Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Une histoire de plume qui commence comme une opération de communication du ministère de la Culture, puis qui tourne au fiasco intégral et qui révèle un nouveau gâchis de ressources publiques et un Etat qui se mêle de tout.
Le ministère de la culture pensait bien faire en révélant, mercredi sur les réseaux sociaux, les nouvelles enseignes qu'il sponsorise pour les marchands de presse. Il s'est pris une incroyable volée de bois vert, qui a duré tout le weekend et qui l'a forcé à se justifier
On parle de la fameuse "plume" qui matérialise les marchands de journaux.
Une enseigne qui représente une plume stylisée rouge sur fond jaune, elle fait partie de notre patrimoine visuel depuis 1950, avec quelques évolutions minimes. Mais visiblement, il fallait faire du neuf. " La plume se réinvente en 2025, accompagnant les transformations du métier. Le ministère de la Culture accompagne son déploiement qui s'inscrit dans le Plan culture et ruralité", a-t-il expliqué en dévoilant la nouvelle enseigne.
Qui fait l'unanimité contre elle
C'en est même surprenant. Des milliers de commentaires peu amènes, Personne ou presque pour défendre le nouveau machin, issu d'un appel d'offres lancé il y a deux ans par le ministère de la culture et attribué à un groupe de designers. "plus moderne, attractive et dynamique, dans des matériaux plus durables et écologiques et avec une déclinaison lumineuse conforme aux réglementations définies par le Code de l’environnement", c'est la promesse, avec tous les lieux communs de l'époque. Dans les faits, un bidule rectangulaire terne, jaune et gris, qui ressemble à un ouvre boîte ou a un canif replié, le mot presse étant presque illisible. Renoncer à un logo reconnaissable entre mille pour ça, ça n'a aucun sens - si ce n'est claquer du fric qu'on n'a pas. Moqueries et détournements n'ont évidemment pas tardé.
Et on a aussi découvert que le ministère se mêle vraiment de tout.
Sous prétexte d'aider la presse et sa distribution, puisque le nombre de marchands de presse a baissé de 35% en 20 ans, le ministère de la Culture appuie (je cite) une "nouvelle stratégie de marque, qui accompagne la transformation du métier". Une aide, instaurée en 2004 et dotée de 6 millions d’euros en 2024 prend en charge les dépenses de modernisation des espaces de vente de presse. Pour l’enseigne, l'Etat peut payer jusqu'à 80 % en zone urbaine et 90 % en zone rurale. ESt-ce que c'est vraiment le rôle de Etat quand nos déficits et notre dette explosent ? Et au-delà de l'argent, est-ce qu'on a vraiment besoin d'affecter des fonctionnaires à l'élaboration de ce genre de plans ratés et d'appels d'offre?
Le ministère a tenté de se défendre.
Et c'est pire. Il a expliqué que la nouvelle plume avait été demandée par les marchands de presse et qu'elle ne génère aucun surcoût." Le secteur de la presse a par ailleurs contribué à l’effort d’économie à hauteur de 15 M€", -t-il. Quel micmac ! Pourquoi tout cela a-t-il besoin de passer par les mains du ministère de la culture ? Les secteurs économiques ne sont ils pas assez futés pour se débrouiller et prendre en main la définition de leurs enseignes, s'ils en ont les moyens et le besoin ? Cette histoire de plume pourrait être une anecdote, c'est une métaphore. Celle d'une France où tout le monde est coincé dans le nid douillet des subventions, où l'on ouvre grand la bouche pour recevoir la becquée. Et où finalement, l'Etat a tellement le contrôle que plus personne ne trouve normal de voler de ses propres ailes.