Le dépouillement pour la présidentielle égyptienne se poursuit, mais la partie est déjà gagné pour le maréchal Sissi.
Dépouillons-nous de toutes illusions. Le dépouillement du vote pour l'élection présidentielle en Egypte n'est pas terminé, mais le maréchal Sissi restera président. La dernière fois, il avait obtenu 96,9% des voix. Les maréchaux aiment les victoires aussi larges que des boulevards extérieurs. Cette année, Abdel Fattah al Sissi espère même pouvoir faire mieux. Ses rivaux, - les grincheux, les jaloux, les libéraux qui s’impatientent, les islamistes qui redressent la tête -, ont tous été mis hors de combat. Le général Anan, ancien chef d’Etat-Major a été jeté en prison. Un colonel aussi. En voilà deux, qui ne seront jamais maréchaux !
Une farce électorale. Le président Sissi est surnommé "maréchal non non !" Il a récusé l’ancien Premier ministre Ahmed Chafik, neveu d'Anouar el-Sadate et des avocats, tous intimidés. Comme il fallait bien un challenger, un partisan du maréchal a dit "nous voilà !". Moussa Mustapha Moussa a ainsi fait campagne en vantant le bilan de son adversaire. Une vraie danse du ventre. Le résultat du plébiscite est prévu mardi prochain. Pour cette farce, il aurait été mieux valu la veille, le 1er avril.
Les chiffres de la participation sont attendus dans la journée. Essentielles pour légitimer le pouvoir, ils expliquent la raison pour laquelle le scrutin a été étiré sur trois jours, et prolongé encore d’une heure mercredi soir. Le conseil électoral a promis aux abstentionnistes de lourdes amendes. Le maréchal lui-même a menacé ceux qui lançaient des appels au boycott.
Un précédent démocratique qui a tourné court. Malgré tout, les conditions de ce scrutin ont suscité moins d’indignation que la réélection de Vladimir Poutine, il y a dix jours. La première raison est qu’en 5.000 ans, les Égyptiens ont eu une seule fois l'occasion d'élire démocratiquement leur pharaon, en 2012. Ils ont choisi un Frère musulman, Mohamed Morsi qui a commencé à mettre en place une république islamique. Un an après, douze à vingt millions d’Égyptiens descendaient dans les rues, et l'armée n'avait plus qu'à ramasser le pouvoir dans le caniveau. Elle n’est pas prête de le rendre et les Égyptiens ne sont pas prêts de recommencer.
Un verrou que l'Occident veut préserver. Pourtant, le président Sissi les a déçus. La prospérité promise se fait attendre. La sécurité aussi. Le pays s’enfonce dans la guerre aux terroristes : en ville où les Coptes sont les cibles d’attentats, dans le Sinaï, où l’Etat Islamique s’enracine, et aussi aux confins de la Libye. L’Egypte est désormais en première ligne, car si le chaos du Moyen Orient gagne le plus grand pays arabe, le djihadisme se répandra en Afrique et le verrou entre l’Europe et l’Asie sautera. Raison pour laquelle Israël soutient Sissi, de même que les Etats-Unis et l’Arabie saoudite.