En encourageant la peine de mort pour les trafiquants de drogue, Donald Trump s'inspire-t-il de la politique du président philippin, qui a déjà fait des milliers de morts ?
Donald Trump veut encourager la peine de mort contre les trafiquants de drogue. Or, la peine de mort dépend de chaque État, pas du Président. C’est le genre de déclaration provocante qui suscite des réactions stupides. A croire qu’elle est faite pour cela.
Des milliers de morts aux Philippines
Il y a ceux qui pensent que le président américain a fumé la moquette épaisse et crémeuse du bureau ovale. Ceux qui disent que les dealers seront exécutés par injection, forcément. Et ceux qui s’imaginent déjà au far-west, comme aux Philippines, où l’invraisemblable président Duterte a déclaré la guerre aux trafiquants de drogue, applaudissant à leur exécution sommaire. Il s’était vanté que les morgues seraient pleines et qu’il fournirait les cadavres. Promesse tenue : au moins 8.000 morts, dont bon nombre d’exécutions extra-judiciaires.
Le week-end dernier, Rodrigo Duterte a annoncé que les Philippines se retiraient de la Cour Pénale internationale. Le forcené est prudent. Quand on prétend qu’on serait heureux de massacrer trois millions de toxicomanes et qu’il y a un début de passage à l’acte, on risque de se retrouver un jour à La Haye à rendre compte de crimes contre l’humanité. D'un autre côté, on écoute les cris d’indignation du raffiné Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme de l’Onu, un prince jordanien - le roi des bobos, qui donne des leçons à la terre entière depuis son bureau de Genève - et on se dit qu’en Suisse, ils manquent peut-être de vision stratégique.
L'argent de la drogue et l'économie mondiale
L’agent de l’ONU a toujours assez de courage pour supporter la souffrance des drogués. Mais il se moque aussi de la montée en puissance des mafias qui font moins de bruit que les vociférations d’un satrape sous les palmiers.
L’argent de la drogue dope l’économie internationale, 350 milliards de dollars, évaluation à la louche, 15 % du PNB mondial, une paille… et pas dans le nez. Cet argent sale peut tout corrompre. Acheter des banques, des gouvernements, payer des guerres. Il y a de quoi autrement inquiéter les exécutifs que le djihad mondial. Regardez le Mexique. C’était la plateforme de distribution de la cocaïne. Sept cartels se partageaient le filon. Puis, le marché a explosé, les mafias se sont atomisées. Des dizaines de milliers de morts plus tard, le Mexique est devenu le hub de toutes les drogues. Il fabrique, distribue, exporte. D'ailleurs, si c'était votre voisin, vous penseriez à monter un mur.
La drogue, un fléau mortel aux Etats-Unis
En novembre, Donald Trump a décrété l’urgence sanitaire. Pour la première fois, en 2015, l’espérance de vie a reculé aux États Unis. Et en 2016, un peu plus encore. En cause ? Les overdoses. On s’indigne ici des fusillades. Mais la drogue tue infiniment plus que les armes à feu aux États-Unis. 8.000 morts en 1980. 20.000 en l’an 2000. 40.000 en 2010. On en est à 70.000. Pardon pour tous ces chiffres, mais l’épidémie est causée par les drogues de synthèse, les analgésiques cent fois plus puissants que la morphine qu’on trouve sur Internet ou chez les pharmaciens complaisants.
Donald Trump n’a pas encore proposé de piquer les pharmaciens. Il réclame la peine de mort pour les trafiquants qui ont des millions de morts sur la conscience. L’outrance est évidente. Son impuissance aussi. Dans le foutoir qu’est la Maison-Blanche, il n’a même pas réussi à nommer le chef de l’office pour la politique nationale de lutte contre la drogue, qui est rattaché au Bureau exécutif du Président. Mais au moins, Trump sonne le tocsin, quand Obama restait prudent et concentrait ses efforts sur le remboursement du traitement des toxicomanes.