L'histoire vraie de Jordan Belfort, un trader sans scrupule qui a inspiré le film avec Leonardo DiCaprio. Le fabuleux destin d’un New-Yorkais, issu d’un milieu modeste, qui va gagner des centaines de millions de dollars sans le moindre diplôme avec pour seule arme un charisme hors du commun.
Peut-être avez-vous vu le film de Martin Scorsese, Le loup de Wall Street, avec Leonardo DiCaprio. Et bien voici l'histoire vraie qui a inspiré ce film, l'histoire de Jordan Belfort, l'un des plus grands escrocs de la Bourse américaine. Un personnage fascinant par son bagou qui avait fait de l'avidité le moteur de sa vie.
Cette histoire a été écrite en s’appuyant sur son autobiographie, quoi qu'elle soit un peu édulcorée, et le documentaire produit par Nicolas Valode et réalisé par Adeline Dessons : Jordan Belfort, le loup de Wall Street.
Un drôle de gamin du Bronx
Une belle histoire aux États-Unis, ça doit forcément illustrer le rêve américain, l'idée qu'on peut partir de rien et devenir maître du monde. Et avec Jordan Belfort, on est parfaitement servi car de fait, quand Jordan vient au monde en 1963, dans le Bronx, le quartier le plus pauvre de New York, rien ne le prédestine à être riche. Le Bronx, dans ces années-là, c'est la misère à tous les coins de rue : le quartier est miné par les gangs et par la drogue. Sale endroit pour grandir.
Ses parents, Léa et Max Belfort, ne gagnent pas beaucoup d'argent mais ils sont comptables tous les deux. Le soir à table, au dîner, ça parle crédit, débit, marge et bénéfice et ça, ça a compté, c'est sûr, dans l'intérêt que Jordan a développé pour l'argent. À la fin des années 60, inquiets de voir leurs enfants grandir dans le chaudron du Bronx, les Belfort déménagent. Ils traversent la baie et prennent un petit appartement dans le Queens, à Bay Side, une petite ville au bord de la mer, beaucoup plus calme.
À cette époque-là, Jordan est un drôle de gamin : il ne dort jamais, ou très peu. Vous pouvez débarquer dans sa chambre à n'importe quelle heure de la nuit, il est là, assis dans son lit, les yeux grands ouverts. Aujourd’hui, on parlerait sans doute d'un hyperactif.
Les premiers dollars de Jordan Belfort
L'été de ses seize ans, le businessman montre le bout de son nez. Cet été-là à New York, il fait très chaud et Jordan a une idée : il achète deux glacières, il les remplit de boîtes de glaces et il va les vendre sur la plage. C’est un véritable carton et il embauche des copains qui se mettent à bosser pour lui. En deux mois, il empoche 20 000 dollars.
Depuis qu'il est tout petit, sa maman a un projet pour lui : elle veut qu'il devienne dentiste. À la rentrée suivante, Jordan intègre le collège de chirurgie dentaire de Baltimore où, le premier jour, le doyen fait son discours, dans lequel il affirme que l’âge d’or de la chirurgie dentaire est derrière eux et « si vous êtes ici pour faire de l'argent, alors vous n'êtes pas au bon endroit ». Jordan perd immédiatement tout intérêt pour le sujet, il quitte la fac et n'y reviendra jamais.
Mais alors que va-t-il faire ? Eh bien la seule chose qu'il sache faire : vendre. Il se fait rapidement embaucher comme commercial par une boîte de surgelés. En un mois, il devient le meilleur vendeur de la boîte. Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre qu’il y a de l’argent à faire dans la viande surgelée et avec un ami, ils créent leur propre entreprise. Peu de temps après, ils comptent 26 camions de livraison.
Jordan a 21 ans et la première chose qu'il s'achète, c'est une Porsche rouge, pour qu'on le voie, pour qu'on voie sa réussite. Toutefois, Jordan n'est pas féru de gestion : il oublie de payer les factures et confond résultats et bénéfices. Il finit par déposer le bilan et les huissiers viennent saisir sa Porsche rouge. Retour à la case départ.
Les débuts de courtier
C’est un film qui va lui donner l'idée de la suite. Wall Street, d'Oliver Stone, qui raconte la vie de Gordon Gekko, un trader sans état d'âme prêt à n'importe quoi pour amasser des dollars. Pour Jordan, ce film est une révélation. Il est comme un séminariste qui découvre la Bible. C’est ça qu'il va faire : acheter et vendre des actions, et entre deux, s’en mettre plein les poches. un matin de 1987, Jordan enfile un costume gris : il a rendez-vous chez LF Rothschild, une banque de Manhattan sur la 5e Avenue. Il n’a aucun diplôme, mais son bagou va faire le reste. Malgré son manque de connaissances, il est embauché. Le lendemain, Jordan Belfort pénètre pour la première fois dans une salle de marché.
" Je n'oublierai jamais cette clameur semblable au grondement d’une foule en furie, qui allait changer ma vie pour toujours. C’était le cri de jeunes hommes dévorant de cupidité et d'ambition. "
Au début, pendant six mois, il doit apprendre. Il appelle les clients au téléphone et il les passe aux traders, les vrais, qui eux, concluent. Les traders, d’ailleurs, lui parlent mal et le méprisent mais peu importe. Il serre les dents et finit par décrocher un diplôme de trader. Mais pas de chance, c’est à ce moment qu’a lieu le krach boursier d'octobre 1987. En deux heures, les actions dégringolent. Wall Street est sur la paille. LF Rothschild fait faillite Jordan se retrouve sans travail, mais pas pour très longtemps.
Dans le journal, il tombe sur une petite annonce : une société qui s'appelle Investors Center recherche un courtier. Investors Center, c'est une société financière qui opère, non pas à la bourse comme Wall Street, mais sur ce qu'on appelle le marché hors code. Elle commercialise ce qu'on appelle des « penny stocks », des actions de quelques centimes ou de quelques dizaines de centimes qui portent sur de toutes petites entreprises, dont on promet aux investisseurs qu'elles vont devenir très grosses.
Le premier mois, Jordan Belfort se met 38 000 dollars dans la poche, et le suivant 78000 dollars. La première année, il empoche 500 000 dollars et, comme il l'avait fait quand il vendait des surgelés, il va voir un de ses collègues, Danny Porush, pour lui proposer de créer leur propre boîte. Les deux hommes créent alors une société appelée Stratton Oakmont, un nom qui sonne très sérieux alors que les deux hommes ne le sont pas vraiment…
L'apogée de Stratton Oakmont
Comme Investors Center, Stratton Oakmont veut vendre des actions de petites entreprises. Mais Jordan Belfort veut passer à la vitesse supérieure. Il ne se contentera pas de vendre à de petits investisseurs, il veut vendre à des gros, à des riches, en leur promettant toujours plus, leur vendre des boîtes dont personne n'a jamais entendu parler. À l'époque, au début des années 90, il n’y a pas internet, difficile de vérifier que cette petite entreprise, dont le trader au bout du fil, est vraiment en plein boom. C’est presque impossible. Vous êtes obligé de croire le trader et si ce dernier a du bagou, vous vous faites embobiner.
Et les traders de Jordan et de son copain Danny ont du bagou. Les deux hommes se gardent bien d'embaucher des traders professionnels, ils embauchent des copains, des héros de la finance, et c'est Jordan qui leur apprend le métier, avec des listes de toutes les questions que les clients peuvent poser et comment y répondre. Et ça cartonne.
Un an plus tard, Stratton déménage pour des bureaux beaucoup plus grands. Jordan et son ami emploient plus de mille personnes, des gamins d'à peine 20 ans, sortis du lycée. Belfort les appelle les Strattoniens. Aucun d'entre n'a fait d'école de finances, bien sûr. Pas besoin. Il n'y a qu'à appliquer la méthode du chef.
Tous les matins, Jordan grimpe sur une petite estrade au milieu de la salle des marchés et harangue ses troupes, qui boivent ses mots. C’est un gourou.
Nous sommes au début des années 90 et évidemment, tout ce petit monde ne carbure pas aux fraises Tagada et au soda. Chez Stratton Oakmont, tout le monde a le nez dans la poudre, certains se font des rails de coke devant leur ordinateur ou gobent des cachets de Mandrax, la drogue à la mode. Les dealers ne se cachent même plus, ils viennent livrer directement dans les bureaux et les traders sont perchés du matin au soir. Dans ses Mémoires, Jordan Belfort écrit :
" Quand je suis arrivé à Wall Street, je ne connaissais rien aux drogues, je n’en prenais jamais. Mais au bout de quelques temps, ça me paraissait complètement normal. C’est comme devant une baignoire d'eau chaude. Au début, on trempe un doigt dedans et on le retire tout de suite parce que c'est trop chaud, et 5 minutes plus tard, on est complètement dedans et on ne sent plus rien. "
Chez Stratton Oakmont, on se drogue et on s’envoie en l’air dans tous les coins. Le mardi, Belfort fait même venir des prostituées. Il met en concurrence les traders : celui qui vend le plus d’actions gagne la fille. L’ambiance est tellement débauchée que Jordan Belfort doit rédiger une circulaire qui interdit aux employés de faire l'amour dans les bureaux entre 8h du matin et 19 heures.
De toute façon, il reste les fêtes. Belfort saisit la moindre occasion pour organiser des fêtes titanesques, des orgies pour ses employés. Jordan se déplace désormais en hélicoptère et il vient de s'acheter un yacht de 50 mètres, qu'il a baptisé du nom de sa femme, Nadine, un top model britannique. Il est riche, il veut que ça sache. Mais comment fait-il pour gagner autant d'argent ?
Une technique illégale
Il y a une embrouille. Jordan Belfort pratique une technique qui s'appelle « pump and dump ». C’est un petit jeu qui est absolument interdit par le gendarme de la Bourse américaine. En premier lieu, il s'agit de gonfler artificiellement la valeur d'une société. Juste avant, à travers des sociétés écran tenues par des amis, Belfort achète des actions de cette entreprise, par exemple un créateur de chaussures, jusqu'à posséder directement un tiers ou la moitié de l'entreprise. Or, le fait que toutes ces actions soient en vente n'est pas un signe que la boîte est en très bonne forme. Là-dessus, ses traders entrent en action : ils appellent leurs clients et promettent un gros coup sans risque. Belfort appelle ça « mettre du rouge à lèvres sur le cochon ». Les clients achètent des actions par centaines de milliers et l'effet est immédiat : beaucoup d'acheteurs pour peu d'actions, le cours de l'action flambe.
L’action que Belfort a acheté 5 dollars en vaut 10, puis 15 puis 20 dollars. Une fois que le titre est artificiellement gonflé, il donne l'ordre à ses traders de vendre toutes ses actions à lui et il empoche deux fois, trois fois, quatre fois la mise de départ. En revanche, ses clients perdent tout. Inversion de la vapeur : beaucoup d'offres, peu d'acheteurs. La valeur de l'action s’effondre et les personnes qui avaient placé toutes leurs économies dans le rêve mirifique sont ruinées alors que Belfort est plein aux as. Et quand c'est fini, il recommence.
Mais à force de jouer à ce petit jeu, il finit par se faire pincer. À partir de 1992, Jordan Belfort a le gendarme de la Bourse sur le dos. Deux agents de la SEC, la Commission de sécurité des échanges de la Bourse s'installent chez lui, dans un bureau de Stratton Oakmont et réclament toutes les pièces relatives à l'activité de la compagnie. Et pendant deux ans, ils épluchent les comptes. Belfort, jamais avare de provocation, va jusqu'à leur couper le chauffage dans le bureau. Il espère les décourager.
Évidemment, ils ont trouvé quelque chose, des preuves concrètes de ses malversations. Alors ils le convoquent et lui présentent l'addition : une amende de 2 millions de dollars et surtout, le retrait de sa licence de trader.
Quand le FBI s'en mêle
Jordan Belfort sent que le vent est en train de tourner. Il décide alors d'aller planquer sa fortune hors des États-Unis, en Suisse. C’est un épisode rocambolesque de cette histoire parce qu’il ne fait pas un virement de sa fortune sur un compte suisse… Il le fait transporter en liquide dans des valises à double fond, par des passeurs ! Il a même une idée géniale : il leur scotche les liasses directement sur le corps, sur le torse et sur les cuisses.
Ce qu’il ne sait pas à ce moment-là, c'est qu'en plus du gendarme de la Bourse, il a le FBI sur le dos et que les banques suisses, à la fin des années 90, ne sont plus les grandes muettes qu'elles étaient. La Suisse balance la liste de ses comptes au FBI. C’est fini pour Jordan Belfort.
D’ailleurs, il l'a compris : quand il est arrêté, il plaide coupable dès le premier interrogatoire pour l'ensemble de son œuvre, c'est à dire les fraudes commises par Stratton Oakmont et l'évasion fiscale en Suisse. En principe, il va prendre cher : des années et des années de prison, on parle d’au moins 20 ans… sauf s’il collabore. Il n’hésite pas longtemps et les balance tous. Il est condamné à 4 ans de prison seulement et n'en fera qu'un peu plus de deux.
Bien sûr, tous ses biens sont saisis : ses propriétés, son yacht, son hélicoptère, jusqu'au dernier dollar sur ses comptes en banque. Il doit aussi rembourser tous les gens qu’il a arnaqué pour un montant total de 110 millions de dollars. Et pour l’y obliger, le juge a une idée.
Jordan Belfort rebondit
Conscient que Belfort ne retravaillera pas si la justice saisit tous ses revenus jusqu’au remboursement de sa dette, il décide de n’en prélever que 50% jusqu’à ce qu’il ait remboursé 110 millions de dollars. L’idée est brillante. Car Belfort va rebondir, évidemment.
Pour commencer, dès sa sortie de prison, il écrit ses mémoires, une version édulcorée et mythifiée de sa grande arnaque. Le livre s'appelle Le loup de Wall Street, il sort en 2007. C’est un carton dans le monde entier et il est adapté au cinéma par Martin Scorsese, avec Leonardo DiCaprio dans son rôle. Au passage, il empoche un million de dollars de droits d'adaptation.
Depuis, il donne des conférences pour vendre sa méthode et se fait payer 30 000 dollars de l'heure. Les gens sont prêts à le payer pour qu'il leur raconte comment il les a grugés… Magie de l'Amérique.