Chaque samedi, Bernard Poirette vous fait découvrir ses coups de cœur en matière de polar.
Elle s’appelle Aileen Bowman. 35 ans, Américaine, célibataire et journaliste. Le New York Tribune l’envoie en reportage à Paris. Elle a six mois devant elle pour raconter à ses lecteurs la Grande exposition universelle. Car nous sommes en 1900. Paris est peut-être une fête mais c’est surtout un chantier gigantesque, défoncé par le percement du Métropolitain.
Sensuelle et libertaire. Le monde entier est à Paris. Pour voir et être vu, admirer les étranges machines automobiles et les sauvages d’Afrique, faire des affaires, se saouler dans les cancans et coucher avec qui veut. Dans ce domaine, Aileen accepte les deux sexes. Très peu d’hommes ou de femmes résistent à ses cheveux roux et à sa peau de lait. Elle revendique son féminisme libertaire et porte des pantalons, interdits aux femmes de l’époque. Le préfet de police, Monsieur Lépine, lui signera donc une dérogation.
Hors du commun. Après bien des aventures très politiquement incorrectes, la belle Américaine repart finalement chez elle, au Nevada, mais pas seule. Et ce n'est pas la moindre des surprises de La toile du monde, magnifique roman d’Antonin Varenne, paru dans l’indifférence générale au mois d’août dernier. Quel dommage ! Car au-delà du fascinant témoignage très documenté sur ce Paris-là, celui de 1900, Varenne nous offre le portrait hors du commun d’une femme hors du commun. De ces "femelles" inouïes qui vous font grimper au mur et prendre des vessies pour des lanternes, mais qui d’un seul coup d’œil appuyé, parviennent à vous faire croire que la vie, tout de même, vaut d’être vécue.
Faute d’avoir déjà rencontré cette femme-là, patientez avec Aileen Bowman, la flamboyante héroïne de La toile du monde (Albin Michel). L’attente sera délicieuse.