Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.
Les propositions d’Emmanuel Macron pour relancer l’Union européenne. Grand discours devant les étudiants hier à la Sorbonne.
C’était un grand discours : il a duré deux fois plus longtemps que prévu. Au premier rang de l’assistance, Murielle de Sarnez qui n’a pas été un grand ministre, elle n’est restée qu’un mois aux Affaires Européennes. Elle a fait encore plus court en tweetant : "le Président est au rendez-vous de l’histoire".
Il a de grandes ambitions, il veut "refonder l’Europe". Et il a des propositions concrètes…
Dans un rendez-vous, l’important, c’est le lieu et l’heure.
Donc, le grand amphithéâtre de la Sorbonne. C’est un écrin solennel et vieillot. L’immense fresque de Puvis de Chavannes qui le décore est pompier en diable. Ce style a déteint sur le discours présidentiel. Emmanuel Macron n’a pas lésiné sur le lyrisme académique pour dessiner une Europe exaltante comme une nouvelle frontière. Il a fait un catalogue de propositions sur dix ans, dont certaines existent déjà et d’autres n’existeront jamais. (Il y en a d’ailleurs qui font les deux à la fois comme la Défense avec la Force commune d’intervention européenne. Elle existe sur le papier, c’est la Force d’Action Rapide de 60 000 hommes mise sur pied en 1999, après la Yougoslavie. On ne l’a jamais vue et pour cause. L’armée européenne est restée une illusion parce que les Européens ont l’Otan, et qu’à tout prendre, ils préfèrent encore un commandement américain plutôt qu’un général allemand. Ils sont rancuniers. Y a qu’à mettre un Français… Non, nos voisins sont comme le président Macron, ils se méfient des chefs d’état-major français.
Qu’importe, le Président a lancé ses idées comme on claironne. Un défi lancé à nos voisins. Il a parlé huit fois de la souveraineté, il a piqué le mot aux souverainistes : c’est l’Europe comme une France en plus grand et en mieux. C’est l’utopie flatteuse qu’il veut incarner.
Le lieu et l’heure… Pourquoi faire ce discours maintenant ?
Après le séisme électoral en Allemagne, Angela Merkel n’a plus la tête à écouter Emmanuel Macron soutenir sa thèse européenne en Sorbonne. Ses futurs alliés libéraux encore moins. Le budget de la zone euro, avec ministre et parlement, les Français peuvent bien y penser, mais c’est pas pour demain. L’Elysée n’a guère d’influence sur les palabres en cours. Le moteur franco-allemand est démonté et on ne sait pas s’il sera électrique, hybride ou diesel. C’est pour cela que le Président peut vanter à tous un grand programme, le détailler, s’y exalter plutôt que négocier pied à pied avec la chancellerie.
Au premier rang de l’amphithéâtre, il y avait hier un Allemand qui l’applaudissait. Daniel Cohn Bendit de retour à la Sorbonne, sur les lieux de ses hauts faits. Cinquante ans après mai 68. On peut dire qu’il a gagné : l’imagination est au pouvoir !