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SAISON 2020 - 2021, modifié à

SERIELAND ENTRETIEN - Nadège Beausson-Diagne est comédienne. Vous l’avez peut-être vue dans "Plus belle la vie" ou "Podium". C’est aussi une femme noire. Le monde du cinéma et des séries en France n'a jamais cessé de lui rappeler. Aux côtés d'Eva Roque et de Margaux Baralon, l’actrice et réalisatrice, qui a participé à l'essai collectif "Noire n'est pas mon métier" initié par l'actrice Aïssa Maïga, raconte le racisme ambiant mais aussi ses combats quotidiens pour se faire une place sur les plateaux et sur les écrans.

Vous avez forcément vu Nadège Beausson-Diagne sur vos écrans. Révélée au grand public pour ses rôles dans la série Plus Belle la Vie, Nadège Beausson-Diagne s’est également fait connaître au cinéma dans les comédies Bienvenue chez les ch’tis, Podium  et  Rien à déclarer.  

Dès ses débuts de comédienne, et son entrée au conservatoire, sa peau noire est un frein. On lui propose de jouer des personnages caricaturaux, des rôles de second plan. Sur les tournages, elle affronte aussi le racisme ordinaire des réalisateurs ou des scénaristes. Mais hors de question pour elle de se laisser enfermer dans des cases. Elle bataille pour obtenir des rôles intelligents et en dehors des clichés. Récemment, elle s'est aussi engagée. Elle a témoigné dans l'essai "Noire n'est pas mon métier" initié par l'actrice française Aïssa Maïga.

Dans SERIELAND, le podcast d'Europe 1 Studio, Eva Roque reçoit l’actrice et réalisatrice pour un grand entretien en compagnie de Margaux Baralon. En quoi certains scénaristes font-ils preuve de racisme ? Quels rôles échappent aux acteurs et actrices racisées ? La profession est-elle en train d’évoluer ? Nadège Beausson-Diagne vous raconte son itinéraire. Celui d'une femme racisée dans le milieu des séries françaises. 

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Transcription de l'entretien

Nadège Beausson-Diagne Quelle émotion ! "Qu'on soit noir ou blanc", je vais retenir ça de "Plus belle la vie". C'est un très, très grand souvenir pour moi. J'ai incarné la commissaire Sarah Douala pendant trois ans. Ca fait cinq ans que je ne suis plus dans cette série et on continue à m'en parler au quotidien. Ça a marqué les gens. Et je trouve que ce qui est bien avec les séries populaires, c'est qu'elles réunissent. On peut critiquer “Plus belle la vie”, mais c'est quand même une des premières séries dans laquelle il y a toute la société française représentée. Donc, ça fait du bien. 

Eva Roque Bienvenue dans SERIELAND, épisode 6. Grand entretien avec la comédienne et réalisatrice Nadège Beausson-Diagne. Elle est apparue dans une tenue argentée, les cheveux tressés, un bandeau sur le front telle une princesse, sourire éclatant et le poing levé sur les marches rouges du Festival de Cannes. C'était au mois de mai 2018, aux côtés de la comédienne Nadège Beausson-Diagne. Quinze autres femmes noires, Aïssa Maïga, Firmine Richard ou encore Sonia Rolland, toutes signataires d'un livre manifeste intitulé "Noire n'est pas mon métier". Sur ce parterre cannois symbolisant la puissance du cinéma international, être une femme comédienne noire dans une série ou au cinéma apparaissait tout à coup comme le parcours d'une combattante. Discrimination, stéréotypes. Voilà le quotidien de ces actrices qui ont choisi de crier, de crier fort : "non, non, ma couleur de peau ne peut pas déterminer un rôle. Non, je ne me définis pas par cette même couleur de peau." En cette fin d'année 2020, est ce que les choses ont changé? Est-ce que Nadège Beausson-Diagne, que le grand public a découvert dans "Podium", "Bienvenue chez les ch'tis", ou encore "Plus Belle la Vie" pendant quatre saisons galère encore à trouver des rôles ? Est ce que cette militante pour le droit des femmes et des minorités garde espoir et croit au changement des mentalités ? Bienvenue dans SERIELAND à la rencontre de Nadège Beausson-Diagne. Bonjour Nadège Beausson-Diagne. 

"On peut critiquer 'Plus Belle la Vie', mais c'est quand même une des premières séries dans laquelle il y a toute la société française représentée."

Nadège Beausson-Diagne Bonjour Eva Roque ! 

Eva Roque Je vous présente Margaux Baralon, qui va m'accompagner tout au long de cet entretien. Est-ce que vous allez garder le poing levé depuis ce jour de mai 2018 sur les marches du Festival de Cannes ? 

Nadège Beausson-Diagne En fait, je crois que je suis né avec le poing levé. Mes parents se sont rencontrés à une manifestation de soutien à Angela Davis quand elle était incarcérée, et un de mes prénoms, c'est Angéla, pour Angéla Davis. Donc je pense que le militantisme est en moi. Le poing, on l'a toujours gardé levé. D'ailleurs, je remercierai jamais assez mon amie, l'actrice et réalisatrice Aïssa Maïga d'avoir été à l'initiative de ce livre puisque c'est elle qui nous a réunis. Et c'est vraiment important parce que dans ce livre collectif, on n'a pas parlé juste de nous en tant que comédienne, on a parlé pour la société, pour ce fameux plafond de verre, pour l'impossibilité, pour l'invisibilité des personnes racisées. Je tiens à dire que racisées, ça veut dire personnes victimes de racisme. C'est un terme sociologique. Donc voilà, on a parlé pour tous et notamment pour les jeunes. D'ailleurs, le livre a marché. C'est quand même un grand succès. On peut le dire pour un sur un sujet qui pouvait être clivant. Eh bien, les gens avaient besoin d'entendre ce qu'eux-mêmes vivaient. Et puis surtout, nous avons toute raconté avec des anecdotes personnelles, ce qu'on vivait. Les gens ne pouvaient pas imaginer qu'on vivait ça, en fait.

Eva Roque On va y revenir tout au long de l'entretien. Vous parliez de "Plus Belle la Vie" dont on vient d'entendre le générique. Quand la production de "Plus Belle la Vie" vous appelle en 2010 pour incarner la commissaire Douala, est-ce que vous avez l'impression, à l'époque, d'être la noire de service ? 

Nadège Beausson-Diagne Ben non. Alors, en fait, ce qui s'est passé, c'est que je suis un peu insolente. Je connaissais un des producteurs et j'avais regardé un épisode. Et c'était un épisode un peu cliché sur les sans-papiers. Et donc, je lui envoie avec mon impertinence légendaire, un mot très gentil, très sympathique disant "quand il y a des noirs dans votre série, c'est que des sans-papiers", sachant que je n'ai rien contre les sans-papiers. Mais c'était une manière de dire qu'on n'est pas obligé de toujours représenter les noirs dans cette position là. Et quand ils ont cherché le rôle de la commissaire du coup, ils m'ont envoyé un mot. Ils m'ont dit "est-ce que t'as envie de faire partie de l'aventure". Donc, il a fait un faux casting puisque j'étais la seule à être présentée à la chaîne. En fait, je n'étais pas la noire de service parce qu'il n'y avait pas de stéréotypes dans la construction de mon personnage. Et les petites choses qu'il y avait inconsciente chez certains scénaristes, je dois le dire. Moi, je faisais le travail de tout de suite déconstruire, c'est-à-dire un moment donné, un exemple où je devais parler à mon personnage qui était une de mes meilleures amies. Je devais dire "ah ce soir, mon ami et mon amoureux, je vais lui faire un colombo de poulet". Le colombo de poulet qui est un plat antillais très, très bon au demeurant. Mais mon personnage, on ne savait pas d'où elle venait déjà, première chose. Deuxièmement, on s'en fout un peu. Pourquoi je devais faire le colombo de poulet. Parce que je pense qu'inconsciemment, le scénariste s'est dit "Ah, c'est une noire, elle fait des plats de noirs" et donc moi, j'ai dit, je vais faire une blanquette de veau !

Eva Roque J'en étais sûre. J'hésitais entre la blanquette et le pot-au-feu. J'aurais dû miser sur la blanquette tout de suite... Est ce que vous gardez un bon souvenir de ces quatre années au sein du feuilleton de France 3 ? 

Nadège Beausson-Diagne Ouais, mais en plus, j'ai vraiment aimé ce personnage. Au début, elle était un peu trop sèche, etc. Moi, j'ai vraiment travaillé aussi en disant au scénariste qu'il faut l'assouplir, parce que ce n'est pas parce que c'est une femme de pouvoir que forcément, elle est dure. Et je l'ai amené vraiment dans une folie. Je trouve qu'elle avait vraiment des trucs. Elle était un peu cintrée et j'ai adoré ça. Et puis surtout, moi, je viens du théâtre et j'aime l'équipe. C'était camarade Stéphane, Fabienne, c'était vraiment quelque chose de très gai. Et puis, il faut quand même se dire que ça fait aussi du bien de faire du bien. Et cette série faisait du bien pour certaines personnes du métier. Quand je leur ai annoncé que j'allais faire "Plus belle la vie", j'ai l'impression que je leur avais annoncé que j'ai un cancer généralisé et que c'était la honte d'aller faire une série populaire alors que je venais du cinéma. En fait, je ne comprends pas ça. J'ai tourné avec Jean-Luc Godard et Jean-Luc Godard regarde "Plus belle la Vie". Il faut le savoir.

Eva Roque Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous disparaissez de la série ? 

Nadège Beausson-Diagne C'est le sujet qui fâche. En fait, à un moment donné, pour expliquer aux gens. En fait, nous sommes intermittents du spectacle, c'est-à-dire qu'on doit faire un certain nombre de cachets de contrat, pour être indemnisé quand on ne travaille pas, parce qu'évidemment, vous nous voyez beaucoup travailler. Mais la plupart du temps, malheureusement, on ne travaille pas. Donc, il faut avoir le plus de contrats possibles. Et moi, quand j'étais dans "Plus belle la Vie", comme j'étais souvent dans la fonction de commissaire, j'étais par rapport à un décor et des fois, je pouvais tourner qu'un jour. Même si vous me voyez souvent à l'écran. Je tournais un jour, dans le mois. Un jour de travail, c'est un jour de salaire. Voilà, donc, je passe une audition pour un casting, pour jouer dans une série de TF1. Elle s'appelait Pep's, mon agent le dit à la production, etc. Ils disent qu'il n'y a pas de problème. Et puis finalement, je pense que ça leur pose un problème, mais ils ne m'en parle pas. Et donc, pendant six mois, je suis dans un rapport assez schizophrénique puisque personne ne me parle. Mais je sens qu'il y a quelque chose. En fait, ils avaient décidé de m'évincer, mais ils ne me l'ont pas dit. Ce qui est complètement leur droit, encore une fois, je ne suis pas salarié fixe. Et donc, du coup, j'ai dû partir de ce fait-là. Mais comme une militante, je suis parti en racontant la vérité. Et après voilà, on est entré dans une espèce de confrontation avec la production où ils disaient "mais non, on lui avait dit". Enfin bref, en fait, c'est surtout qu'un moment donné, on est artiste et qu'on ne peut pas juste faire un rôle. Et je n'ai aucun regret et je ne cracherais jamais dans la soupe. "Plus belle la vie", ça m'a apporté plein de choses et je suis très contente d'être allée faire Pep's aussi. Donc, je n'ai pas de regrets. En fait, c'est juste que ça s'est un peu mal passé.

Eva Roque Pep's, où vous jouez quand même la directrice d'école, je me demande s'il n'y a pas un problème d'autorité avec Nadège Beausson-Diagne, les scénaristes et réalisateurs ne vous imagine à chaque fois, que dans un rôle un peu stricte.... 

Nadège Beausson-Diagne Vous avez remarqué, ce sont des femmes d'autorité mais folle ! C'est peut-être la folie plutôt que l'autorité !

"Comme tu es noire, on ne t’a pas donné le premier prix"

Eva Roque A quel moment de votre carrière vous allez comprendre que c'est difficile pour vous en tant que comédienne noire et en tant que femme aussi ? 

Nadège Beausson-Diagne D'abord, ça commence au Conservatoire où on m'explique que j'étais censé avoir le premier prix d'interprétation. Mais le directeur me dit en off "comme tu es noir. On ne t'a pas donné le premier prix puisque tu ne pourras pas faire carrière." Et donc, il avait donné à une Valérie que je salue. Où que tu sois, je dis 'où que tu sois' parce qu'elle n'est jamais devenue comédienne. En fait, de toute ma promotion, je suis la seule à être devenue comédienne. Mais parce que j'avais déjà une force de résilience incroyable en moi, parce que ç'aurait pu me briser complètement. Donc, déjà, je comprends qu'il y a un truc où t'es noire, tu n'es pas censée être là.

 

Eva Roque Comment vous réagissez quand on vous dit ça, même en off...

Nadège Beausson-Diagne En fait, je n'arrivais pas à comprendre ce qu'il me disait. Parce que pour moi, on est dans un lieu qui est l'art et que justement, c'est là où on peut tout incarner et que moi, je rêve du théâtre de Peter Brook où tous les comédiens, qu'ils soient asiatiques, maghrébins, africains, français, bref, tout le monde peut tout jouer. Et là, on me met quelque chose. C'est-à-dire qu'en fait, tout ce que je n'avais pas dans ma vie et dans l'éducation que j'ai eu, on me met un miroir. On me dit non, t'es noir d'abord. J'étais là, mais je ne comprenais pas. J'ai mis du temps à comprendre, en fait. Et après, tout au long de ma carrière, ce n'est pas qu'on se construit, mais on se construit contre on est tout le temps, tout le temps, déjà, femme, il faut le savoir quand même. Société patriarcale, désolée. Mais la femme, elle, est déjà inférieure de fait. Et la femme noire, c'est Spike Lee qui le dit, c'est la double peine et c'est vraiment ça. Et ce n'est pas se victimiser que dénoncer les faits, puisque c'était ça aussi qui était important par rapport au livre. On a toutes parlé dans notre coin et on nous a dit "ah mais vous exagérez, etc". Et alors, à moins que pas de pot sur cette photo que vous montriez tout à l'heure, il y a seize folles, seize menteuses. Mais pas du tout. Et ce qu'on a raconté, c'était un film par rapport à ce qu'on vivait. Donc, on est tout le temps en train de chercher des trésors d'ingéniosité pour ne pas être dans la déprime, parce que c'est violent ce qu'on vit.

Eva Roque Alors là, vous nous racontiez le premier fait de racisme ordinaire dans votre carrière. Mais question plus personnelle à quel moment vous comprenez que vous êtes noire ? 

Nadège Beausson-Diagne En fait, je le comprends dans des petites choses du quotidien que plein de personnes racisées vont comprendre. Vous êtes dans une boulangerie, par exemple, que vous demandez une baguette, et qu'on va vous parler comme ça (lentement) alors de deux choses l'une si je ne parle pas la langue, ce n'est pas parce que vous parlez comme ça que je vais mieux comprendre. Et alors, elle, alors, elle, elle veut quoi ? Elle, elle veut ? Et je me disais mais qu'est ce que c'est que ces gens ? Et puis après, bon ma mère militait aussi. Ma mère est métisse, bretonne et ivoirienne. Et elle m'expliquait, elle m'a donné des clés de compréhension du regard sur les autres. Après il y a des choses magnifiques à l'école où, justement, il y a des camarades qui oublient que vous êtes noire,  quand on est en train de lire Emma Bovary, il y a une longue description des mains blanches. Et puis ma copine, elle me dit "ah, montre tes mains si elles sont blanches." Et après, elle s'excuse et je dis non, merci que tu ne te dises pas, "je ne vais pas lui demander parce qu'elle est noire". Donc, c'est assez vite que la société nous rappelle ça. 

"Il y a certains rôles auxquels nous n'avons pas accès du tout"

Margaux Baralon Est ce que le fait d'être noire a fait que des rôles vous ont échappé ? 

Nadège Beausson-Diagne Bien sûr. Alors déjà il y a certains rôles auxquels nous n'avons pas accès du tout, c'est-à-dire qu'on nous les propose pas de fait, de certains types de métiers. J'avais raconté dans le livre, par exemple, quand on est noire, on ne peut pas être avocate. On a clairement dit à mon agent. Et après, mettons, le casting, on vous a quand même fait passer l'audition, d'accord. Le réalisateur vous choisit. Il se trouve que vous avez été bien ce jour-là. Il y a un moment où s'il y a un choix dans un rôle principal entre, entre une comédienne blanche et une comédienne noire et bah, on va dire, les gens ne sont pas prêts. Cette fameuse phrase. Le spectateur n'est pas prêt, le téléspectateur n'est pas prêt. Et donc, pendant longtemps qu'on n'a pas compris ça, on peut se dire qu'on est tout le temps nuls. Mais vraiment. Je n'ai pas dit que j'étais la meilleure actrice du monde, mais je sais quand je suis bien et je sais que je ne suis pas bien. Et quand je suis bien, je me disais, mais je ne comprends pas. Et après, je voyais qui ils avaient choisi. Je me disais, mais attends, elle n'est pas bien en plus, je ne comprenais pas. Et il a fallu que je me pose la question, que j'analyse ça. Et puis j'ai trouvé une super psy aussi qui permet de ne pas devenir complètement maboul, parce que c'est violent.

Margaux Baralon Au-delà des rôles, il y a aussi le fait de décrocher des rôles importants. On sait que très souvent, les personnes racisées sont renvoyées à des rôles, souvent de faire valoir. Il y a aussi l'enjeu d'essayer de décrocher un rôle bien écrit et principal.

Nadège Beausson-Diagne Toujours la question de la construction, du racisme et donc du regard de la personne blanche sur les personnes racisées, qui a un regard faussé parce que la plupart du temps, est vu par un racisme inconscient. Moi, je parle tout le temps de ce racisme inconscient là parce qu'il y a des gens de bonne volonté, par exemple, je disais à des camarades réalisateurs : "pourquoi dans ton film pourquoi un tel n'est pas noire ou pourquoi pas maghrébine ?" Ils me répondent "ah, je n'y ai pas pensé, ou alors si la mets ça voudrait dire ...". C'est comme s'il fallait une justification. Et à partir de ce moment-là, c'est là où ça ne va pas parce que moi, je ne veux pas des rôles de noirs. Je veux des rôles en fait. C'est ça qui ne va pas, mais c'est la construction du racisme qui est comme ça. 

Eva Roque Alors c'est très intéressant parce que je voudrais vous faire écouter des extraits d'un film dans lequel vous jouez... C'est Podium, le film de Yann Moix, sorti en 2004. Nadège Beausson-Diagne, moi, il y a un truc qui m'a sauté au visage quand j'ai revu cet extrait. Vous interprétez une Clodette de Benoît Poelvoorde qui se prend pour Claude François. Et c'est vrai que Claude François était toujours accompagné de femmes, dont une noire. Quel regard vous portez là-dessus ?

Nadège Beausson-Diagne Claude François, qui s'est inspiré des Etats-Unis, il a amené ce que lui, il aimait dans la danse, dans le show. Parce que c'est vrai que c'était un show man. Et du coup, c'est le premier à avoir amené des femmes différentes que les femmes blanches dites françaises de base. Et c'était incroyable parce qu'à l'époque, c'était une révolution. Et en plus, ce qui est très intéressant, c'est qu'il a amené des femmes noires qui avaient leurs propres cheveux. Je parle de ça parce que l'histoire des cheveux aussi, c'est quelque chose. Elle avait des cheveux courts ou les cheveux afro. En tout cas, on ne leur demande pas de s'éloigner de l'essence de ce qu'elle était. Et ça, c'était une révolution. Alors moi, j'ai plein d'amis quand j'ai fait ce film qui m'ont dit "quoi tu vas faire une Clodette ?". Alors moi, personnellement, je n'ai pas une passion pour les Clodettes, vu que j'étais au Conservatoire en train de bosser sur Chopin. Donc j'ai découvert ça beaucoup plus tard dans ma vie. Ce sont deux mondes différents. Et moi, j'ai adoré faire ce film. Je réécoute cet extrait avec grande joie et je me suis rendu compte que les gens étaient très contents aussi qu'il y ait une comédienne noire. En plus, j'étais, on était sur l'affiche. Les quatre femmes, etc. Et pour le coup, bon bah, alors là, on peut dire qu'on est juste dans le sexisme de base puisqu'on est toutes en short et en string. Mais il n'y a pas une manière particulière d'être plus maltraité, on va dire, c'est un autre combat.

Eva Roque Vous parliez du livre que vous aviez présenté au Festival de Cannes et dont vous racontez notamment une scène de racisme ordinaire. Le rôle n'est pas pour vous parce qu'il s'agit d'incarner l'avocate dont vous parliez tout à l'heure, prénommée Sandrine. Et je me suis demandé si vous ne pouviez pas jouer une femme qui s'appelle Sandrine, comment sont choisis les prénoms des personnages que vous incarnez ? Est-ce qu'il est arrivé déjà, une fois, de demander à la production d'avoir un autre prénom que celui qu'on vous avait attribué ? 

Nadège Beausson-Diagne Merci pour cette question. Les gens ne se rendent pas compte. Alors pendant très, très longtemps, j'ai eu beaucoup de soucis avec Joséphine Baker, mais beaucoup de soucis parce que finalemenIncont, dans les scénarii, c'était Joséphine et en fait, c'était par rapport à Joséphine Baker. C'est le racisme inconscient dont je vous parle, etc. On a subi l'héritage de la ceinture de bananes de Joséphine pendant très longtemps. J'ai discuté avec elle. Je voulais parler, mais ça y est, j'ai fait la paix avec ça. Et puis si ce n'est pas Joséphine en général, c'est Fatoumata. Très joli prénom. Mais pourquoi j'ai envie de dire. C'est comme s'il fallait absolument, si le spectateur ne se rend pas compte que vous êtes noire, qu’on vous donne un prénom de noire. Une fois, dans une pièce de théâtre, je me rappelle, je n'avais pas de travail, c'était hyper compliqué. Une pièce avec Michel Galabru, Bernadette Lafont, que j'aimais tellement. Je reçois la pièce et je vois que le personnage s'appelle Blanchette. Parce que la blague, c'était que Michel Galabru était sur scène. Il m'appelait Blanchette, et je devais arriver sur scène. Et là, les gens étaient hilares. Il faut savoir que cette pièce, elle avait été jouée dix ans auparavant et qu'une comédienne que je connais avait joué ça. Elle avait joué en s'appelant Blanchette. Et je vous assure que je n'avais pas du tout de boulot. Et j'avais besoin de cet argent. Je suis arrivé, j'ai dit "excusez moi. Première chose est ce qu'on peut changer ce prénom ?". On me dit : "Ah oui, bien sûr, etc.". Je me suis appelée Lucette parce qu'il fallait qu'il y ait une rime en -ette. En tout cas, j'ai pu le faire. Et ce qui est dingue et qui m'a fait énormément de peine, j'ai dû à un moment donné partir de cette pièce parce que j'étais en tournage. La comédienne m'a remplacé et elle a repris le prénom Blanchette.

"Les choses changent, mais tellement lentement"

Eva Roque Je voudrais vous faire part de mon expérience parce que depuis quelques jours, je réfléchissais à qui inviter pour parler de ces questions de représentation raciale dans les séries et je me suis surprise à taper sur Google : "Comédienne française noire". J'ai trouvé ça extrêmement violent. Tout à coup, j'ai pris de plein fouet ce que vous dénoncez au quotidien. J'ai été incapable de donner plus de cinq ou six noms d'actrices noires, alors même, et c'est ça qui m'a semblé violent, alors même qu'il me semblait être sensibilisée à cette question. Est-ce que vous avez quand même l'impression qu'en France, on est très en retard sur ces questions de représentativité ? Ou au contraire, que les choses commencent, commencent à changer ?

Nadège Beausson-Diagne Les choses changent, mais tellement lentement que si on ne milite pas, si on ne parle pas, si comme vous le faites de m'inviter, si on ne continue pas à déconstruire, à éduquer, c'est-à-dire que mes arrières petits enfants, ils n'auront toujours pas vu le changement. Aïssa et moi, on fait ce métier depuis 25 ans, plus de 25 ans, Firmine Richard qui a commencé, etc. Les choses changent tellement lentement et surtout ce qui m'a effrayé, c'est qu'Assa Sylla, Karidja Touré, qui étaient des jeunes comédiennes, elles vivaient ce que nous, on avait vécu il y a vingt ans. Donc, c'est pour ça que ça change très peu. Bien sûr que je peux dire, je ne vais pas vous dire que ça ne change pas, ça change. Mais je reviens sur un épisode douloureux. Quand Aïssa Maïga aux Césars, compte les personnes racisées dans la salle des Césars. Évidemment, d'abord, on n'a pas compris qu'elle a fait. On pensait juste à une punchline et de l'humour par rapport à 12, c’était le nombre de nominations de film de Roman Polanski. Mais c'est surtout qu'elle voulait dire "regardez comme c'est peu«, 12 personnes racisées. Et bien sûr que ça change. Bien sûr que Lina Coudrier, elle, a eu le César, on est super content, et Roschdy Zem. Ce qu'on veut dire, c'est que ça change très peu et ça change aussi très peu dans le type de rôle proposé. C'est surtout ça qu'elle voulait dire.

Margaux Baralon Vous vous avez fait du théâtre, du cinéma, des séries. Est-ce qu'il y a une différence justement, sur cette représentation ? Je me dis que les séries sont plus récentes, est-ce qu'on s'améliore en représentativité dans les séries ? 

Nadège Beausson-Diagne Alors déjà, je trouve qu'au Théâtre, je joue des rôles beaucoup plus intéressants qu'au cinéma et à la télé. Parce que je ne sais pas. Mais il y a peut être quelque chose avec la distance avec le plateau, qui fait que on m'a proposé des rôles vraiment beaucoup plus intéressants. Et effectivement je trouve, petit coup de pied dans le cinéma français, que la télévision est en train de changer ça, et notamment via les plateformes. Il y a quelque chose, ils se sont emparés de cette question là, beaucoup plus. On le voit quand on regarde les séries, le cinéma est un peu en retard encore. 

Eva Roque Alors justement, il y a une série française qui m'a particulièrement marquée cette année. C'est Il a déjà tes yeux. Elle est signée Lucien Jean-Baptiste. Il est le mari d'Aïssa Maïga, dont on parle depuis le début de cet entretien. Un couple noir qui a adopté un enfant blanc. Et ils sont par ailleurs les parents d'un autre garçon qu'ils ont eu naturellement. Et ça pose beaucoup, beaucoup de questions. Pourquoi faut-il attendre 2020 pour entendre ce genre de dialogue à la télévision française ? 

Nadège Beausson-Diagne Parce que vous savez, je me suis posé beaucoup de questions par rapport à ça. C'est parce qu'il y a des gens pour lesquels ça a été facile d'être là. Et qui n'ont pas envie de bouger et qui n'ont pas envie finalement de laisser la place. C'est une histoire de privilèges et de continuer à avoir des privilèges. Et on le voit bien que quand on n'est pas du sérail, on nous fait tout remarquer ou on a l'impression tout le temps d'être l'exception. C'est pour ça que je dis que je ne veux pas des rôles de noirs. Je veux des rôles et puis voilà. Comme ce terme de diversité. On a l'impression, que c'est un pays qui s'appelle la diversité. Et là-bas il y a tout, noirs, gays, handicapé, les femmes, etc. On vient tous de la diversité. Non, en fait. Et donc, c'est pour ça que c'est une histoire de s'approprier nos propres récits aussi. Il faut aussi que dans les institutions, que les gens qui sont décisionnaires, il faut aussi bouger. Parce que là, on parle des artistes, mais on peut parler des équipes techniques. On peut parler des équipes de production quand on arrive. C'est quand même très, très, très rare qu'il y ait des personnes racisées dans une équipe, donc ça aussi. Et puis après, il faut aller dans les chaînes. Faut aller voir aussi quelles sont les personnes qui décident de faire une série ou pas.

Eva Roque Mais est-ce que ça veut dire que, par exemple, vous êtes pour les quotas ? 

Nadège Beausson-Diagne Alors moi, je suis évidemment pour les quotas parce que les quotas, le positif des quotas, c'est qu'on a vu en politique, sans les quotas et on n'aurait pas autant de femmes politiques qui aujourd'hui, après les quotas, quand on me dit oui, mais alors du coup, on va te prendre parce que t'es noir. Non, non, non, pas du tout, camarade. Ça veut dire qu'on va me donner l'opportunité d'avoir accès à des rôles, des métiers auxquels je n'aurais pas eu accès avant. En fait, c'est pour ça que je suis évidemment très contente de le dire par rapport aux Oscars 2024 et de la liste de critères auxquels il faut correspondre pour être en compétition pour les longs-métrages. Et c'est pareil pour équipes techniques et équipes artistiques, c'est très important parce que sans ça, je suis désolé, mais ça ne changera pas.

Eva Roque Alors sans doute, vous avez vu "Tout simplement Noir", le film de Jean Pascal sorti en juillet au cinéma. Il est aussi l'auteur Jean-Pascal Zadi, d'une excellente web série que je vous recommande et qui est disponible sur france.tv et qui s'appelle Craignos. 

"Une personne blanche va dire la même chose qu'une personne racisée, mais ce sera beaucoup plus entendu"

Eva Roque Derrière l'humour, il se cache une vérité, en fait, ils utilisent les mots pour ça. 

Nadège Beausson-Diagne Moi, je trouve que ce qui est vraiment bien avec l'humour comme vecteur, c'est qu'on peut dire plein de choses. Et puis, les gens rigolent dans un premier temps. Et après ils font "attend mais qu'est ce qu'il vient de dire, au fait?". C'est très important parce qu'il y a une projection de ce que nous sommes en tant que personnes racisées qui ne sont pas ce que nous sommes. Et on le voit. Des études ont été faites, notamment sur la perception de l'homme noir, l'agressivité potentielle, etc. Nous, les femmes, c'est plus qu'on est hyper sexuel, et du coup, notre parole, elle a du mal à être entendue. Et on le voit bien puisque quand une personne blanche va dire la même chose qu'une personne racisée, mais ce sera beaucoup plus entendu. Donc, l'humour permet ça.

Margaux Baralon L'humour permet ça. Mais est ce qu'on ne manque pas aussi en France, justement, de fictions très fortes, politiquement engagé sur un registre peut être plus dramatique quand on pense aux Etats-Unis, ils ont des séries comme "Seven Seconds" ou "Dans leurs regards", qui sont deux séries Netflix sur les violences policières faites aux Noirs. Ces séries, on ne rigole pas quoi. C'est extrêmement engagé. Est ce que ça ne manque pas dans la production française ? 

Nadège Beausson-Diagne Je suis d'accord avec vous. Et puis c'est intéressant parce que finalement, les seules choses qu'on voit en France, quand il y a des personnes racisées, évidemment, c'est l'humour. Il y a le film “Les Misérables” qui est super, mais c'est une exception. Moi, j'ai vraiment envie qu'on soit sur autre chose. En fait, j'ai vraiment envie de raconter des choses.

Eva Roque On peut faire la transition avec ce que vous êtes en train de dire, vous devenez réalisatrice ! 

Nadège Beausson-Diagne Oui ! C'est une grosse blague par rapport à ça. Je suis une vieille actrice, mais une jeune réalisatrice. Et en fait, j'ai participé grâce à Laurence Lascaris, qui est productrice de "L'autre côté du périph", qui a produit notamment l'Ascension avec Ahmed Sylla. Elle a donc monté un concept, ça s'appelle "Dans mon hall". C'est un réalisateur ou une réalisatrice, qui va dans une cité des quartiers populaires. C'est en France métropolitaine, mais pas que. J'ai eu la chance d’y participer en Guadeloupe, donc j'en reviens là. Et donc, le concept, c'est que vous venez pendant trois jours, vous écoutez les habitants, les habitantes, puis vous allez pendant deux jours écrire les scénarii en fonction de ce qu'ils vous ont raconté. Et puis la semaine d'après, pendant quatre jours, vous travaillez avec eux et vous faites donc trois films en deux jours et demi, ce qui est une espèce de Koh-Lanta de la réalisation. C'est l'assistante de production qui a dit ça, je lui reprends ça. Et c'est exceptionnel parce qu'en fait, ça, pour moi, ça a tout le sens de mes engagements militants et artistiques et politiques, c'est-à-dire que vous venez à un endroit, chez des gens des quartiers populaires. On n'arrête pas de leur dire : "tu sors d'un quartier chaud, tu n'auras jamais rien de ta vie, tu seras dealer, tu seras je ne sais pas quoi, tu ne feras pas d'études, etc". Et on vient pour leur donner un autre regard sur eux-mêmes et aussi pour planter cette petite graine du chemin des possibles auxquels ils n'avaient même pas accès. Ils ne s'imaginaient pas, quand moi, je leur dis que, moi, j'habite à Créteil. Ma mère n'est pas dans le cinéma. Et ben voilà, je suis une femme et ça fait 25 ans que je fais ce métier. C'est exceptionnel. On est vraiment dans tout ce que j'aime de rendre concret, en fait, justement ce dont vous parliez de la représentation des personnes racisées et c'est vraiment exceptionnel. Et dans mes films, y a de l'humour, mais pas que.

Eva Roque Deux questions à la réalisatrice. Oui, première question est-ce que le fait d'être réalisatrice, ça vous met dans une autre position, c'est à dire que ça y est, vous êtes la patronne et au moins, les questions de choix par rapport à la race ou le sexe ne se posent pas. Deuxième question est-ce que vous faites attention, en tant que réalisatrice, à la parité ou à la représentation des uns et des autres, même dans l'équipe technique ? 

Nadège Beausson-Diagne Alors la première chose, c'est que moi, je me suis dit bon, comme je suis actrice, j'arrive nouvellement à la réalisation, je pensais que les réactions machistes que j'entendais étaient à cause de ça. Et comme je suis en mentorat avec des amies réalisatrices, elles m'ont fait non. Que nenni. C'est parce que tu es une femme. Donc, ta parole, on s'en fout. C'est-à-dire que j'arrive avec mes idées, etc. Mais il y avait tout le temps où le chef op ou le premier assistant qui prenait ma place et essayait de prendre ma place, c'était mal me connaître parce que j'avais fait le boulot. Donc, déjà, on se rend compte que même si ce sont vos idées, vos cadres, l'idée de lumière que vous avez, et bien, on vous ramène, donc ça, c'est le patriarcat, toujours ce truc de la femme, donc tu es inférieur. Ça, c'est la première chose et l'autre chose. Moi, j'ai veillé, évidemment, quand j'ai écrit. J'ai veillé déjà à ce qui est le plus de gens possible, mais vraiment par le fait que ce soit des habitants, des habitantes. J'avais envie que toutes les générations plus soient représentées. Mais j'ai fait attention à la parité. Vraiment, je me suis dit Ah ouais ? Après, j'ai fait attention il faut pas non plus que par défaut il y ait trop d'héroïnes donc vraiment dans mes films il y a autant d'hommes que de femmes et de tous les âges. Et dans l'équipe technique, comme j'étais en Guadeloupe, je ne connaissais pas tout le monde, etc. Mais quand même, là, je suis en train de chercher. J'ai rencontré une femme, je pense qui va faire le mixage. J'étais tellement contente. C'est important parce que quand on a l'éveil de ces questions-là, on a une responsabilité aussi, moi, je suis dans le collectif 50/50 aussi. Ce sont des femmes réalisatrices qui ont initié ça pour notamment dénoncer le manque de parité dans les fictions, dans les représentations, dans les instituts, dans les instances, etc. Et puis elles travaillent aussi aux questions qui me sont chères à moi des problèmes sur les violences sexuelles, sur les tournages, la diversité. Voilà donc, c'est vraiment un collectif, vraiment très, très intéressant, très fort, et qui a réussi à faire que dans les festivals, maintenant, il y a une charte et que si on ne correspond pas à cette charte, on a moins d'argent. Voilà donc on peut faire des choses.

Eva Roque Nadège beausson-Diagne il y a une image qui est apparue devant vous et derrière vous. Séries disponibles sur OCS qui s'appelle Insecure qui est portée par une femme absolument lumineuse qui s'appelle Issa Rae. Donc, a priori, vous la connaissez. Je vous propose un petit extrait. Elle est avec ses copines et ça parle sexe. 

Eva Roque J'ai envie de vous demander, et le sexe dans tout ça ? Est ce que les couples mixtes, par exemple, ne sont pas trop rares à la télé et dans les séries ? 

Nadège Beausson-Diagne Mais c'est toujours cette histoire de prisme qui raconte, qui va décider de mettre des acteurs ou pas. Qu'est-ce qu'on a envie de raconter. Évidemment que je trouve qu'on est encore vraiment frileux. Et puis à chaque fois, c'est surtout qu'il faut justifier quoi. C'est-à-dire que moi, mon mari est blanc arménien. Mais en fait, je m'en fous. Je veux dire, je l'aime lui-même. Donc, en fait, c'est vraiment ce sur quoi, il faut lutter. De toujours, toujours, toujours, toujours se dire pourquoi pas ? De même qu'à la base, quand il y a un rôle, il n'y a pas d'incidence, si c'est une femme. Ben après l'étape d'après, c'est, ça n'a pas d'incidence pourquoi ce n'est pas une personne racisée ?

"Vous avez vu cette Une exceptionnelle avec Adèle Haenel et Aïssa Maïga de Libération ? Ça change les choses."

Eva Roque A quel moment vous allez pouvoir vous dire ça y est ça va mieux, on est sur le bon chemin ? Ou on y est arrivé? 

Nadège Beausson-Diagne J'aimerais bien vous le dire demain, mais je crains que ce soit après demain. Écoutez, je ne sais pas. Je trouve que ça bouge, ça bouge. Et puis surtout, on est en train de faire des alliances. Je ne peux pas tout dire, mais on est en train de faire des alliances avec des gens et des personnes blanches éveillées, intelligentes. Parce que ce n'est pas un problème de noirs, c'est un problème d'humain. Et quand on aura compris ça, on aura déjà avancé. Parce que, vous voyez, vous m'avez inviter ici pour parler de ça. C'est formidable. C'est ce qu'on appelle les alliés et nous avons besoin d'alliés. Et voilà avec Aïssa Maïga, je parle beaucoup parce que je l'aime énormément. On a des alliés, on a des gens très intelligents. Vous avez vu cette Une exceptionnelle avec Adèle Haenel et Aïssa Maïga de Libération ? Ça change les choses. Elles sont en train de changer parce que les luttes, elles sont transversales. Et quand on aura compris ça, on va avancer beaucoup plus vite. C'est le féminisme intersectionnel dont on fait partie.

Eva Roque Mais peut être que une fois que vous n'aurez plus d'alliés, ça voudra dire que tout va bien. Vous n'aurez plus besoin de nous. 

Nadège Beausson-Diagne Je ne suis pas sûr que ce soit tout de suite....

Eva Roque Margaux, vous êtes optimiste aussi ? 

Margaux Baralon Oui, ça dépend des jours, mais là, aujourd'hui, après cet entretien, très. 

Eva Roque Margaux, est ce que vous avez un conseil d'une série où la communauté noire et représentée qui vous a plu ou que vous avez envie de conseiller ? 

Margaux Baralon Eh bien, moi, j'ai beaucoup aimé la série Little Fires Everywhere, qui est sur Amazon Prime Vidéo, où on n'a pas du tout l'impression que ça va parler justement de questions raciales. Et en fait si. Ça sous-tend vraiment la série et c'est amené de manière très fine, c'est vraiment très intéressant. 

Eva Roque Oui, c'est sur Amazon Prime Vidéo, avec Reese Witherspoon, c'est très très bien !

Nadège Beausson-Diagne Moi, j'en ai une aussi. J'adore Michaela Coel, qui est juste exceptionnel. Si vous n'avez pas vu "I may destroy you" sur OCS. Vraiment, il faut voir cette série qui, en plus, parle d'une manière vraiment très, très intelligente et très réfléchie et très subtile de ce qu'est l'après viol, du rapport au corps, de l'amnésie traumatique donc vraiment je vous conseille de regarder cette série, elle est incroyable. 

Eva Roque Je valide à 1000% je pense que c'est mon coup de cœur série de l'année, vraiment. Merci beaucoup. Merci infiniment Nadège Beausson-Diagne pour votre franchise et vos mots. On attend de découvrir, vos premiers films. Il y en aura trois. Je sais qu'il y a des projets aussi en télé et on va continuer à vous suivre. Et puis à vous qui nous écoutez, je vous encourage à lire "Noire n'est pas mon métier". C'est aux Éditions du Seuil. Et puis autre lecture extrêmement intéressante "La question raciale dans les séries américaines", c'est aux Éditions Sciences Po les presses signée Olivier Estèves et Sébastien Lefait. 

 

"SERIELAND" est un podcast Europe 1 studio

Autrice et présentation : Eva Roque
Chronique : Margaux Baralon
Réalisation : Christophe Pierrot
Cheffe de projet édito : Adèle Ponticelli
Diffusion et édition : Clémence Olivier, Magalie Butault et Tristan Barraux
Graphisme : Karelle Villais
Direction d'Europe 1 Studio : Olivier Lendresse