Les désillusions de la réindustrialisation

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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

La France peut-elle se réindustrialiser ? C’était une des ambitions d’Emmanuel Macron. Les dernières nouvelles ne sont pas très bonnes.

Vous voyez l’image de Sisyphe poussant son rocher en haut d’une montagne et devant recommencer chaque matin ? La réindustrialisation française, c’est un peu ça. Sisyphe en ce moment est en bas de la montagne. Il va devoir remonter.

Selon les chiffres du cabinet Trendeo, entre avril et août, les fermetures de sites industriels en France ont été plus nombreuses que les ouvertures. L'Hexagone a perdu 10 usines sur la période. C’est un retournement de tendance. Dommage. Parce que depuis 2016, hors covid, ça allait dans le bon sens. La réindustrialisation, même si on partait de loin, elle existait. 

Il y a eu quelques fermetures retentissantes, comme celle d’un site Bosch en Haute-Savoie. Mais le rythme d’installation des nouvelles usines se tasse.

Au -delà du solde, c’est ça qui est ennuyeux, il y a moins de nouvelles usines  qui s’installent. Sur les six premiers mois de l'année,18 nouveaux sites ont vu le jour en France, c’est 30 % de moins qu’en 2023 à la même période. L'an dernier, la France a accueilli 57 nouveaux sites industriels, on n’y sera clairement pas cette année.

Qu’est ce qui explique le retournement de tendance ?

Une multitude de facteurs en fait. D’abord, l’inflation qui a rendu toute construction bien plus coûteuse. Oui, ça se tasse... Mais des projets ne sont pas nés à cause de ça. Ca fait un “ trou” dans la démographie des entreprise. Ajoutez à ça la hausse des taux d’intérêts qui renchérit l’investissement, les tensions géopolitiques, la concurrence de la destination américaine grâce aux subventions massives du plan de réduction de l’inflation (IRA), et vous avez ce qu’on appelle les “ causes exogènes”.

Mais on a aussi des raisons bien franco-françaises.

La fin du plan France Relance, lancé pendant la crise sanitaire. Vous savez, quand on s’était rendu compte que la désindustrialisation avait créé des “ trous” dans des secteurs stratégiques. On avait consacré un peu plus de 30 milliards à l’installation de nouvelles usines. Ca a très bien marché, mais c’est fini. Vu l’état des finances publiques, on risque de ne pas y revenir de sitôt.

Autre frein. La loi Zéro artificialisation nette. Elle empêche encore des entreprises de trouver des terrains à bâtir dans des zones qui conviennent à leur activité - c’est à dire, hors des zones urbaines, ou les nuisances sont de plus en plus mal tolérées...Il y a des bonnes raisons à cette loi ZAN, mais elle a des effets indésirables.  Et bien sûr, le climat politique baroque. La dissolution, ça a été le coup de grâce.

Dommage, parce que la France a de vrais atouts.

Oui, notamment vis à vis de ses partenaires européens et de l’Etat industriel par excellence : l’Allemagne, qui a bien du plomb dans l’aile, sa production décline. La stabilité, la fiabilité du système énergétique français qui repose sur le nucléaire, face aux risques de pénuries en Allemagne, il faut le dire, c’est un avantage imparable. Le vrai carburant pour pousser Sisyphe sur sa montagne, il est là.

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