Chaque jour, la matinale d'Europe 1 revient sur l'un des événements sportifs qui fait l'actualité. Vendredi, Virginie Phulpin s'intéresse aux acteurs du sport qui s'engagent pour s'opposer à la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine.
C’est l’édito sport de Virginie Phulpin. L’invasion russe en Ukraine a des répercussions partout, y compris dans le sport. Et on voit depuis hier les acteurs du sport réagir, partout. Il y a un vrai changement, les acteurs du sport ne se contentent plus de condamnations de façade, ils usent enfin de leur influence à grande échelle.
On assiste à un vrai changement dans le discours et les actions des acteurs du sport. Face à l’impensable, on n’en est plus aux simples messages mignons de sportifs sur les réseaux sociaux pour dire que la guerre c’est mal. Ca va largement au-delà de ça, et c’est nouveau. On en a eu une illustration déjà quand la WTA a suspendu tous ses tournois de tennis en Chine pour protester contre le sort réservé à Peng Shuai. Depuis hier, on a la preuve que ça n’était pas un geste isolé. Les acteurs du sport s’engagent, à leur niveau bien sûr, pour s’opposer à la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine. Hier soir Tony Parker a dit clairement que son club de basket de l’ASVEL n’irait pas jouer en Russie la semaine prochaine, ce serait renier ses valeurs. Pourtant l’Euroligue est importante pour Villeurbanne. Sebastian Vettel refusera de prendre le volant à Sotchi si le grand prix de Formule 1 est maintenu en Russie. Le champion du monde Max Verstappen est sur la même ligne. Les pilotes de F1 ne sont pourtant pas réputés pour être les plus révolutionnaires du monde. Le club de foot allemand de Schalke 04 raye de son maillot son sponsor russe Gazprom. C’est-à-dire qu’on agit même quand ça touche au portefeuille. C’est nouveau. Et puis il y a autre chose d’inédit. Les fédérations de foot polonaise, tchèque et suédoise ont publié un communiqué commun. Elles peuvent se retrouver face à la Russie en barrages de la coupe du monde. C’est non, elles refuseront de l’affronter. Alors qu’il y a un Mondial en jeu. Ca veut dire que les acteurs du sport ne cherchent plus à savoir quelles peuvent être les conséquences pour eux-mêmes et leur petit pré-carré. Ils se lèvent tout de suite pour dire non. Il faut se rendre compte qu’on a changé de paradigme, là.
Est-ce que les instances du sport international vont suivre ce mouvement ?
L’UEFA tient une réunion d’urgence ce matin. C’est acquis, elle va délocaliser la finale de la ligue des champions, qui était prévue à St Pétersbourg. Elle ne peut pas organiser cette finale en Russie. C’est moralement inacceptable. Après, il reste des questions. Gazprom est le sponsor de la ligue des champions et rapporte plusieurs dizaines de millions d’euros par an. On fait quoi ? Aujourd’hui on peut envisager sérieusement que l’UEFA déchire ce contrat, notamment parce que des clubs montrent l’exemple. L’UEFA réagit plus vite que la FIFA, ce qui n’est pas une grande surprise. Est-ce que la FIFA va laisser la Russie disputer les barrages pour la coupe du monde ? Ca me semble plus urgent comme question que l’éventualité d’une coupe du monde tous les deux ans. Et les prises de position des équipes polonaise, tchèque et suédoise vont pousser la FIFA à se prononcer, même contrainte et forcée. Et puis le CIO y est allé de son petit communiqué sur la violation par la Russie de la trêve olympique. Ca ne va pas suffire non plus. Les jeux paralympiques commencent dans 10 jours. C’est le comité paralympique, et pas le CIO, qui gère ces jeux. La Russie en est déjà bannie pour cause de dopage d’Etat. Mais c’est une suspension de façade, puisque les athlètes russes peuvent participer quand même sous les couleurs du comité olympique russe. Il va falloir trancher. Vu les réactions franches et fermes de si nombreux acteurs du sport, les instances n’auront pas d’autre choix que d’entrer dans la danse, à moins de se marginaliser. Elles devront user enfin de leur influence à grande échelle.