Stéphane Bern raconte l’une des plus célèbres batailles de l’Histoire, et surtout une cuisante défaite. Celle de l’Empereur que le cinéaste Ridley Scott met à l'honneur dans son dernier film : Napoléon Bonaparte. Ou la véritable histoire de la bataille de Waterloo, ou la chute de Napoléon...
Quels sont les principaux enjeux mémoriels de cette bataille ? Qui porte la responsabilité de la défaite ? Quel récit Napoléon Bonaparte en a-t-il fait ?
Pour en parler, Stéphane Bern reçoit David Chanteranne, historien, rédacteur en chef de Napoléon 1er, la revue du souvenir napoléonien, et auteur de "Les douzes morts de Napoléon" (Passés Composés).
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Nous sommes le 1er mars 1815 et personne ou presque ne comprend véritablement ce qui se passe vraiment lorsque quelques dizaines de chaloupes touchent terre à Golfe-Juan, entre Cannes et Antibes. Des douaniers sont bien là pour observer ce gros millier d'hommes qui se rassemble sur la plage mais pas grand-monde n'a conscience de ce qui se joue là, au premier jour d'une épopée qui va tant faire pour la légende d'un homme hors du commun : Napoléon Ier.
C’est le premier des 100 jours, le début du vol de l'aigle, cette marche implacable qui ramène l'empereur à Paris et qui conduit au départ précipité de Louis XVIII. Dans sa proclamation rédigée en pleine traversée Napoléon l'annonce clairement avec ces quelques mots :
" Français, dans mon exil, j'ai entendu vos plaintes et vos vœux. Vous réclamez un gouvernement de votre choix qui seul est légitime. "
L'avancée inexorable de Napoléon Ier
Un an à peine après sa première abdication, celui que ses adversaires ont surnommé « l'ogre Corse » est donc de retour, bien décidé à laver l'affront que les grandes puissances européennes coalisées lui avaient infligé un an plus tôt. En avril 1814, ses adversaires avaient ajouté l'humiliation à la défaite en réduisant le rôle de l'empereur déchu à celui de roitelet fantoche de l'île d'Elbe, ce petit confetti de terre qui surnage entre la Toscane et sa Corse natale.
Depuis, étant dit que la restauration a commencé avec le retour de Louis XVIII sur le trône de France, l'Europe n'en finit pas de discuter âprement des conditions d'un nouvel ordre européen au Congrès de Vienne. C'est d'ailleurs là que les souverains et les diplomates d'Europe apprennent le coup de force de leur vieil adversaire au beau milieu de leur négociations. Napoléon est de nouveau là et très vite, l'Europe s'affole au gré de la remontée triomphale du souverain déchu, qui voit la France s'ouvrir devant lui. La restauration des Bourbons n'a pas convaincu, c'est le moins qu'on puisse dire, et avec cet instinct politique légendaire qui est le sien, Napoléon l'a bien senti : la France n'attend que lui.
Jour après jour, chacun des régiments qu'on envoie pour lui barrer la route se rallie au célèbre bicorne de feutre noir de l'empereur. Le maréchal Ney, qui s'était fait fort de « ramener l'ogre dans une cage de fer » finit par tomber dans les bras de son ancien maître à Auxerre. Et le 20 mars tout est joué : Louis XVIII et la cour quittent la France en catastrophe pour la Belgique, tandis que Napoléon retrouve le palais des Tuileries. Mais la route qui mène à Waterloo, elle, ne fait que commencer.
Une coalition dans toute l'Europe
On peine à mesurer la peur et la consternation que provoque, en Europe, l'annonce du retour de l'empereur. Pour les grandes puissances du continent comme pour les petites, le retour de l'Aigle est le plus souvent vécu comme une catastrophe. L’exil de Napoléon avait signé la fin d'une interminable série de guerres, un quart de siècle de désordres, de batailles, de massacres et de crises politiques directement ou indirectement provoqués par la Révolution française et par l'ascension du caporal Bonaparte, devenu Premier Consul avant de prendre le titre d'empereur en 1804. Pour beaucoup, en Europe, le retour de Napoléon, c'est le retour de la guerre permanente, cette guerre qu'on croyait enfin éteinte depuis un an.
Alors tant pis si Napoléon jure ses grands dieux qu'il ne veut que la paix avec ses voisins. À travers toute l'Europe, les tractations s'engagent et une nouvelle coalition, la septième tout de même, s'organise. Et la liste de ses membres est longue, très longue même : l'Angleterre, l'Autriche, l'Espagne, le Portugal, la Prusse, la Russie, la Suède, les Pays-Bas, la Saxe, la Bavière, Naples, la Suisse et plus encore. Toute l'Europe ou presque se rassemble pour faire échec à celui qu'elle désigne dans une formule fameuse comme « l'ennemi et le perturbateur du repos du monde ». Partout on mobilise, partout on bat le tambour.
Napoléon sait bien que le temps est compté. Il a des atouts, pourtant. Même battue l'année précédente, la France a conservé une puissance militaire considérable. Son armée, cette grande armée que l'empereur reconstitue à vive allure est l'une des plus expérimentées du monde et son chef inspire toujours une loyauté vibrante. Son retour triomphal l'a bien montré : beaucoup parmi les Grognards sont prêts à donner leur vie sans état d'âme pour l'honneur, pour la patrie et pour l'empereur aussi. Face à une coalition dont les effectifs dépassent et de loin ceux de la Grande Armée, Napoléon retrouve ce sentiment d'urgence vitale qu'il connaît bien et qui lui a permis d'obtenir ses plus grands succès au temps de sa splendeur.
La menace est mortelle et elle s'incarne dans la tenaille qui risque à tout moment de se refermer sur la France par le nord, avec la jonction en Belgique des deux forces les plus puissantes de la septième coalition : l'armée anglaise commandée par le comte et futur duc de Wellington Arthur Wellesley et la prussienne, commandée par le feld-maréchal Gebhard von Blücher. Début juin, Napoléon décide de renouer avec le vieux principe qui prétend que la meilleure défense, c'est l'attaque. C’est à peine un choix d'ailleurs. Pour empêcher la jonction des deux armées qui l'attendent, l'anglaise et la prussienne, l'empereur compte se glisser entre les deux pour affronter un seul adversaire à la fois avant de fondre sur Bruxelles. C’est un va-tout, oui, mais un va-tout audacieux qui évoque les meilleures heures du Premier Empire et de ce règne marqué par les victoires fulgurantes. Le 14 juin 1815, l'empereur signe la proclamation suivante :
" L’honneur et le bonheur de notre pays sont en jeu et, Français, le moment est venu de vaincre ou de mourir. "
Le début de la campagne de Belgique
Le lendemain, Napoléon passe la Sambre et entre en Belgique. Il est sûr de ses forces. Sur le papier, avec 120 000 hommes et 370 canons, il l'emporte sur chacun de ses deux adversaires, Wellington et Blücher. Le premier dispose de 100 000 hommes et 200 canons, le second de 124 000 hommes, certes, mais 312 canons seulement. Pour peu que ses deux ennemis ne parviennent pas à converger, l'aigle a toutes ses chances. Le 16 juin, Napoléon remporte un premier succès tactique en battant Blücher à Ligny, entre Charleroi et Namur. Mais l'armée prussienne parvient à sauver l'essentiel en se retirant en bon ordre.
Bonaparte prend alors une décision qui va se révéler lourde de conséquences : avec 33 000 hommes, il lance à la poursuite des Prussiens l'un de ses fidèles, le marquis de Grouchy, qu'il vient tout juste de bombarder Maréchal. Le 17 est une journée de mouvement : la Wellington Coalition se replie vers le nord et se retranche en urgence sur le vaste plateau de Mont-Saint-Jean, situé à 20 km de Bruxelles et à quelques centaines de mètres du petit village de Waterloo. Avec ses 74 000 hommes et 240 canons, Napoléon pense avoir l'avantage pour en découdre avec le général irlandais, qui ne dispose là que de 70 000 soldats et de 159 canons. Mais l'Irlandais n'a pas choisi sa position au hasard : le plat pays ne l'est pas autant que ça. Wellington profite du relief pour installer ses troupes les plus précieuses sur la crête qui surplombe le plateau, d'où il domine la plaine. Au soir du 17 juin, l'armée française arrive sur le champ de bataille. Fatigués par une marche forcée, les soldats ont faim, le ravitaillement se fait attendre et tout est trempé autour des bivouacs, qu'on monte alors à la va vite sous une pluie battante. L’une de ces pluies de printemps violentes qui trempent la terre et qui remplissent les fossés. L’empereur, pourtant, ne se démonte pas. Le soir, il confie avec assurance à son état-major :
" Je vous dis que Wellington est un mauvais général, que les anglais sont de mauvaises troupes et que ce sera l'affaire d'un déjeuner. "
Dix ans plus tôt à Austerlitz, le soleil avait dissipé le brouillard matinal pour offrir à Napoléon l'une de ses plus belles victoires. À Waterloo le soleil est bien revenu le 18 juin 1815… mais trop tard. Toute la nuit, l’orage s'est abattu sur la plaine accidentée de Belgique. Quand l'aube commence à pointer, elle tombe encore au milieu des plaques de brumes qui s'effilochent lentement. On glisse dans la boue et dans la glaise qui colle au soulier. Partout, les hommes peinent à préparer les chevaux, à sécher la poudre, à déplacer les affûts des canons. La toile des uniformes, le cuir des sangles, des selles et des baudriers, tout est froid, tout est gorgé d'eau. Les champs sont des fondrières, les fossés de petites rivières. Sous la tente de l'état-major, Napoléon patiente. Lui qui voulait lancer ses troupes à 9h retarde son ordre en attendant que le soleil assèche un tant soit peu la plaine. Deux heures et demi plus tard, l'ordre d'attaquer est enfin donné.
La bataille sanglante de Waterloo
L’artillerie se met en place tant bien que mal, les chevaux s’ébrouent, les fantassins vérifient les fusils. L’assaut français se déchaîne alors sur le centre du dispositif de Wellington. Un déluge de mitrailles, de balles et de feu s’abat sur les fermes ennemies d’Hougoumont et de la Haie-Sainte, fortifiées à la hâte par les Anglais.
Mais la résistance anglaise surprend les Français par son héroïsme indéniable. Les poussées s'enchaînent et les faits d'armes se succèdent tout l'après-midi, sans résultat probant. À la ténacité des Anglais répond l'acharnement des Français et la succession des assauts finit par épuiser l'ennemi, qui manque de munition. La cavalerie multiplie les charges contre les lignes ennemies pour casser les lignes des tireurs d'élite anglais, et l'artillerie pilonne l'infanterie anglaise, même si la boue en diminue l'effet. Au lieu de ricocher sur le sol en causant des ravages, les boulets s'enfoncent dans la terre humide. Mais le rouleau compresseur français, certes ralenti, fonctionne tout de même. Vers 5h, tandis que les munitions commencent à lui manquer, Wellington sent que la situation se complique. « La nuit ou bien les Prussiens nous sauveront », s'exclame le général. C’est alors que se produit le coup de théâtre qui change le sort de la bataille. À l'Est, on signale soudain une foule d'hommes en armes qui se dirige vers Waterloo. Pendant quelques instants Napoléon croit que l'affaire est gagnée. Ces milliers de soldats, ce n'est peut-être que Grouchy qu'on a fait appeler avec ses 30 000 fantassins. La suite sera toute autre. On la connaît par quelques-uns des vers les plus célèbres de Victor Hugo, dans Les Châtiments, lorsqu'il décrit Napoléon l'œil sombre, collé à sa lunette d'approche.
" Soudain, joyeux, il dit : Grouchy ! - C'était Blücher. "
" L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme, "
" La mêlée en hurlant grandit comme une flamme. "
Car oui, ces troupes qui engagent les forces françaises sur leur flanc droit, ce sont bien les troupes de Blücher, ou plutôt de son lieutenant Friedrich von Bülow. Ce coup de boutoir tourne vite à la menace mortelle pour les Français, qui sont pris entre deux feux. Et tandis qu'un combat acharné s'engage, l'impensable se produit.
Depuis la colline et l'état-major, Napoléon confie la suite des opérations au maréchal Ney avant de se retirer sous sa tente, épuisé et mal en point. Dans un geste désespéré, le héros de la Moskova tente une charge fantastique en lançant toute la cavalerie française à l'assaut du plateau pour soulager l'infanterie. Mais sans aucune préparation d'artillerie préalable, c'est beau, c'est grandiose, et ça manque même de réussir vers 18h, lorsque les Français emportent enfin la Haie-Sainte, au centre des lignes anglaises.
Mais c'est un suicide. Sur le flanc gauche, les effectifs des Prussiens ouvrent des brèches de plus en plus béantes. Remis de son coup de faiblesse, l'empereur lance alors ses meilleures troupes. Dans un dernier effort, le corps d'élite de la Garde Impériale opère une formidable poussée humaine, de celles qui ont si souvent sauvé des situations mal engagées. Mais l’effort se brise sur un feu roulant, qui fauche les hommes comme la tempête abat les blés. Les hommes tombent par grappes entières, les corps retombent déchiquetés sous les balles, la mitraille et les coups de sabre. Sans jamais faillir à l'honneur et sous les yeux de l'empereur, l'élite qui ne lui a jamais manqué échoue cette fois à changer le sort de la bataille.
À 20h15, la mort dans l'âme Napoléon Bonaparte donne l'ordre de la retraite. Les troupes françaises reculent alors, protégées par l’héroïsme des derniers carrés. On brûle la cervelle des chevaux, on se tue parfois pour ne pas tomber dans les mains anglaises ou prussiennes, mais on recule. Le désastre est absolu et l'empereur sait bien que tout est perdu.
Il parvient à regagner Paris mais ce n'est que pour y abdiquer en faveur de son fils, le 22 juin 1815. Un dernier geste politique qui n'est que de pure forme. Le retour de Louis XVIII n'est plus qu'une question de jours, un retour qui n'empêche d'ailleurs pas les troupes alliées de poursuivre leur avancée dans le pays. Et ce n'est que la première conséquence d'une des plus grandes défaites que l'armée française ait connues.
Une véritable boucherie et de nouvelles armes
Les 100 jours se terminent sur un désastre, donc. Un désastre, oui, mais un désastre héroïque qui en fait aujourd'hui encore une journée ambiguë dans la mémoire collective. Sur le plan purement comptable Waterloo n'est pas la plus meurtrière des batailles napoléoniennes loin de là. Dans cette célèbre morne plaine que décrit Victor Hugo, 10 000 hommes sont morts, tous camps confondus. C’est beaucoup mais c'est sept fois moins qu'à Wagram, à Leipzig ou sur la Moskova.
Mais si le 18 juin 1815 a tant marqué des esprits, c'est bien sûr parce qu'elle signe la fin des 100 jours et du Premier Empire, mais aussi parce qu'elle est un concentré de violence absolument inouïe, en quelques heures seulement. Il n'y a eu que 10 000 morts à Waterloo, oui, mais tous ces hommes sont morts en une petite dizaine d'heures à peine, et 22 000 autres ont été blessés et souvent mutilés d'une manière atroce. La victoire alliée est totale mais son coût humain est effroyable, avec 4 500 morts du côté des Anglais et des Prussiens, sans oublier 13 000 blessés et 3 600 disparus.
Avant d'être la défaite de trop pour Napoléon, Waterloo a d'abord été un ouragan de violence, une boucherie rarement vue jusqu'alors. Certains régiments ont subi des taux de perte qu’on n’avait jamais vus jusque-là, comme le 27e d'infanterie d’Inniskilling, un régiment de fusiliers irlandais, qui a perdu les deux tiers de ses hommes en 45 minutes. Le siècle ne s'y'est pas trompé et Victor Hugo en a laissé une description saisissante bien des années plus tard dans Les Misérables, quand il écrit ces lignes :
" Alors ce fut effrayant. […] Les boulets faisaient des trouées dans les cuirassiers, les cuirassiers faisaient des brèches dans les carrés. Des files d’hommes disparaissaient broyées sous les chevaux. Les baïonnettes s’enfonçaient dans les ventres de ces centaures. […] Les carrés, rongés par cette cavalerie forcenée, se rétrécissaient sans broncher. […] Ces carrés n’étaient plus des bataillons, c’étaient des cratères ; ces cuirassiers n’étaient plus une cavalerie, c’était une tempête. Chaque carré était un volcan attaqué par un nuage ; la lave combattait la foudre. "
Au soir de la bataille de Waterloo, le bilan est tel que Wellington en personne, pourtant victorieux, aura ces mots : « Dieu, j'espère avoir combattu ma dernière bataille ».
Si la violence de Waterloo a marqué les esprits, c'est à cause de l'engagement total des combattants bien sûr, mais aussi parce qu'ils ont utilisé des armes et des munitions nouvelles, comme les premiers shrapnels, ces boulets creux remplis de billes d'acier qui explosent en l'air, avant de ravager les rangs des troupes ennemies à près d'un kilomètre de distance. Les hommes ont même utilisé à Waterloo des fusées congrèves, une sorte d'ancêtre des roquettes, tirées à près de deux kilomètres du front depuis leur rampe de lancement.
Un détail affreux, une autre forme de violence aussi : les morts de Waterloo n'ont jamais bénéficié d'une véritable sépulture. La plupart des corps ont été brûlés ou enterrés à la va vite dans des fosses communes, au point qu'on ne conserve aujourd'hui que deux squelettes complets de combattants, ce qui paraît invraisemblable pour une bataille de cette envergure.
Une bataille qui changea la face de l'Europe
Mais cette violence n'est jamais qu'une des mémoires de la bataille, l'un des récits possibles d'un événement majeur dans l'histoire de l'Europe, et ces récits se font évidemment concurrence. Le souvenir allemand ou anglais de Waterloo n'est pas le même que celui qu'on en garde en France, où cette mémoire s'est longtemps concentrée sur une défaite glorieuse un désastre plein de panache, un peu comme à Diên Biên Phu, un siècle et demi plus tard.
Comme le fait d'armes qu'on a longtemps retenu dans la mémoire nationale, symbolisé par l'héroïsme du dernier carré de la vieille garde, et par un mot, ce fameux mot de Cambronne dont il existe deux versions. La première c'est le célèbre « La garde meurt mais ne se rend pas », jeté par ce vieux compagnon de l'empereur aux officiers anglais qui lui ordonnent de déposer les armes. La seconde que Victor Hugo a rendu célèbre, est moins courtoise et plus lapidaire : « Merde ! ».
Quelle que soit la version qu'on retient on oublie pourtant un peu vite ce que le vieux héros dont la bravoure au feu n'est pas un instant contestable n'a rien dit à Waterloo, pour trois excellentes raisons. D’abord, il avait reçu une balle le long de la tempe. Ensuite il n'est pas mort et il s'est rendu. Et dans la boue de Waterloo, ce n'est pas que le sort de Napoléon Ier qui s'est joué, c'est aussi celui d'un continent déchiré par vingt ans de guerres incessantes.
On se dispute encore chez les militaires comme chez les historiens pour savoir si la bataille de Waterloo aurait pu tourner autrement. Que ce serait-il passé si Grouchy avait coupé la route aux prussiens, si Ney avait préparé un peu mieux la dernière charge ou si Napoléon n'avait pas été diminué par la maladie. Par définition, on ne le saura jamais.
Ce qu'on sait c'est que Waterloo fait partie de ces batailles qui changent l'histoire d'un continent. La chute de l'Aigle est aussi celle d'un homme. Un mois plus tard, Napoléon se livre aux Britanniques et cette fois, on ne prend aucun risque. Exilé loin de tout, sur la petite île de de Sainte-Hélène au beau milieu de l'Atlantique, l'empereur déchu subit un exil de 6 ans, qui s'achèvera par sa mort en 1821.
À cette date le visage de l'Europe a déjà changé, au lendemain du second traité de Vienne signé à l'automne 1815. Pour la France le coup est rude : ramené à ses frontières de 1790, le pays a perdu ses places fortes, subit 5 années d’occupation de 150 000 soldats étrangers, et doit payer des indemnités de guerre qui ruinent ses finances. Pour le continent, la fin de l'aventure impériale signe en revanche une période de paix relative et inédite. Non seulement la bataille met fin à sept siècles d'hostilité entre la France et l'Angleterre, mais jusqu'en 1914 aucun affrontement à grande échelle n'embrase plus l'Europe. Même la guerre de 1870 restera un conflit court entre la France et l'Allemagne, sans embarquer tout le continent. Que reste-t-il de Waterloo aujourd'hui ? un souvenir amer, celui d'un passé toujours sensible. Et le 200e anniversaire de la bataille l'a bien montré en prouvant que Waterloo continue de diviser l'Europe.
Historiquement Vôtre est réalisée par Loic Vimard.
Rédaction en chef : Benjamin Delsol
Auteur du récit : Jean-Christophe Piot
Journaliste : Armelle Thiberge