rien dire ?

Aussi fou que ça puisse paraître, non. On fait du savon de Marseille partout dans le monde. Au début du XXe siècle, Marseille fournissait plus de la moitié de la consommation mondiale de savon, un produit à base d’huile d’olive. Aujourd’hui, la France produit encore 30 000 tonnes de savon artisanal par an, une bonne partie s’exporte bien. Mais le produit n’a jamais été protégé, le nom n’est pas déposé. On peut le copier en Turquie, au Maroc, en Asie, où un semblant d’origine française est toujours raffiné et se vend très bien. Problème, cette concurrence casse le marché “Quand on fabrique en France, dit un savonnier, on a des coûts incompressibles. Et quand un client ne comprend pas la différence, il achète forcément le moins cher”. Et l'authentique savon de Marseille voit des marchés lui passer sous le nez. Avec l’impression d’être David contre Goliath.

Et les savonniers de Marseille n’ont pas essayé de protéger leur production ?

Si. Ça fait quinze ans qu’ils ont ce projet. Mais figurez –vous qu’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord ! Deux associations de savonniers rivales ont chacune leur projet d’IGP. Elles ne sont pas d’accord sur la recette ! Il y a bien une formule traditionnelle réglementée par un édit de Colbert de 1688... Mais au fil du temps, la composition et le processus de fabrication ont évolué. Alors, est-ce qu’on peut ajouter du parfum, par exemple, utiliser des copeaux de savon achetés comme base, il y a bisbille, et le dossier n’avance pas.

D’autant que les savonniers ne sont pas non plus d’accord sur le périmètre de l’appellation.

 Est-ce que Marseille, c’est Marseille ? Est-ce que c’est les Bouches du Rhone, est ce qu’on peut aller au delà pour accueillir un savonnier traditionnel qui est à Toulon, dans le Var, à 60 km de Marseille. On se déchire dans le monde des savonniers. Ils envisagent de faire appel à un arbitre extérieur pour mettre en place un cahier des charges.

Ils auraient pourtant intérêt à s’organiser.

Ca m’a rappelé une histoire de 2017, de la même région. les calissonniers d’Aix, qui se faisaient copier allègrement leurs confiseries en Chine avaient réussi à s’organiser et contre toute attente à imposer le respect de leur IGP. Ils avaient réussi là ou les couteaux de Laguiole, qui sont dans le même cas que le savon de Marseille, avec un savoir-faire non déposé, avaient échoué. Ca vaut sans doute le coup de passer l’éponge sur quelques petits différents.