Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
En Lozère, sur la commune de la Canourgue, une fête techno ne s’est pas déroulée comme prévu...
Elle ne s’est d’ailleurs pas déroulée du tout. C’était un teknival, un rassemblement techno illégal, mais les agriculteurs de la commune l’ont délogée avec leurs tracteurs, comme le raconte notre confrère du Figaro Eric de la Chesnais.
A 4 heures du matin jeudi, à l’aube d’un week-end prolongé, les paysans de La Canourgue ont remarqué de nombreuses voitures qui se dirigeaient vers une piste d’atterrissage désaffectée, au milieu de leurs champs. Si les agriculteurs ont vu le manège, c’est qu’eux-mêmes étaient déjà sur le pont, en cette période d’ensilages, de foins et de semis. “Avec nos engins, on ne peut pas se croiser sur ces petites routes. Les paysans se faisaient insulter et devaient s’arrêter pour laisser passer ceux qui allaient faire la fête”, raconte la chambre d’agriculture de la Lozère. Choc des mondes!
Les préparatifs étaient déjà bien entamés.
Plus de 200 “teufeurs” étaient à pied d’oeuvre pour installer la sono. Et la foule grossissait. Les paysans ont donc bloqué avec des bennes les trois routes d’accès au site. Des tracteurs sont allés empêcher l’installation des infrastructures. Evidemment pas dans le calme. Une camionnette a été renversée par un tracteur, les teufeurs ont sorti les barres de fer, deux escadrons de gendarmes mobiles sont arrivés à temps pour éviter la bagarre générale. Mais selon les agriculteurs de la Canourgue, il fallait agir vite, car tout ce petit monde avait prévu de faire la fête jusqu’à ce lundi. Et il aurait été impossible de les déloger.
Les autorités n’ont pas réagi ?
Les agriculteurs ont bien discuté avec le préfet, pour qu’il prenne un arrêté d’expulsion et envoie du renfort. Mais la Lozère n’est pas une zone très bien dotée en forces de l’ordre... Et une fois que la fête est installée, impossible de la disperser, c’est le fait accompli. Chat échaudé craint l’eau froide, les agriculteurs voulaient éviter de subir ce qu’on subi, le week-end du 8 mai, leurs collègues du Lot. Une rave illégale de 10 000 personnes a ravagé des hectares de terre agricole, et une année de travail pour les paysans de la région. Dans une zone où l’agriculture est à 98% de l’élevage, une prairie piétinée, c’est un énorme préjudice.
On ne peut pas se réjouir que les agriculteurs se soient fait justice eux-mêmes.
Non. C’est terrible qu’ils aient dû en arriver là, et heureusement, ça n’a pas dégénéré. Mais voilà ce qui se produit quand un Etat donne aux citoyens qui ne demandent rien à personne le sentiment qu’on peut piétiner leurs droits et leur propriété sans conséquences. Quelques amendes, a posteriori, ça n’est pas dissuasif et surtout, ça ne rend pas justice aux agriculteurs lésés. Il y a un vrai ras-le-bol dans le monde rural.
Ca s’arrangera peut-être. Une loi pour pénaliser les organisations illégales est en travail à l’assemblée. L’Italie en a fait autant récemment avec des peines allant jusqu'à six ans de prison pour les organisateurs, quatre ans pour les participants. Les teufers, qui ont même organisé des manifestations contre la loi, crient à l’amputation de leurs libertés. C’est la sono qui se moque du poste de radio.