Stéphane Bern raconte un Bonaparte, non pas Napoléon, ni Louis-Napoléon, mais celui qui s’est fait un nom aux Etats-Unis. Ou la véritable histoire de Charles-Joseph Bonaparte, le fondateur du FBI.
Quel était son lien de parenté avec Napoléon 1er et comment la famille Bonaparte s’est-elle implantée aux États-Unis ? Dans quel contexte Charles-Joseph Bonaparte a-t-il créé le FBI ?
Et en quoi ressemblait-il au FBI d’aujourd’hui que l’on voit dans les séries ?
Pour en parler, Stéphane Bern reçoit Daniel de Montplaisir, historien et haut fonctionnaire, auteur de "Charles-Joseph - Le Bonaparte américain, fondateur du FBI” (Perrin)
Nous sommes le 26 juillet 1908, à Washington aux États-Unis. C’est dans la capitale fédérale que vient d'ouvrir le premier bureau du FBI, ou plutôt BOI, le Bureau of Investigation, son ancêtre, qui ne compte qu'une vingtaine d'agents.
C’est un homme qui s'est vu confier cette mission par le président Théodore Roosevelt, qui les a lui-même recrutés parmi les membres des services secrets qui ont accepté, alors, de transférer quelques-uns de leurs talents. Son nom ? Bonaparte.
Le petit-neveu de Napoléon
L’homme ne se confond évidemment pas avec Napoléon Bonaparte, pas plus qu'avec son neveu Louis Napoléon Bonaparte, alias Napoléon III. Mais le fondateur du futur FBI appartient bel et bien à la famille impériale puisqu'il est un autre neveu de Napoléon Ier.
Brillant rejeton de la branche américaine d'une famille qui ne se résume certes pas à deux empereurs, Charles Joseph Bonaparte n'a pas porté la moindre couronne et n'a pas mis le bout d'un orteil en France de toute sa vie. Mais il fait en revanche partie de ceux qui ont forgé l'Amérique contemporaine. Comme ministre de la Marine, d'abord, comme Attorney General, ensuite, l'équivalent de notre Garde des Sceaux.
Alors en ce mois de juillet 1908, lorsque le petit neveu du vainqueur d'Austerlitz fonde cette nouvelle agence, son Bureau of Investigation, elle n'a bien sûr pas l'envergure du FBI moderne et s'intéresse à peu de crimes. Mais Charles Joseph Bonaparte a bel et bien conçu ce qu’est devenu le FBI en quelques décennies : une agence fédérale efficace et bien rodée, capable de gérer les affaires les plus sérieuses sur tout le territoire américain et qui compte à ce jour quelques 14 000 agents, 22 000 salariés, 500 bureaux, pour un budget de 8 milliards et demi de dollars. Bref, l'une des forces de police et d'enquête les plus puissantes au monde, et l'une des plus célèbres.
Il faut avouer que le grand et le petit écran y sont évidemment pour beaucoup : Fox Mulder et Dana Scully dans X-Files, Clarice Starling dans Le silence des agneaux, Dell Cooper du côté de Twin Peaks… A chaque fois, on reconnaît au premier coup d'œil les trois grandes lettres jaunes qui désignent le Federal Bureau of Investigation.
Comment un Bonaparte a influencé les Etats-Unis ?
Une existence qui n'aurait peut-être jamais pu commencer si le plus jeune frère de Napoléon, Jérôme Bonaparte, n'était pas tombé, quelques décennies plus tôt, sous le charme d'une des plus belles femmes de Baltimore. Pour comprendre comment un Bonaparte a pu fonder le FBI au tout début du XXe siècle, il faut en effet remonter une grosse centaine d'années en arrière, en juillet 1803.
Cette année-là, Jérôme Bonaparte arrive dans la capitale économique du Maryland. À 18 ans, le jeune homme a déjà tiré quelques fruits de l'ascension de son frère aîné. Encore premier consul, Napoléon a déjà fait de son cadet un officier de marine, malgré sa jeunesse.
Accueilli à bras ouverts dans la bonne société de Baltimore, Jérôme Bonaparte est vite séduit par l'un des plus beaux partis du comté, Élisabeth Paterson, une beauté du même âge que lui dont la famille compte parmi les plus fortunés des États-Unis. Et très vite, le coup de foudre est partagé. Les tourtereaux convolent la veille de Noël de la même année, et parce qu'on ne perd pas de temps, dix-huit mois plus tard, Elisabeth Bonaparte accouche d'un premier enfant, Jérôme Napoléon Bonaparte.
La grande Histoire s'en mêle ensuite. Désormais empereur, Napoléon Ier caresse d'autres ambitions que ce mariage américain pour son plus jeune frère. Comme tous les membres de sa famille, Jérôme est d'abord un outil aux yeux de son frère aîné. L’empereur se moque bien des sentiments de Jérôme ou d'Élisabeth. En 1805, il fait casser le mariage en prétextant que ni Jérôme ni sa femme n'étaient majeurs au moment de leur union. Futur roi de Westphalie, Jérôme est contraint d'abandonner sa femme et son fils, à la plus grande colère d'Élisabeth, qui finira par obtenir devant les tribunaux le droit de garder ce nom de Bonaparte.
Elle ne se remariera jamais. À ses yeux, elle est une Bonaparte, et son fils aussi. Ce fils, Jérôme Bonaparte, 2e du nom, grandit à Baltimore et mène sa vie sans trop se soucier de ces démêlés familiaux. Surnommé Beau, il a deux fils à son tour : un nouveau Jérôme, 3e du nom donc, né en 1830 et Charles Joseph, né lui en 1851.
Et les deux frères connaissent des destins bien différents : si le premier, devenu militaire, regagne le vieux continent pour servir dans l'armée de son cousin germain Napoléon III, le second lui, refusera toute sa vie d'être associé de près ou de loin à la famille impériale. Son existence, Charles Joseph ne l'imagine qu'aux États-Unis et très jeune, c'est à l'Oncle Sam qu'il décide de la consacrer. Il en a les moyens, par sa fortune et par ses qualités.
Des idéaux progressistes
Élève brillant, Charles Joseph entre à la prestigieuse université de Harvard dont il sort diplômé en droit en 1874. Il a 23 ans et dans toute la Nouvelle-Angleterre, le jeune juriste ne tarde pas à faire parler de lui, non seulement pour ses talents de juriste mais aussi pour les idées qu'il défend. Des idées qui le rangent dans le camp des réformateurs et des progressistes américains.
Pour Charles Joseph Bonaparte comme pour beaucoup d'autres, les États-Unis sont parvenus à un carrefour dans ce dernier quart du XIXe siècle, porté par une croissance économique fulgurante. Ils sont devenus en quelques décennies une immense nation, dont la place dans les affaires du monde se fait de plus en plus prépondérante. Mais pour lui, cette ascension a une face obscure : le capitalisme déréglé, le goût du profit pour le profit et la corruption menacent un pays où les grands empires industriels font trop souvent la loi.
Pour lui, l'Amérique est d'autant plus fragile que son échelon fédéral reste souvent trop faible face aux États. Ce constat, le juriste le fait tous les jours à Baltimore, riche cité portuaire où s'affrontent tout à la fois l'insolente richesse de quelques-uns et le sort tragique des plus faibles et des plus pauvres. Charles Joseph Bonaparte veut une Amérique meilleure, plus protectrice pour les laissés pour compte d'un libéralisme sans limite.
Il faut prendre garde à ne pas en faire un socialiste ou un communiste, loin de là. Charles Joseph veut revenir à l'esprit des pères fondateurs. Ce qu'il appelle de ses vœux, c'est tout simplement le good government, ce courant de pensée qui veut voir émerger un État fédéral efficace et honnête, concentré sur le bien commun. Bref, une Amérique intègre servie par des hommes publics incorruptibles et débarrassés de la fraude électorale, du favoritisme, du clientélisme et des abus de pouvoir.
Au niveau local, son métier lui permet de porter ses idées. Ténor du barreau, Charles Joseph met ses redoutables talents d'orateur et d'avocat au service des causes qui lui sont chères, de la lutte contre la corruption jusqu'à la défense des droits civiques, ceux des femmes et des anciens esclaves noirs en tête.
Redouté, homme caustique et souvent ironique, il pèse de tout son poids dans la série de lois que le Maryland adopte dans les années 1890 pour moraliser la fonction publique et la vie politique de l'État. Il en retire le surnom de Charlie The Crook Chaser, le chasseur d'escroc. Mais il y gagne surtout l'attention d'un autre diplômé d'Harvard, un homme qui s'apprête à devenir l'un des présidents les plus respectés de l'histoire américaine : Théodore Roosevelt, l'homme qui va permettre à Charles Joseph Bonaparte de confronter ses idéaux à la réalité.
Dans le gouvernement de Roosevelt
Lorsqu’en septembre 1901, le vice-président Roosevelt accède subitement au pouvoir suprême au lendemain de l'assassinat de William McKinley, un air neuf ne tarde pas à souffler sur la Maison Blanche. Par sa personnalité comme par sa manière de gouverner, Théodore Roosevelt marque une rupture. Son tempérament dynamique n'est un mystère pour personne : on dit de lui qu'il court devant son cheval. Mais à 43 ans, le bouillant président sait qu'il lui faut s'entourer de personnalités au caractère différent du sien, moins spontané et plus calme.
À 50 ans tout juste, Charles Joseph Bonaparte répond d'autant mieux à ce portrait-robot que ses idées réformatrices rejoignent largement celles de Roosevelt. S’il est moins impressionnant que le président, son allure marque ses contemporains avec « cette tête en boulet de canon avec de la place pour deux cerveaux » que décrit un contemporain. Toujours vêtu de noir, il est aussi redouté, comme en témoigne un journaliste du New York World qui écrit :
" Son sourire fascine quiconque le regarde en face : troublant, doux, sirupeux, séducteur, trompeur, sarcastique, sardonique, paralysant, diabolique. "
Diabolique ou pas, Roosevelt ne tarde pas à faire appel à cette figure du mouvement réformateur. Son influence se devine dans les réformes engagées pour assainir le recrutement des fonctionnaires, désormais sélectionnés sur concours au lieu d'être recrutés à la tête du client, avec tous les risques de népotisme et de corruption que cela suppose.
C’est encore Bonaparte qui est derrière la création d'une police maritime chargée de traquer les petits et les grands trafics qui règnent dans les ports américains. Nommé procureur spécial, Bonaparte est ensuite chargé d'une mission délicate : nettoyer les services postaux fédéraux. En 9 mois à peine, le procureur spécial lance 2500 poursuites, ce qui permet de sérieusement assainir l'US Mail, au grand dam de certains sous-traitants sans scrupule.
En 3 ans, le bon gouvernement que Bonaparte appelait de ses vœux prend corps et ses avancées se soldent par la réélection de Roosevelt en 1904. Et cette fois, Charles Joseph intègre la dizaine de ministres qui entourent le président. Une anecdote en dit long sur son tempérament. Alors qu’il vise le poste d’Attorney General, le président Roosevelt lui propose la Marine. Bonaparte se fend d'une réponse écrite qui vaut son pesant d'or :
" Ma préférence irait au remplacement de Monsieur l’Attorney General mais puisqu'il faut attendre, je ne doute pas que ma nomination au Département de la Marine produise un bon effet sur l'opinion publique. "
On fait difficilement plus sûr de soi sans paraître arrogant. Mais Bonaparte reçoit bien assurance d'obtenir plus tard le poste qu'il réclame. Une partie de la presse s'amuse de la nomination à la Marine du petit neveu d'un empereur que les Anglais avaient battu à plate couture à Trafalgar. En 18 mois pourtant, Charles Joseph fait beaucoup pour organiser et moderniser une flotte américaine qui pèse encore bien peu sur la scène internationale. Mais le poste n'est qu'un tremplin.
A la tête du Département de la Justice
En décembre 1906, Charles Joseph Bonaparte prend comme promis la tête du Département de la Justice, un ministère qui se confond aux États-Unis avec la charge de procureur général, celui qui représente l'État devant les juridictions fédérales. Une fois nommé, Bonaparte ne compte ni son temps ni ses efforts.
En quelques années, le ministre porte quelques 560 dossiers devant la Cour suprême et plaide en personne 56 fois dans un but clair : renforcer le poids du pouvoir fédéral face aux États d'une part, et face aux grands groupes économiques d'autre part. le combat le place en première ligne face à des mastodontes de l'industrie et du commerce, des groupes comme ceux d'Andrew Carnegie de Jay Gould, de JP Morgan ou de John Rockefeller.
Mais qu'importe : peu perturbé par leur influence politique, Charles Joseph Bonaparte part à l'assaut pour réguler les pratiques de ces trusts qui menacent la libre concurrence à force de dominer leur secteur et de multiplier les ententes illicites. En 3 ans, celui que la presse surnomme le Trust Buster, le briseur de Trust, lance une vingtaine de procédures contre le monde des affaires et s'attaque à des colosses comme American Tobacco ou la Standard Oil Company. Ce sont autant de procès retentissants qui finiront des années plus tard par fendiller le monopole de ces géants.
Mais le véritable héritage de Bonaparte, ce qui reste aujourd'hui de lui aux États-Unis, n'est pas là, même s'il a pu le croire. Sa grande œuvre, son coup de maître reste à venir et ne commence qu'en 1907, à la fin du dernier mandat de Théodore Roosevelt, lorsque le président confie à Bonaparte une mission délicate : celle de créer un service fédéral d'enquête et d'investigation entièrement autonome, capable de faire régner l'ordre dans une Amérique qui tient encore du Far West, par bien des côtés.
La gestion du crime aux Etats-Unis au début du XXe siècle
Et pour cela, pour créer le futur FBI, Charles Joseph Bonaparte va devoir ruser avec les élus au Congrès, défenseurs souvent farouches des intérêts locaux. Lorsque Roosevelt nomme Bonaparte à la tête du département de la Justice, la lutte contre la corruption n'est qu'une priorité parmi d'autres.
Dans les premières années du 20e siècle, le crime organisé a les coudées franches aux États-Unis. Les états peinent à faire respecter l'ordre et l'échelon fédéral n'est pas plus efficace, surtout dans l'Ouest où le temps des gangs, des braquages de trains, des attaques de banques et des arnaques en tout genre n'appartient pas encore au passé.
Aucun bureau, aucune agence n'est correctement armée pour lutter contre les groupes criminels, surveiller les milieux anarchistes ou se plonger dans les affaires les plus complexes. Les US Marshals font ce qu’ils peuvent mais ils ne sont pas suffisamment nombreux pour surveiller un territoire aussi vaste. Les obstacles juridiques sont nombreux : dès qu'une activité criminelle se déroule sur plusieurs États, les services de police sont paralysés, chacun veillant jalousement au respect de ses frontières et de ses prérogatives.
Pour lutter contre le crime sous ses formes les plus graves et les plus organisées, Washington en est réduit à recourir aux services d'agents privés comme les célèbres Pinkerton, des détectives qui travaillent en quelque sorte comme mercenaires au service des pouvoirs publics. Dans un État moderne, ce n'est évidemment pas satisfaisant.
À la demande du président Roosevelt, Bonaparte se penche alors sur la création d'un service d'investigation nouveau, directement rattaché à son ministère. En 1907 et aussi étonnant que cela puisse paraître, le ministère de la Justice en est réduit à emprunter des agents à d'autres ministères pour mener ses enquêtes.
Aux yeux de Bonaparte le fait que l’attorney general ne dispose d'aucun service d'enquête autonome est une anomalie qu'il faut absolument réparer. Tout le problème est que ni le Congrès ni le Sénat ne l'entendent de cette oreille. Jaloux des prérogatives des états, les parlementaires s'opposent à la création d'une agence fédérale qui, dans leur esprit, pourrait bien se transformer en police politique aux ordres de Washington. Et pour bien faire passer le message, le Congrès passe une loi qui interdit au département de la Justice de se faire prêter des agents par d'autres ministères.
La création du Bureau of Investigation
Il en faut davantage pour freiner Bonaparte. Puisqu’on le prive de ces agents détachés, le petit-neveu de Napoléon Ier crée sa propre brigade et recrute ses premiers agents en s'asseyant au passage sur la tradition qui veut qu'aucune décision majeure sur l'organisation d'une administration centrale ne soit lancée sans l'aval du Congrès. Pour avancer, Charles Joseph Bonaparte puise dans le service de protection du président, le Secret Service. Mais il étend ses filets plus loin en puisant dans les effectifs des polices de la côte Est.
Certains de ces critères de sélection très exigeants sont d'ailleurs toujours en vigueur pour intégrer la nouvelle structure, officiellement fondée le 26 juillet 1908. Il faut savoir passer inaperçu dans la foule, afficher une bonne forme physique et maîtriser la langue anglaise sur le bout des doigts. Mais il faut aussi pouvoir présenter de solides diplômes, si possible en droit. Bref, Bonaparte a besoin de têtes bien faites dans des corps bien faits, mais surtout d'hommes intègres doués du sens de l'ordre et du service public.
À l'été 1908, ces agents spéciaux que la presse surnomme vite les G-Men pour « Government men », les hommes du gouvernement, forment l'embryon du futur FBI. C’est le BOI, pour Bureau of Investigation.
Pour amadouer le Congrès, Bonaparte a l'intelligence de cantonner l'activité de cette trentaine d'agents triés sur le volet à certains crimes seulement : la lutte contre le trafic illégal, le recensement des maisons closes, le contrôle des livres obscènes et le démantèlement des réseaux de traite des blanches. On est certes encore loin de la grande police au service des intérêts supérieurs de la nation.
Mais l'habileté politique de Bonaparte porte ses fruits : le 1er juillet 1909, le BOI est officiellement doté de son premier budget et s'installe dans les locaux du ministère de la Justice à Washington. Bonaparte ne verra pas vraiment grandir le bureau qu'il a fondé en 1908 : Roosevelt respecte son engagement de ne pas briguer un troisième mandat et la mission de l'attorney general prend fin avec l'élection de William Howard Taft.
La succession de J. Edgar Hoover
Si le petit neveu de Napoléon a bien fondé l'embryon du FBI, c'est donc à l'un de ses successeurs que revient le mérite d'en avoir fait la machine bien rodée qu'il est aujourd'hui. C’est un autre homme, John Edgar Hoover, qui prend la tête du bureau en 1924. Un bureau dont il reste le Seigneur et Maître pendant presque 50 ans, jusqu'en 1972. Un bail très long, trop long sans doute…
En 50 ans, Hoover a fait du FBI de Bonaparte une machine efficace, mais au prix de sérieuses dérives. Il a tout organisé, oui, mais il a aussi pris la vilaine habitude de confondre le bureau avec son service personnel d'investigation. Un grand nombre d'enquêtes ont eu comme seul objet de l'alimenter en informations sans que les personnes ciblées ne soient engagées dans quoi que ce soit de criminel, souvent au mépris des libertés fondamentales. Sous son autorité, le FBI a connu de brillants succès, en partie par quelques barbouzeries indignes d'un service qui a pu faire, un temps, figure d'État dans l'état. bien loin de l'idéal de good government défendu par son fondateur.
La retraite et le bilan
Après avoir passé 3 ans et 8 mois dans l'administration de Théodore Roosevelt, Charles Joseph Bonaparte retourne à Baltimore, dans sa ville natale. Le juriste reprend un temps son activité d'avocat avant de couler des jours paisibles, jusqu'à sa mort en 1921, à l'âge de 70 ans.
Retraité, Bonaparte se comparait volontiers à Cincinnatus, ce héros romain légendaire qui se retira sur ses terres après avoir sauvé la mère patrie sans jamais briguer le pouvoir suprême. À la fin du mandat de Roosevelt, beaucoup ont vu chez Bonaparte l'un de ses successeurs naturels mais le petit neveu de Napoléon n'a jamais voulu franchir cette marche.
Son seul échec, finalement, tient à son combat en faveur des droits civiques comme attorney general. Il a pourtant beaucoup fait pour porter devant la Cour suprême son combat pour le respect des droits des Afro-Américains, à une époque où les états du sud, au travers de la ségrégation et des tristement célèbres lois Jim Crow, s'acharnaient à saper les droits conquis au lendemain de la guerre de Sécession. À cet égard, il a indéniablement échoué, bloqué par des tribunaux plus conservateurs que lui.
Son bilan n'en reste pas moins remarquable. Si le FBI reste le point le plus marquant de son héritage, Charles Joseph Bonaparte reste l'un des grands hommes d'État du début du XXe siècle, cette période dorée qui voit les États-Unis prendre leur place au rang des grandes puissances.
Issu d'une famille impériale, le plus américain des Bonaparte est certes moins illustre que d'autres de ses membres mais il a lui aussi placé son existence au service de l'État, des États-Unis en l'occurrence, avec une remarquable cohérence et sans dévier de ses convictions progressistes. Animé par la volonté de servir le good government, bien servi par des facultés rares, il a pesé dans la lutte contre la corruption, le népotisme et les passes droits qui régnaient au pays de l'Oncle Sam. ce qui lui valut d'ailleurs le surnom d’ « Incorruptible ».
Historiquement Vôtre est réalisée par Guillaume Vasseau.
Rédaction en chef : Benjamin Delsol
Auteur du récit : Jean-Christophe Piot
Journaliste : Armelle Thiberge