Chaque samedi, Bernard Poirette vous fait découvrir ses coups de cœur en matière de polar.
Ça fait 50 ans que Franz-Olivier Giesbert, alias FOG, se pose deux questions : pourquoi l’immense majorité des Allemands a-t-elle pu adhérer à une idéologie aussi abjecte que le nazisme ? Et pourquoi, face à l’effroyable évidence des périls, les Juifs n’ont-ils pas fui en masse le pays de Goethe et de Schiller ? FOG a tout lu sur l’Allemagne nazie. Pour autant, il ne se veut pas historien.
Pour tenter d’expliquer l’inexplicable, il a donc créé un magnifique théâtre de personnages qu’il fait jouer, s’aimer, se battre, se déchirer, se trahir et se tuer dans cette Allemagne en ruines des années 20 puis en reconstruction des années 30. Deux familles munichoises… Les Weinberger et les Gottsahl, l’une juive et l’autre pas. Une riche et une pauvre, mais soudées par l’amitié, dans la tempête économique de Weimar puis dans l’épouvante politique créée par le Schmock. En Yiddish, ça veut dire pénis, con ou salaud.
Dans le cas de Hitler, le tir groupé est autorisé. Au début, brocarder le Schmock était un sport national. Au rythme de l’ouverture des camps, c’est devenu un acte de résistance passible de la potence ou de la hache. Cette course vers l’abîme, Giesbert nous la raconte magnifiquement et nous rappelle au passage cette évidence historique : "quand les gens sont heureux, il faut déjà se méfier d’eux : ils ne supportent pas qu’on remette en question leurs plus petits privilèges. Mais quand ils sont malheureux ils deviennent très dangereux.
Il leur faut du sang, des boucs émissaires. Le terrain est alors propice au retour de la Bête". 80 ans après le début de l’Holocauste, le message reste affreusement d’actualité. "Le Schmock", de Franz-Olivier Giesbert, vient de paraître chez Gallimard.