Déserts médicaux, manque de perspective pour la jeunesse, dévitalisation des centres-villes … Les "territoires" ne sont pas épargnés par l’épidémie de Covid-19. Dans le onzième épisode du podcast "Les Éclaireurs", Matthieu Belliard prend le temps d’interroger Salomé Berlioux, présidente de l’association "Chemins d’avenirs" et auteure de plusieurs ouvrages sur la "France périphérique". Elle nous explique que des milliers de jeunes ruraux n'ont pas pu avoir accès à une formation à cause du coronavirus et que les ingrédients sont bien là pour qu'une nouvelle crise éclate, comme celle des "gilets jaunes".
La crise du coronavirus a exacerbé les inégalités entre les grandes villes et leurs banlieues d’un côté et la France "périphérique", celle des campagnes et des zones pavillonnaires, qui concentrent près de 80% des classes populaires. Dans les zones rurales, les hôpitaux sont loin, les lits moins nombreux et le taux de saturation beaucoup plus rapide. Des millions de jeunes ruraux n'ont également pas pu avoir accès à une formation à cause du coronavirus. Ils peinent à se projeter. Leur avenir est flou. Mais de qui parle-t-on quand on évoque la "France périphérique" ? En quoi la crise a-t-elle accentué des inégalités déjà fortes ?
Dans le onzième épisode du podcast "Les Éclaireurs", Matthieu Belliard prend une nouvelle fois le temps d’écouter le monde changer. Avec son invitée, Salomé Berlioux, présidente de l’association "Chemins d’avenirs" et auteure notamment de "Nos campagnes suspendues, la France périphérique face à la crise" (Editions de l'Observatoire), le présentateur de la matinale d'Europe 1 s'interroge sur cette France des campagnes déjà fragilisée depuis des années et encore mise à mal par la crise du coronavirus.
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Trois idées à retenir pour prendre le temps d’écouter le monde changer
Certains jeunes ont stoppé leurs études à cause du Coronavirus. (à écouter à partir de 3'47) Les jeunes des territoires ruraux étaient inquiets pour leur avenir avant la crise. "Désormais, ils le sont encore plus", estime Salomé Berlioux. "Concrètement, c'est une jeune qui perd la possibilité d'avoir un petit job pendant les vacances de Pâques et pendant l'été. Ça veut dire qu'elle ne pourra pas aller à l'université parce qu'elle ne pourra pas financer son logement", détaille-t-elle. Elle raconte aussi que "des parents ont décidé de ne pas envoyer leurs enfants en seconde générale et technologique à la rentrée suivante à cause du coronavirus. Pourquoi ? Parce que l'établissement scolaire est à une heure de route et parce qu'ils ne savent pas de quoi septembre sera fait". "Autre exemple : des familles ont décidé de faire redoubler leur enfant à la fin de la classe de troisième. C'était trop anxiogène de l'envoyer au lycée, car dans ces territoires-là, l'établissement est loin. Ces familles craignent d'envoyer leur fils ou leur fille à 14 ou 15 ans en internat à une heure de chez eux alors que la crise sera peut-être encore là".
Les agriculteurs aussi ont souffert de la crise. (à écouter à partir de 9'17) Au plus fort de la crise, "il y a eu beaucoup d'agriculteurs qui ont pu tirer leur épingle du jeu grâce aux circuits courts (...) Mais il y a aussi tous ceux qui n'ont pas eu cette possibilité-là", souligne Salomé Berlioux qui rappelle que globalement, "les agriculteurs qui avaient leurs enfants à la maison ont dû travailler deux fois plus. Ils avaient moins de main d'œuvre et notamment de main d'œuvre qualifiée. Ça coûtait donc plus cher de devoir former des gens avec des résultats moindres. Ils devaient s'occuper des récoltes, de leurs asperges, de leurs fraises. Ils étaient seuls à s'occuper des bêtes. Tout ça avec un quotidien contraint, notamment sur le plan économique et social".
La France des résidences secondaires, ça n'est pas la France périphérique ! (à écouter à partir de 11'38) Avec la crise, la vie à la campagne a été idéalisée par une partie de la population mais prudence… "On sous-entend que les Parisiens, les Bordelais, les Lyonnais qui auraient pris conscience de la difficulté de vivre dans une grande métropole vont aller s'installer dans un hameau des Vosges, de la Nièvre ou de l'Ain. Force est de constater que ce n'est pas tout à fait le cas", pointe Salomé Berlioux. "La France des résidences secondaires, que ce soit à Noirmoutier, à l'île de Ré, à Aix-en-Provence, ça n'est pas la France périphérique. Ça n'a rien à voir avec le cœur de Moulins, Nevers, Charleville-Mézières, Verdun. Et le dire, ce n'est absolument pas faire preuve de misérabilisme à l'égard des territoires de la France périphérique. En revanche, ces personnes ont envie et besoin qu'on reconnaisse les difficultés particulières de leurs territoires et donc de leur quotidien, et qu'on ne mélange pas tout".
"Les Éclaireurs" est un podcast Europe 1 studio
Présentation : Matthieu Belliard
Programmation : Juliette Bergé
Réalisation : Xavier Jolly
Cheffe de projet édito : Fannie Rascle
Diffusion et édition : Clémence Olivier
Graphisme : Karelle Villais
Direction d'Europe 1 Studio : Olivier Lendresse
Références :
- "Nos campagnes suspendues, la France périphérique face à la crise", 2020, Editions de l’Observatoire
- Déclaration de politique générale de Jean Castex, 16 juillet 2020