Les autorités de Shengzou ont été contraintes de mettre fin à une campagne de ramassage des mégots car certains bénévoles tentaient d'en détourner le but.
Shengzou était toute fière pourtant, de sa lumineuse idée. Cette ville de 700 000 habitants, au sud de Shanghai, a lancé une campagne, fin septembre, pour inciter les gens à ramasser leurs mégots de cigarette - il y a 360 millions de fumeurs en chine - sous la houlette du parti communiste qui promeut les actions patriotes en faveur de l’hygiène. Et le principe était bon enfant : pour 50 mégots ramassés, on allait vous donner, un paquet de mouchoir. Un gros paquet, 200 mouchoirs, mais pas de quoi déchaîner les passions cupides. Et pourtant les gens se sont précipités. Ce que raconte la presse locale est hallucinant. Dès la première semaine, des centaines de personnes ont envahi la ville, avec des sacs immenses, ils ont ramassé, ramassé, et très vite le bureau de la santé s’est retrouvé débordé.
Les gens arrivaient avec des montagnes de mégots. Cela bloquait la circulation parce qu'ils se mettaient au milieu de la route pour faire leurs petits tas, compter, etc. Un jour un homme est arrivé avec 9000 mégots, et il est reparti avec 180 paquets de mouchoirs ! La semaine dernière, quand on a atteint la folie, il y avait une liste d’attente de 1800 personnes pour aller déposer son butin. Des gens arrivaient des provinces voisines, au point qu’il y a quelques jours les autorités ont dit "stop". On arrête tout : 4,8 millions de mégots récoltés, 100 000 paquets de Kleenex distribués. Et beaucoup de ces mégots étaient vraiment suspects, propres, sans la moindre petite trace de souillures. Les autorités sont persuadées qu’un trafic s’est développé, que ces paquets de mouchoir ont été revendus.
Evidemment on rit, mais elle dit quelque chose, cette histoire. Ce sont surtout des personnes âgées qui ont joué à cette chasse aux mégots, des retraités dont le nombre explose en Chine et qui ont très peu pour vivre. Le système social est rudimentaire, dans les zones rurales, 65% d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Quand on en est la, toute pièce est bonne à prendre : revendre des mouchoirs ou autre chose, il faut bien manger.