Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Ce matin, vous arrivez avec une devinette. Quel est le point commun entre une voiture électrique chinoise et une bouteille de Cognac ?
Vous séchez, n’est-ce pas ? A priori, il n’y en a pas... Sauf que le destin de ces deux objets apparemment dissemblables est lié dans l’escalade de tension commerciale qui est en train de se jouer entre l’Union européenne et la Chine. Au grand dam des producteurs de cognac, embringués dans une histoire qui les dépasse totalement.
Tout a commencé en janvier, quand l’Union européenne a dénoncé les fabricants chinois de voitures et d’équipements électriques de dumping pour laminer les concurrents européens. L’UE a relevé ses droits de douane à 35%.
Et le cognac dans tout ça ?
La Chine a estimé que la France était très allante, dans l’idée de surtaxer ses voitures... Et elle a identifié une manière de riposter en ciblant ce qu’on appelle les brandys européens. Brandy, ça veut dire alcool issu de vin rouge ou blanc distillé. 95% des brandys européens sont constitués de cognac, le reste, c’est de l’Armagnac et un petit peu de xeres espagnol. Et la Chine a imposé au secteur des brandys ce que l’UE a imposé à ses voitures : une enquête antidumping. Elle a accusé les producteurs de brader leurs produits sur le marché chinois.
Résultat de l’enquête ?
Peu importe : le but était simplement de taxer les brandy. La Chine a annoncé qu’à partir du 11 octobre, c’est 35% de taxe en plus. Alors que vendredi dernier, l’UE a confirmé sa politique de surtaxation des voitures chinoises, les maisons de cognac ont été averties par la Chine qu’elles devaient déposer des cautions pour leurs futures taxes dès maintenant... L’alcool français, qui n’a rien demandé à personne, devient totalement inabordable.
C’est grave ?
Oui : le cognac, c’est un fleuron de nos exportations. 95% de la production est vendue hors de France, dont un quart en Chine. Un marché à 700 millions d’exportations. Il y a 250 maisons de cognacs, des milliers d’agriculteurs qui cultivent la vigne pour cette filière haut de gamme et 70 000 emplois dans toute la filière.
Vous le savez, nos filières agroalimentaires qui contribuent positivement à la balance commerciale se font rares. Les producteurs de cognac sont désespérés d’être les variables d’ajustement de cette affaire.
Ça peut encore s’arranger ?
L’Allemagne a fait demi tour sur cette affaire de taxation des voitures chinoises, parce qu’elle a eu peur des rétorsions pour sa propre industrie automobile. L’Espagne est moins offensive depuis que la Chine a menacé les importations de porcs. Pour la France, on ne sait pas encore, le Gouvernement espère encore discuter pour que le cognac soit épargné, y compris en demandant l’arbitrage de l’Organisation mondiale du commerce. La grande crainte, c’est que si son coup de pression sur le cognac ne marche pas, la Chine, qui n’est pas en grande forme économique s’attaque à d’autres secteurs importants pour l’économie française, le luxe, les cosmétiques, le lait ou le porc. Les guerres commerciales, on sait où ça commence, jamais où ça s’arrête. Et comme dans les vraies guerres, il y a des victimes collatérales