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La Cour des comptes a publié la semaine passée un rapport sur le plan épargne retraite (PER), un placement relancé avec succès par l’ancien ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, très apprécié des Français. Pas de bol, il coûte trop cher.
Le PER – plan épargne retraite - c’est un produit d'épargne à long terme. Il permet d'économiser avec des avantages fiscaux pendant la vie active pour obtenir, à l'âge de la retraite, un capital ou une rente, pendant une période de temps fixée par un contrat ou jusqu'au décès. Autrement dit, il permet d’être prévoyant.
Mais pour la Cour des comptes, le PER coûte trop cher à l’Etat en ce moment de disette budgétaire. Au moins 1,8 milliard d’euros chaque année en déductions fiscales. Il profiterait aussi surtout aux Français aisés. Et il n’aurait pas non plus démontré son efficacité quant au financement de l’économie réelle (un argument un peu étrange, mais soit). Les magistrats de la Cour des Comptes veulent donc abaisser les avantages fiscaux liés au PER.
Mais c’est pourtant un produit d’épargne qui a fait l’objet de beaucoup de publicité de la part de l’Etat. On a incité les Français à souscrire !
Il a été dépoussiéré par Bruno le Maire via la loi pacte, en 2019. Et ça a très bien marché, puisque 10,5 millions de particuliers possèdent désormais un PER. Un actif sur trois ! Les encours sont de 109 milliards d’euros. Sur les douze derniers mois, les cotisations ont encore bondi de 20%. Le PER est populaire.
Si l’avis de la Cour des Comptes était suivi, et qu’on venait dire aux français qui ont pensé leur épargne et qui ont assuré leur retraite en comptant sur cet outil que c’est fini, ce serait vraiment fort de café. On ne peut pas changer les règles du jeu comme ça, surtout à un moment où il y a de tels doutes sur le niveau des pensions futures.
C’est un paradoxe. Le système de retraites coûte cher, on ne sait pas comment l’équilibrer. Le PER, c’était une partie de la réponse.
Le PER, c’est un des seuls leviers que les Français ont pour améliorer volontairement leur retraite, au-delà des cotisations obligatoires. Autrement dit, un outil de choix, et de liberté, dans un pays si hostile à la retraite par capitalisation. Laquelle serait sans doute souhaitable pour résoudre l’impossible équation de la réforme des retraites. Etrange de voir les magistrats de la Cour des Comptes vouloir coincer un maximum de Français dans un système au cout du rouleau, en resserrant l’échappatoire du PER.
Mais c’est vraiment un outil pour les riches ?
C’est l’argument de la Cour des comptes, qui explique que le PER profite surtout aux épargnants fortunés, auxquels il offre « de larges possibilités d’optimisation fiscale ». Pas très convaincant. Le rapport de la cour des comptes lui même montre que 85% des contribuables profitant des déductions du PER relèvent des tranches marginales d’imposition à seulement 11% et 30%. Pas exactement des mégariches, plutôt la classe moyenne... La moitié des demandes de déductions fiscales annuelles sont même inférieures à 1 700 euros, ce sont les chiffres de la Cour des comptes. On est très, très loin d’un système d’optimisation fiscale délirant.