Chaque matin, Yves Thréard nous livre son analyse politique quelques heures après la passation de pouvoir entre François Hollande et Emmanuel Macron.
Macron est entré dans le palais de l’Élysée d’un pas lent, assuré et militaire. Il a prononcé un discours dans lequel il a dit qu’il voulait faire de la France "un pays où l’on peut vivre sans avoir peur, où nos armées seront réconfortées". Puis il a passé les troupes en revue dans les jardins de l’Élysée avant de remonter les Champs-Élysées dans un command car de l’Armée pour ranimer la flamme du Soldat inconnu.
L’après-midi, il a rendu visite aux soldats français blessés en Afghanistan et au Mali, à l’hôpital militaire de Percy de Clamart. Aujourd’hui, il rencontre Merkel à Berlin, et devrait évoquer la participation de l’Allemagne à l’effort de guerre français contre le terrorisme islamiste. Vendredi, enfin, il sera au Mali, aux côtés de nos troupes en opération extérieure.
Que de symboles pour rappeler que chef de l’État, il est aussi chef des Armées ! Pour montrer que la force n’attend pas le nombre des années, lui le jeune homme de 39 ans, qui n’a pas connu le service militaire !
Car il y avait évidemment un message derrière cette entrée en fonction.
Macron, l’énarque, l’ex ministre de l’Économie, voulait afficher une stature régalienne, sa fermeté à lutter contre le terrorisme, sa capacité à défendre la France. On lui a beaucoup reproché d’être peut-être un peu léger, naïf et inexpérimenté sur ce front. Il voulait rassurer.
L’objectif était de prouver qu’il était au niveau de ses responsabilités, qu’il avait pleine conscience des dangers qui pèsent sur son pays, lui que ses détracteurs décrivent comme un mondialiste, un apôtre du "sans frontièrisme".
Le jeune homme, qui prône plus de liberté pour faciliter la vie des entrepreneurs, s’est adressé au peuple dans son ensemble, à la nation unie en ce jour symbolique, pour lui signifier qu’il était d’abord son protecteur.
La mise en scène était soignée et l’opération, me semble-t-il, réussie. Pas une faute de goût. Tout était réglé au millimètre avec cette pompe républicaine mâtinée de monarchisme que les Français aiment tant, quoi qu’ils disent.
Imposer cette image d’autorité était aussi un clin d’œil électoral.
Macron sait que l’ordre, l’autorité, la chose militaire sont des notions chéries par la droite. À un mois des législatives, son intention était incontestablement de séduire un électorat de droite qui doute peut-être de ses capacités à relever les défis sur ces terrains-là.