Netflix propose depuis mardi à ses abonnés le documentaire "Pelé" qui retrace le parcours de l'idole du football brésilien. Et pour Virginie Phulpin, ce film évoque aussi bien le football d'hier, à travers les succès du roi Pelé, que le football d'aujourd'hui, avec les questions qui entourent par exemple la protection des meilleurs joueurs sur le terrain.
C’est l’édito sport de Virginie Phulpin. Le documentaire "Pelé" est sorti hier sur Netflix. Vous l’avez vu. Et pour vous, il fait aussi écho au football d’aujourd’hui et à toutes les questions qu’on peut se poser.
C’est une passion qui déborde, le football. Et la vie de Pelé en est l’exemple ultime. Dans ce documentaire, on voit arriver le Roi avec son déambulateur, et on a le coeur qui se serre. Le temps passe aussi pour les idoles. Mille vies, mille buts, des images en noir et blanc qu’on voit se colorer au fil des coupes du monde. Pelé, c’est l’histoire du foot, l’histoire de son pays aussi. Le Brésil est tout pour moi dit-il. L’inverse est vrai aussi.
On voit l’image du gamin pauvre qui joue au ballon à la sortie de l’école et qui se retrouve embarqué à la coupe du monde 1958 à 17 ans. C’est avec Pelé que la légende des footballeurs brésiliens est en partie née. C’est aussi avec lui que le Brésil est entré dans la modernité. Sa joie de jouer transformée en victoire en Suède. Une première coupe du monde qui le fait passer de joueur à icône pour toujours. Dans tout le film, on voit Pelé happé par la foule, étouffé par la gloire, prisonnier de son statut. Et ça nous rappelle aussi ce que c’est que d’être un footballeur star. C’est lui le premier qui se retrouve à faire des pubs dans le monde entier, parce qu’il peut tout faire vendre et que son image est exploitée à fond.
Pelé est aussi bien le symbole de l’émancipation brésilienne que de la prison dorée que peut représenter la gloire. Il a gardé son sourire pendant toute sa carrière, mais la liberté du joueur a laissé la place, petit à petit, à l’homme sandwich. Pelé, c’est le produit d’une époque qui perdure aujourd’hui.
Avec Pelé, on voit aussi le jeu, le football, se transformer.
Lui, l’artiste, est devenu une cible pour les équipes adverses. La stratégie, c’était de l’empêcher de marquer, à tout prix. Ce qui lui fait dire lors de la coupe du monde 1966 que le football est devenu moche, les équipes voulaient juste ne plus encaisser de buts. Et cette question de la beauté du jeu, de la protection des artistes du terrain, elle est toujours aussi vive aujourd’hui. On se la pose chaque semaine ou presque.
Comme on se pose aussi des questions sur les liens entre le football et la politique. La dictature a remplacé l’insouciance démocratique au Brésil dans les années 60. Et on a toujours pressé Pelé de donner son avis. On le voit encore gêné aux entournures dans le documentaire. Est-ce qu’il aurait pu tourner le dos au pouvoir autoritaire ? Le sport est-il le moyen de communication ultime pour un régime dictatorial, ou est-ce qu’il permet au contraire au peuple de s’émanciper ? Pelé, c’est toutes ces questions fondamentales.
Je vais retenir cette phrase d’un journaliste qui a suivi la coupe du monde 1970, la dernière remportée par Pelé. "J’étais contre la dictature au Brésil. Donc contre la victoire du Brésil. Mais dès que le ballon s’est mis à rouler, j’ai oublié mes principes." Pelé, c’est aussi toutes ces contradictions qu’on a au fond de nous. Ces interrogations qu’on a encore quand on pense au prochain Mondial au Qatar.