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Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.

Deux footballeurs allemands, d’origine turque, aux côtés du Président Erdogan en campagne électorale. Les photos font scandale en Allemagne… Et le débat sur la double nationalité rebondit.
Les photos font scandale, à juste titre : elles sont nulles. Une lumière pisseuse, des clichés de débutant. En plus, le Président Erdogan a une cravate toute fripée qu’a dû lui offrir François Hollande. En prime, Recep tayip Erdogan tire la tête d’enterrement d’un paranoïaque qui découvre un nouveau complot. Le week-end dernier, il a encore fait arrêter 150 militaires qu’on soupçonne d’avoir fricoté avec le prédicateur Fetulah Gulen, le fantômas en exil.
Erdogan a l’air d’avoir mangé du clown alors qu’il adore le foot. Quand il était jeune, il a même joué mais il ne s’est pas acharné, peut-être parce qu’il déteste perdre. Devenu maire d’Istanbul, il rêvait de diriger son club, le Galatasaraï. Mais ce tifosi tient le maillot qu’on vient de lui offrir comme si c’était une serpillière.
À côté du grand homme mélancolique, les deux footballeurs semblent aux anges.
Il y a des sportifs qui adorent les dictateurs, on pourrait faire tout un diaporama. Ilkay Gündogan et Mezut Ozil sont contents de s’enrôler dans la campagne électorale du Président. Le parti islamiste au pouvoir a diffusé largement les clichés. Chacun des joueurs a apporté son maillot en cadeau. Sur celui du Manchester City, Gundogan a écrit : "Pour mon président, avec respect".
Ce n’est pas la photo moche, c’est la légende qui fait scandale outre-rhin.
Pourquoi ?
Parce que les deux joueurs sont nés dans la Ruhr, pas au bord de la Mer noire. Au cœur de l’Europe, pas en Asie centrale. Ils sont Allemands, même s’ils gardent la nationalité de leurs parents.
Leur Président n’est pas Erdogan mais Frank-Walter Steinmeier et c’est le contraire. C’est une autorité c’est à dire qu’il n’a aucun pouvoir. Sa fonction est honorifique. À la tête de l’Allemagne, il vaut mieux faire honneur qu’horreur.
Alors qu’en Turquie, l’élection dans un mois va précipiter le passage au régime présidentiel. Recept Tayip Erdogan sera omnipotent.
En se laissant enrôler dans cette campagne, les deux footballeurs ont tourné le dos à leur patrie allemande.
Depuis quand la double nationalité pose problème ?  
Au printemps dernier, les Allemands ont découvert stupéfaits que leurs voisins avaient voté massivement pour le renforcement des pouvoirs du président turc. Difficile ensuite, de croire qu’on partage les mêmes valeurs démocratiques.
Le joueur qui respecte tant Erdogan est le même qui refuse de chanter l’hymne allemand avant le match. Il prétend qu’il se concentre. On y voit surtout du ressentiment. Le pire des sentiments.
C’est un peu comme pour les 100 imans algériens qui ont débarqué en France pour aider aux prières du Ramadan à partir de ce soir. C’est fascinant de penser que la France invoque sans cesse un islam à la française mais qu’elle fait appel pour le prêcher à des religieux d’un pays qui cultive son ressentiment contre l’ancienne puissance coloniale. L’Algérie qui a subi une guerre civile qui a fait 200 000 morts, largement à cause de prédicateurs étrangers qui ont importé un islam.