Anne Pingeot, longtemps restée dans l'ombre, s'est ouverte en décidant finalement de publier les lettres que François Mitterrand lui a envoyées durant leur relation. Qui était l'autre femme de l'ancien président de la République ?
Une voilette noire qui cachait mal son chagrin. Une longue dame, brune, pâle et gantée, serrant très fort le bras de sa fille. De l’allure dans la douleur, de l’embarras dans l’air. Ce visage inconnu de tous. L’Autre Femme. L’Amour caché. Le dernier Secret de François Mitterrand, révélé au pied de son cercueil. Une séquence chabrolienne, un drame antique à la fin du siècle dernier.
C’était il y a 20 ans à Jarnac, la seule fois de sa vie ou Anne Pingeot est sortie de l’ombre, une apparition le temps d’un enterrement national. Le caveau scellé, elle fuira aussitôt la Charente, l’éclairage obscène des projecteurs et les blablas d’une France émue et interloquée. Elle retournera dans un anonymat à l’intérieur duquel elle a choisi de vivre sa vie depuis plus d’un demi-siècle. Une vie de discrétion. Une existence silencieuse, parfois un peu fantomatique.
L’histoire d’une jeune fille née au milieu des volcans, des écrous, des valves et des crics. Une enfance auvergnate et dorée. Son père est un industriel féru de golf et d’automobiles. Son entreprise est prospère, elle fabrique des pièces mécaniques pour Michelin. Une fortune familiale faite grâce à l’inventivité du grand père d’Anne, Henri, un patron aussi bosseur que fumeur qui mit au point, dans les années 30, le 1er briquet à gaz liquide. A Clermont-Ferrand, les Pingeot sont des gens qui comptent.
Les plaisirs simples de la bourgeoisie. L’été à Hossegor, une villa emmitouflée au milieu des pins et des chênes liège. Un galop sur un cheval bien élevé, une promenade sous une ombrelle au bord du lac. Une jeune fille fluette et rieuse, qui vient d’obtenir son bac, qui parle très vite, et qui rêve de monter à Paris, étudier l’histoire de l’Art. Anne Pingeot a 18 ans, les lèvres gorgées de volupté, les yeux verts d’eau et le regard débordant d’espièglerie.
Une sensualité qui n’a pas échappé à ami de la famille qui, depuis plusieurs années, vient là l’été, en villégiature. Il s’appelle François Mitterrand. Ce n’est pas le premier venu. C’est le sénateur-maire de Château-Chinon, qui a été plusieurs fois plusieurs fois ministre, depuis une quinzaine d’années. C’est un adversaire déclaré du Général, un partisan de l’Algérie Française qui partage avec le père d’Anne, le même goût des greens et les mêmes gènes culturels. Ceux d’une France terrienne catholique et traditionnaliste.
L’été 1961, au cœur des Landes, loin des bombes de l’OAS et des mélodies des yéyés, François Mitterrand est transporté. Ce quadragénaire, marié et père de 2 grands garçons, n’hésitera pas un instant à accéder à la requête de madame Pingeot Mère de veiller sur sa fille chérie dans la jungle parisienne.
Un sourire, un frôlement, un poème… L’érotique des mots, l’échauffement des Esprits… Deux années de préliminaires, avant la naissance de l’Amour. 1963, la Guerre d’Algérie est terminée, Piaf est morte, Cocteau aussi. Anne Pingeot a 20 ans, François Mitterrand 47. Ils s’aiment comme des fous. Une passion française qui durera 33 ans.
"Ce n’était pas le schéma prévu (…) C’est une affaire qui m’a dépassé", avouera, longtemps plus tard, Anne Pingeot au journaliste anglais Philipp Short. Il n’y aura plus jamais d’autres confidences. Pas un mot sur ses tourments, ses peines. Pas le genre de la Dame. Une femme de tête qui aura toujours fait ce qu’elle a voulu. Ses études d’art, son métier de conservatrice de musée, sa vie cachée avec cet homme qui repartait sans cesse. Son bébé-cadeau. Sa Mazarine clandestine, avec laquelle elle aura vécu dans ces pièces dérobées, ces résidences oubliées, derrière ces vitres teintées et ses identités inventées.
Anne Pingeot, cette silhouette insaisissable filant, la nuit, entre le Louvre et le Musée d’Orsay. La femme cachée derrière la Pyramide. Le cadeau de l’homme de sa vie. Une vie autour d’un seul et unique Amour. Une ombre qui passe. La voilette est tombée. Le rire d’une jeune fille. A la fin, un regard fugitif plein d’espièglerie.