Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.
Didier François remplace Vincent Hervouet du jeudi 1er novembre au vendredi 2 novembre 2018.
C’est aujourd’hui la journée de tous les dangers au Pakistan, les partis islamistes appellent à multiplier les manifestations pour protester contre une décision très inhabituelle de la Cour suprême, l’acquittement pur et simple d’une chrétienne injustement accusée de blasphème.
Condamnée à mort pour ce crime imaginaire il y a maintenant neuf ans, Asia Bibi, une paysanne très pauvre comme la majorité des chrétiens pakistanais travaille aux champs avec ses filles sous un soleil torride. Elle réclame un verre d’eau à deux autres paysannes qui triment à ses côtés mais elles sont musulmanes et refusent de lui servir à boire au prétexte qu’Asia est une infidèle. Le ton monte et l’affaire s’envenime quand les deux musulmanes plaignent à un imam local qui accuse alors Asia Bibi d’avoir insulté le Prophète. Une accusation extrêmement sérieuse au Pakistan où l’Islam est religion d’État et où sévit une loi particulièrement redoutable contre le blasphème. La section 295C du code pénal permet de vous condamner sans la moindre preuve puisqu’il suffit d’être accusé "d’insinuation directe ou indirecte" pour être reconnu coupable et risquer la peine capitale.
Est-ce cette loi que les islamistes défendent bec et ongles ?
Oui et ils appellent à des rassemblements aujourd’hui devant toutes les mosquées du pays à l’issue de la grande prière du vendredi, ce qui peut vite dégénérer. Il faut quand même savoir que deux dirigeants pakistanais ont déjà été assassinées dans cette affaire parce qu’ils s’étaient prononcés pour la libération d’Asia Bibi. Le ministre des Minorités et le gouverneur du Penjab, abattu par son propre garde du corps.
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Aujourd’hui, ce sont les juges de la Cour suprême qui ont prononcé l’acquittement et l’avocat qui sont sérieusement menacés de mort. Au point que le Premier ministre est intervenu hier en personne à la télévision pour prévenir les fanatiques religieux que cette fois "l’État prendrait toutes ses responsabilités" en cas de débordements. Ce ne sont que des mots mais Asia Bibi, même libérée, ne pourra plus vivre dans son pays où elle risque à tout moment le lynchage tant que la loi sur le blasphème restera en vigueur. Tout cela est vrai mais c’est également la première fois que le chef du gouvernement du Pakistan s’oppose aussi clairement et publiquement aux islamistes sur la question du blasphème, ce qui est suffisamment courageux pour être tout de même noté.