Assassinat de Robert Kennedy, désistement de Lyndon Johnson, retour de Richard Nixon… la campagne présidentielle de 1968 a été marquée par de nombreux rebondissements. Dans le sixième épisode du podcast Mister President par Europe 1 Studio sur l'histoire des présidentielles américaines, Olivier Duhamel revient sur l'élection de 1968 et l'arrivée au pouvoir de Richard Nixon.
A la fin des années 1960 aux Etats-Unis, la colère gronde. Après la mort du pasteur Martin Luther King, les émeutes raciales se multiplient, la guerre du Vietnam est également contestée et Lyndon Johnson conscient de son impopularité choisit de renoncer à se représenter. Côté démocrate, Robert Kennedy devient le favori mais la tragédie va encore frapper le clan Kennedy. Côté républicain, c'est Richard Nixon qui espère tenir sa revanche. Dans le sixième épisode du podcast Mister President par Europe 1 Studio, Olivier Duhamel vous raconte l'histoire de la présidentielle de 1968 et les terribles événements qui l'ont précédée.
Ce podcast est réalisé en partenariat avec l'Institut Montaigne
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Dans l’antiquité, à Rome, le chemin était court de la gloire au rejet. De la colline du Capitole, avec le temple de Jupiter où les généraux vainqueurs recevaient le droit de venir avec leur char à la Roche Tarpéienne là où les condamnés à mort étaient jetés dans le vide.
Pour Johnson, tout commence par le Capitole. Tout commence au mieux. Le président met en œuvre son programme progressiste de la Great Society, la "grande société", la lutte contre la pauvreté, l’application des droits civiques, ainsi que la conquête de l’espace.
Mais tout se dégrade assez vite avec la multiplication d’émeutes raciales, la montée de la contestation des jeunes contre la guerre du Vietnam dans laquelle Johnson va d’escalade en escalade. À la fin 1967, plus de 500.000 soldats américains y sont engagés. Plus de mille Américains y meurent chaque mois. En janvier 1968, les Nord-Vietnamiens lancent l’offensive dite du Têt. Les Américains finissent par la contenir mais commence à se répandre le sentiment que cette guerre est ingagnable. Le pire se produit, avec l’assassinat du héros de la lutte pour les droits civiques, le pasteur Martin Luther King, abattu le 4 avril 1968 à Memphis. S’ensuivent aussitôt des émeutes. Le mandat présidentiel de Johnson avait commencé ensoleillé, il s’achève ensanglanté. Mais rien n’est encore joué pour la campagne à suivre.
Nixon bat Rockefeller
Côté républicain, le conflit vietnamien va jouer un rôle important dans la désignation du candidat. Richard Nixon est à nouveau candidat, bien qu’ayant été battu par JFK en 1960 et raté sa tentative de se faire élire gouverneur de Californie deux ans après. Son principal concurrent est George Romney, gouverneur du Michigan. Sceptique sur la poursuite de la guerre, il revient d’un voyage au Vietnam en déclarant avoir subi un "lavage de cerveau" par les militaires. Cette phrase, reprise à satiété par les médias, le perd. Fin février, il renonce. Rockefeller devient le principal rival. Nixon le bat dans la plupart des primaires et conventions d’État désignant leurs délégués à la Convention nationale du parti. Ronald Reagan, élu gouverneur de Californie en 1966 , devient alors son challenger. Il ne l’emporte que dans son propre État. Nixon sera le candidat républicain.
Côté démocrate, l’histoire s’emballe. Johnson a été président moins de six ans, moins de deux lorsqu’il succéda à Kennedy assassiné, quatre après avoir été élu. Il a donc le droit de se représenter et compte bien le faire. Ses succès en politique intérieure donnent d’abord l’impression que cela comptera plus que l’enlisement au Vietnam. On pense même un temps que personne ne viendra contester sa candidature, pas même Robert Kennedy.
Sauf que surgit Eugene McCarthy. McCarthy, fils d’un receveur des postes, un temps moine, puis professeur d’économie avant d’entrer en politique en 1948, élu sénateur du Minnesota en 1958, se lance dans la première primaire celle du New Hampshire. Il est soutenu par une masse d’étudiants opposés comme lui à la guerre du Vietnam. Et surprise, le 12 mars, il menace Johnson qui ne l’emporte qu’avec 49% des voix contre 42%. Du coup, quatre jours après, c’est Kennedy qui se lance dans la course à la candidature.
Johnson renonce avant un autre drame
Comment va réagir le président Johnson ? Le 31 mars, il s’adresse à la nation, annonce qu’il suspend des bombardements sur le Nord-Vietnam pour rechercher la paix et… il annonce qu'il renonce à se présenter !
La compétition oppose alors essentiellement McCarthy soutenu par le mouvement étudiant, et Kennedy, porté par une majorité des noirs et une partie des pacifistes. Deux autres groupes accentuent la division du parti, d’une part les boss des machines démocrates dans les grandes villes, tel Richard Dailey, le puissant maire de Chicago, qui soutiennent le vice-président Humphrey, d’autre part des démocrates du sud très à droite, tentés de rallier le dissident George Wallace. Humphrey annonce sa candidature, mais refuse de participer aux primaires. Kennedy les gagne un peu plus souvent que McCarthy.
Tout va se jouer en Californie. Le 4 juin, Kennedy l’emporte de 4 points. Et puis… Et puis le pire recommence à Los Angeles, le 4 juin 1968. En plein essor, en plein meeting, moins de cinq ans après son frère, Robert Kennedy est l’objet d’un attentat et meurt peu de temps après.
Trois mois après, à la fin août, la Convention démocrate se tient à Chicago. Des milliers de jeunes pacifistes y manifestent et sont durement réprimés. Humphrey est investi. Edward Kennedy, le jeune frère de John et Bob, refuse de figurer sur le ticket. Edmund Muskie, sénateur du Maine est désigné comme candidat à la vice-présidence.
Un scrutin très serré
La general campaign, la campagne proprement dite oppose trois candidats : Nixon pour les républicains, Humphrey pour les démocrates et Wallace le sudiste, ex-démocrate. Nixon fait campagne sur le thème "law and order", la loi et l’ordre, pour mobiliser la majorité silencieuse. Il manœuvre secrètement pour empêcher les négociations de paix d’aboutir sur la guerre du Vietnam. Humphrey l’apprend grâce à des écoutes que lui transmet Johnson mais n’en fait pas état. Il pense être élu. Le scrutin est très serré lors du vote populaire. Nixon 43,4 %, Humphrey 42,7%, Wallace 13,5%. Nixon domine de loin chez les grands électeurs. À l’issue de la 46ème élection présidentielle, Richard Nixon devient le 37ème président des États-Unis d’Amérique.
Leçon n° 2 (confirmée) : Un président sortant peut devoir renoncer à se représenter. Johnson craignant d’être battu, en 1968 a dû renoncer. Hollande en 2017.
Richard Nixon est donc le nouveau président des États-Unis d’Amérique. Pour combien de temps ? Réponse dans le prochain épisode.
"Mister President par Europe 1 Studio" est un podcast imaginé par Olivier Duhamel
Préparation : Capucine Patouillet
Réalisation : Christophe Daviaud (avec Matthieu Blaise)
Cheffe de projet édito : Fannie Rascle
Diffusion et édition : Clémence Olivier
Graphisme : Mikaël Reichardt
Archives : Patrimoine sonore d’Europe 1 avec Jacques Teillier (5 avril 1968), Louis Foy (1er avril 1968 et 8 mai 1968), Alain Gillette (5 juin 1968) et Gérard Alcan (6 juin 1968)