Chaque matin, Yves Thréard nous livre son analyse politique à quelques semaines de l'élection présidentielle.
Les centristes peuvent-ils faire perdre Fillon ?
Signe de leur mauvaise humeur, les têtes d’affiche centristes ont boudé hier les vœux de François Fillon. Pire, le patron de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, répète que le programme de Fillon ne lui convient pas, que la suppression de 500.000 postes de fonctionnaires n’est pas "faisable" en cinq ans.
Avec Bayrou, comme l’annonçait Europe 1 hier, la probabilité d’une entente paraît relever de l’impossible. Bayrou est un "cabourut", ce qui veut dire une "tête dure" en béarnais.
Il y a dans ces postures d’abord de la vanité : il y a bien longtemps que les centristes ne forment pas une force unie. Ensuite de l’opportunisme sur le mode : Fillon, on te soutient si, en échange, tu nous donnes assez de circonscriptions en vue des législatives, c’est-à-dire pas loin de 100 sur 577.
Les centristes sont un peu à Fillon ce que les écologistes ont été à Hollande en 2012 : des maîtres chanteurs.
Certes, mais Fillon a besoin d’eux pour gagner ?
Moins d’eux - les têtes d’affiche - que de leurs électeurs et de leurs élus sur le terrain dont bon nombre, c’est vrai, redoutent la « radicalité » du projet de Fillon et sont tentés de rejoindre Macron. Certains l’ont d’ailleurs déjà fait.
Fillon doit se méfier de cette tendance, qui s’ajoute au peu d’enthousiasme affiché par des sarkozystes et surtout des juppéistes, qui lorgnent aussi vers Macron. Sans parler de ceux, à droite, qui tirent à boulets rouges. Dupont Aignan affirme que le programme de Fillon est "le plus con de l’histoire de la droite". Henri Guaino parle d’un "naufrage non maîtrisé".
Alors qu’elle est favorite, la droite va-t-elle encore se montrer la plus bête du monde ?
Comment Fillon peut-il recoller les morceaux ?
Les sondages sont moins bons pour lui. Mais Fillon ne peut pas changer de cap, celui d’une droite assumée. Il a fait son succès à la primaire et empêche Marine Le Pen de dormir.
Et puis la présidentielle est encore loin : ce n’est jamais bon d’être trop tôt favori.
Simplement au lieu de répéter sa "radicalité" et sa "chrétienté", Fillon devrait maintenant trouver les mots justes pour montrer la "faisabilité" de son programme. Si la dynamique revient vers lui, les centristes reviendront vers lui avec elle, vous verrez…