[Seconde Guerre mondiale] Écoutez le récit d'une femme à l'histoire incroyable : l’histoire d’Hedy Lamarr, star d’Hollywood et "mère" du Wi-Fi, racontée par l’historienne Virginie Girod, dans un récit inédit en deux épisodes. Embarquez dans l’univers excentrique d’Hollywood et découvrez l’histoire singulière d’Hedy Lamarr. Retrouvez Virginie Girod et ce nouveau récit de femme inspirante dans Madame Figaro en kiosques le 24 février. "Au Cœur de l'Histoire" est un podcast Europe 1 Studio.
Sujets abordés : Hedy Lamarr - Cinéma - Hollywood - Femme fatale - Actrice - Inventrice - Science - GPS - ancêtre du Wi-Fi - Seconde Guerre mondiale - Rêve américain - Los Angeles - récits de femmes
Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio.
Écriture et présentation : Virginie Girod
- Production : Adèle Humbert
- Direction artistique : Adèle Humbert et Julien Tharaud
- Réalisation : Clément Ibrahim
- Musique originale : Julien Tharaud
- Musiques additionnelles : Julien Tharaud et Sébastien Guidis
- Communication : Kelly Decroix
- Diffusion et rédaction : Eloise Bertil
- Visuel : Sidonie Mangin
Nous sommes dans le sud de la France, au printemps 1937. Hedy Lamarr, célèbre actrice autrichienne de 22 ans, est en vacances avec son mari, le marchand d’armes Friedrich Mandl. Elle est toujours célèbre mais ne tourne plus depuis son mariage quatre ans auparavant. Son époux a fait d’elle une « femme trophée » qu’il exhibe dans ses dîners avec ses clients : Hitler et Mussolini.
Hedy ne manque de rien, elle a des domestiques, de beaux bijoux mais Mandl a fait d’elle une prisonnière. Elle ne peut plus travailler, ni voir qui elle veut. Elle assiste impuissante à la montée de l’antisémitisme, elle qui vient d’une vient d’une famille juive convertie au catholicisme. Un jour, elle remarque qu’une de ses femmes de chambre fait le même gabarit qu’elle. Alors elle a une idée. Elle va s’habiller en soubrette, mettre ses bijoux dans une petite valise et prendre le train vers Paris puis gagner Londres. De là, elle pourra partir à Hollywood et reprendre sa carrière. Il faut qu’elle arrive à s’évader de sa cage dorée.
Une enfance heureuse
Hedwig Kiesler, la future Hedy Lamarr, naît le 9 novembre 1914 dans une famille autrichienne d’origine juive à Lviv. Aujourd’hui située en Ukraine, elle faisait à l’époque partie de l’empire austro-hongrois.
Hedy est la fille unique et adorée d’un riche banquier et d’une pianiste concertiste. La famille s’est convertie au catholicisme quelques années plus tôt, comme beaucoup de juifs de la région au début du XXe siècle. Ce changement de confession avait pour but, à l’époque, d’échapper à l’antisémitisme et de mieux s’insérer dans la bourgeoisie.
Hedy a eu une enfance heureuse. Ses parents vantent sa beauté et soignent son éducation. Grâce à sa mère, elle est initiée très jeune à la musique. Mais sa passion se révèle le jour où elle va au cinéma pour la première fois. En 1927, Hedy est encore une adolescente et les films sont muets. Elle découvre sur la toile le chef d’œuvre de Fritz Lang, Metropolis. Ce film – qui deviendra le premier placé dans le registre international de la Mémoire du Monde par l’UNESCO en 2001 – est un échec commercial au moment de sa sortie. Mais Hedy est subjuguée par cette histoire d’amour dans un futur dystopique et la beauté de la lumière. Dans les films en noir et blanc, la lumière est sculptée par le chef opérateur pour découper les ombres et les reliefs.
Après cette projection, Hedy va tout faire pour devenir actrice.
Un rôle très osé dans Extase
À 15 ans, elle imite la signature de sa mère pour se rendre à ses premiers castings et décroche des petits rôles dans des films autrichiens. Les cinéastes sont très vite fascinés par sa beauté. L’ovale de son visage est parfait, elle a un teint de porcelaine, de grands yeux clairs presque translucides, une bouche aux lèvres pleines et une chevelure noire mousseuse.
Hedy sait qu’elle plaît et qu’elle a du talent. Alors elle voit les choses en grand pour sa carrière. Elle quitte Vienne pour Berlin en 1931. L’Allemagne, comme tant d’autres pays depuis le krach boursier de 1929, vit la grande dépression. La misère favorise la montée du national-socialisme. Dans cette Allemagne en crise, la République de Weimar, connue pour son goût de la fête et son foisonnement artistique, vit ses derniers feux.
L’UFA est alors la plus grande société de production cinématographique d’Europe. C’est là que Hedy veut être. Après avoir décroché quelques petits rôles, la viennoise est remarquée par le réalisateur Tchèque Gustav Machaty. En 1932, il lui propose le premier rôle féminin dans son prochain film. Un film qui va changer la vie d’Hedy…
Extase, c’est son titre, est un long métrage à l’avant-garde. L’histoire est presque la même que celle de l’amant de Lady Chatterley, de l’écrivain D.H. Lawrence, paru 4 ans plus tôt et largement diffusé sous le manteau. Une jolie jeune femme épouse un homme plus âgé et impuissant. Alors elle découvre l’amour dans les bras d’un amant plus jeune.
Ici, le rôle de la jeune femme nommée Eva est joué par Hedy. L’actrice a 18 ans. Pour la première fois de l’histoire du cinéma, Machaty va montrer un nu féminin.
Des films avec des femmes nues, ça existe depuis les débuts du cinéma, ça s’appelle la pornographie, et c’est diffusé pour des messieurs dans des petites salles spéciales. Là on parle bien d’un film tout public avec le premier nu féminin.
Eva, le personnage de Hedy, est partie à cheval au bord d’une rivière. Elle se déshabille et se baigne nue. Mais son cheval s’enfuit avec ses habits. Alors elle court dans les bois pour le retrouver. Évidemment, raconter comme ça, le scénario semble un peu léger. Mais il faut voir la beauté des images, les jeux de profondeurs de champs, la végétation et l’eau qui cachent et révèlent tour à tour le corps de l’actrice. Et ce n’est pas tout. C’est pendant sa course dénudée pour trouver son cheval que le personnage d’Eva rencontre son amant, Adam, qui va lui faire découvrir l’extase.
Pour la première fois de l’histoire du cinéma, l’orgasme féminin est montré dans un film à travers un plan sur le visage pâmé d’Hedy. Très osé pour l’époque…
Quand le film sort en 1933, il fait un scandale. Sa projection à la Mostra de Venise l’année suivante n’arrange rien. Le film est censuré en Allemagne et interdit par Mussolini en Italie. Le pape condamne également le film.
Hedy quant à elle, devient une star et un objet de fantasme. Un homme en particulier voudrait posséder ce fantasme. Cet homme, c’est le marchand d’armes Friedrich Mandl. Il a treize ans de plus que Hedy et lui fait une cour assidue. L’actrice est attirée par ses connexions avec le grand monde. Elle y voit un moyen d’étoffer son réseau et de vivre dans le luxe. Mais rien ne va se passer comme elle l’imaginait.
Un mariage malheureux avec Friedrich Mandl
Le couple se marie en août 1933. Dès lors, Mandl interdit à son épouse de jouer dans des films. Très jaloux, il s’est mis en tête d’acheter toutes les copies du film Extase. Mais ces fameuses copies se multiplient, les prix grimpent et la notoriété d’Hedy monte. Malheureusement, elle sert désormais de faire-valoir à son mari.
Mandl est un sympathisant fasciste dont les plus gros clients sont Mussolini et Hitler. Celui-ci vient juste d’arriver au pouvoir en Allemagne. Pendant les dîners, Hedy sourit et écoute avec beaucoup d’attention les conversations sur les armes de guerre… Mais elle constate aussi la montée du nazisme et de l’antisémitisme et cette haine la révulse.
En vacances en France au printemps 1937, elle vole les vêtements d’une de ses femmes de chambre, prend ses bijoux pour toute fortune, et saute dans un train. En quelques semaines, elle gagne Londres.
La fuite vers les Etats-Unis
Grâce à un agent de cinéma qu’elle connaît, elle sait que Louis B. Mayer est en Angleterre. Il s’agit de l’un des fondateurs de la MGM, l’un des plus gros studios de production américain, qui se trouve là pour signer des contrats aux stars de l’UFA qui veulent fuir la montée du nazisme.
La première rencontre avec Louis Mayer ne se passe pas très bien. Le producteur propose à l’actrice un contrat de 6 mois à l’essai, avec un cachet de 150$ par semaine. Hedy considère qu’elle vaut davantage et refuse l’offre. Mais elle n’a pas dit son dernier mot.
Le 9 septembre 1937, l’Autrichienne embarque sur le Normandie, l’un des paquebots qui rallie Southampton à New York. Une transatlantique, c’est la garantie d’un huis clos d’une semaine et, à bord, parmi les passagers, se trouve Louis B. Mayer.
C’est donc entre l’ancien et le nouveau monde que Hedy négocie son contrat : sept ans à la MGM pour 750$ par semaine minimum. Mais elle aura aussi quelques obligations à remplir : perdre du poids pour se couler dans le moule des stars hollywoodiennes, se faire un look plus glamour et travailler son anglais (elle a un accent allemand à couper au couteau).
Louis B. Mayer lui demande une dernière chose : changer de nom. Fini Hedy Kiesler. Il l’appelle désormais Hedy Lamarr. L’actrice découvrira plus tard qu’elle a en fait récupéré le patronyme d’une autre protégée de Mayer, morte prématurément.
En 1938, Hedy tient son premier rôle à Hollywood dans le film Algiers. Elle crève l’écran. Mais pour le public et les producteurs, elle devient une beauté fatale et exotique. Rien d’autre.
Une carrière stagnante
Alors que la seconde guerre mondiale éclate en Europe en 1939 et que les États-Unis refusent d’entrer dans le conflit, Hedy continue sa carrière. Elle se sent enfermée dans les mêmes rôles à Hollywood. Elle est belle, juste belle et découvre qu’elle manque de compétences à côté des talents du pays.
En 1941, elle joue dans le film La danseuse des Ziegfeld Folies, inspiré du répertoire de Broadway. Hedy partage l’affiche avec Judy Garland, qui chante et qui danse à merveille. Les numéros sont chorégraphiés par une star de l’époque, Busby Berkeley, qui a pour la première fois l’idée de filmer les danseuses avec une caméra zénithale. Hedy, elle, doit se contenter de descendre le grand escalier, élément de décor iconique du monde du cabaret, comme une déesse hiératique. Elle ne sait ni chanter, ni danser…
Mais un drame va bientôt lui donner l’occasion de briller dans un autre domaine.
Nous sommes à l’aube du 7 décembre 1941 à Hawaï dans l’océan Pacifique. Depuis 7h30 du matin, des avions militaires japonais survolent l’île d’Oahu. A 7h52, les avions se trouvent au-dessus de Pearl Harbor, une base militaire américaine. À 7h53, une première bombe est larguée sur le port où mouillent la flotte de l’US Navy. Les Japonais sont en train d’attaquer les États-Unis.
Pour découvrir la suite de ce récit, rendez-vous sur l’épisode 2 de l’histoire de Hedy Lamarr.
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