Le réchauffement climatique relance la guerre froide : les États-Unis ont décidé de recréer la 2e flotte qui patrouillera dès le 1er juillet dans l'Atlantique nord

3:43
  • Copié

Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.

Didier François remplace Vincent Hervouet ce lundi 14 mai 2018.

La fonte des glaces en Arctique n’a pas pour seule conséquence l’extinction des ours polaires, le réchauffement climatique relance également la guerre froide.

Décision inattendue de la marine américaine de ressusciter sa seconde flotte militaire.

Une escadre complète avec ses porte-avions, ses frégates et ses sous-marins qui sera basée à Norfolk, sur la côte est des États-Unis, et dont la mission principale sera de patrouiller l’ensemble des mers de l’Atlantique nord avec une attention toute particulière pour les abords de l’Arctique : Le détroit de Davis, la mer de Barents ou les îles Féroé.

N’était-ce pas le terrain de chasse favori des équipages de sous-marins soviétiques et américains au temps de la guerre froide ?

Exactement ! Tous les amateurs du film Octobre Rouge s’en souviennent, c’est dans ces eaux glaciales (au fond des canyons sous-marins entre les dorsales de Reykjanes et la faille d’Alfagja) que, pendant des décennies, les marines de l’Otan et celles du Pacte de Varsovie se sont livrées une lutte sans merci. Un épisode qui avait pris fin, faute de combattants, après la chute de l’Union soviétique. Et donc la dissolution de la 2nd flotte de l’US Navy pour économies budgétaires c’était en 2011. 

Qu’est-ce qui justifie ce remake de la guerre froide ?

C’est le réchauffement climatique, enfin partiellement le réchauffement climatique. La fonte accélérée des glaces dans l’Arctique a deux conséquences. L’une immédiate c’est qu’il est désormais possible d’exploiter à des coûts tout à fait compétitifs des gisements de matière première qui étaient jusqu’à présent inaccessibles. On parle là de filons considérables en or, en argent, en zinc ou en diamant. Sans parler du pétrole qui représente 13% des ressources mondiales et du gaz pour lequel on monte à 30% des réserves estimées. Ça aiguise beaucoup d’appétits. L’autre conséquence de la fonte des glaces c’est la disparition de la banquise et l’ouverture d’une nouvelle route maritime, beaucoup plus directe, entre la Chine et l’Europe. Là encore, les enjeux stratégiques sont énormes.

Il est vrai que depuis 2007 quand il avait planté un drapeau russe en titane sur le pôle nord, Vladimir Poutine n’a jamais caché ses ambitions en Arctique.

Et surtout, il s’est doté des moyens de ses ambitions. Il y a eu la création de deux brigades d’infanterie polaire composées de 6.000 hommes, ce qui reste assez symbolique pour un territoire d’un million de kilomètres carré, mais également la réouverture d’anciennes bases soviétiques. La semaine dernière, à Mourmansk, les Russes ont mis à l’eau la première centrale nucléaire flottante. Deux réacteurs de 35 mégawatts chacun qui vont être remorqués jusqu’en Arctique pour alimenter en électricité des installations permanentes sur la banquise, des stations scientifiques, des sites d’extraction miniers et des installations militaires. En plus, ce qui n’est pas du tout symbolique, c’est la mise en service de 13 nouveaux sous-marins depuis 2014. Des modèles ultra-modernes qui, en 2016, ont passé plus de 3.000 jours en mer, ce qui correspond exactement au taux d’activité de la marine soviétique au plus fort de la guerre froide. On le voit bien, la militarisation de l’Arctique est donc en court, à bas bruit certes mais elle n’en est pas moins réelle.

Les Russes ne sont évidemment pas les seuls à s’intéresser à ce futur Eldorado polaire ?

Non bien sûr, les Canadiens ont également lancé un plan Arctique particulièrement dans la zone de Terre-Neuve. La Norvège et le Danemark ont également des stratégies très actives dans la région du Groenland et de l’Islande. Mais, comme à l’époque de la guerre froide, l’Otan a même recréé un commandement spécifique en novembre 2017 pour contrôler les routes maritimes du nord. Il était donc assez logique que les États-Unis entrent à leur tour dans la danse avec la recréation de cette seconde flotte qui devrait être opérationnelle au 1er juillet prochain.