L'Insee publie ce matin une étude assez alarmiste sur les ventes de livres et de journaux. On le sait l'édition traverse une periode de crise, mais ce que montre l'étude, c'est que les Français lisent de moins en moins. Plus inquiétant encore, ceux qui fuient les marchands de journaux et les librairies sont les jeunes générations. C'est donc une crise profonde.
On est loin d'un problème lié au ralentissement économique de ces derniers mois. La tendance est lourde, selon l'Insee. Depuis 1970, la part de l'achat de journaux ou de livres n'a cessé de baisser dans le budget des familles et le mouvement s'est encore accelléré depuis 1990. Qui plus est, il n'y a aucune raison d'espérer que le mouvement s'inverse, car on constate que les nouvelles générations délaissent massivement la lecture. Cela a des conséquences sociales, si l'on en croit un rapport que vient de publier l'Éducation nationale. Selon le ministère, un jeune de moins de 24 ans sur 5, en France, lit mal ou ne comprend pas ce qu'il lit. Cela pose également un problème économique bien sûr. Les ménages dépensent actuellement moins de 1% de leur budget dans l'achat de journaux et de magazines et moins de 0,5% pour des livres. Bien entendu, il y a de fortes disparités régionales et sociales. On apprend dans l'enquête de l'Insee, que les agriculteurs et les cadres achètent beaucoup plus de livres et de journaux que la moyenne. Les femmes achètent 15% de livres de plus que les hommes et on lit beaucoup plus dans l'Ouest et le Sud-Ouest que dans le Nord et autour de la méditerranée.
Pourtant, il y a toujours des best sellers et l'on dit que les Français sont traditionnellement de gros lecteurs.
Ce qui se passe, c'est que le gâteau littéraire n'a pas grossi, mais de plus en plus d'acteurs sont autour de la table. Il y a une inflation incroyable du nombre livres. Quelques gros vendeurs cachent la forêt, deviennent des phénomènes de ventes au point d'éclipser les autres et de ne leur laisser que des miettes. Preuve que le livre est en crise, les maisons d'édition prennent de moins en moins de risques pour cette rentrée littéraire. Le nombre de sorties, en septembre, sera en baisse par rapport à l'année dernière : 659 romans, soit une vingtaine de moins qu'il y a un an, mais surtout beaucoup moins de premiers romans. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas le prix qui freine les Français car le coût d'un roman a suivi l'inflation au cours des 30 dernières années. C'est plutôt que la culture n'est plus considérée comme un achat prioritaire et, avec l'extension d'Internet, elle est de plus en plus perçue comme un bien qui doit être accessible voire gratuit. Les années 90/2000, ce sont les années du boom des nouvelles technologies et du développement des journaux gratuits en France.
C'est donc le modèle économique de la presse qui est remis en cause.
Et, malheureusement pour elle, la presse n'a pas trouvé de relais de croissance, c'est bien son drame. Or, tous les grands groupes de médias et de publicité ont publié leurs résultats ces derniers jours, et pas un seul ne sait de quoi seront faits les prochains mois. Aucune visibilité sur la fin 2009 et le flou sur 2010. Les achats d'espaces publicitaires ont chuté de 3,2% depuis le début de l'année, selon TNS Media Intelligence. Pourtant, il semble y avoir quelques frémissements en juin où les investissements publicitaires étaient en hausse de 2,4%. Reste à savoir si ce sera durable.
Un secteur échappe à priori au marasme : Internet.
Les sites voient leurs recettes publicitaires progresser de 8% depuis le début de l'année. C'est ce qui explique la guerre de position que se lancent les géants du secteur. Microsoft et Yahoo se sont associés dans les moteurs de recherche pour concurrencer Google qui détient les 2/3 du marché. Google qui chamboule aussi le monde de l'édition. Le groupe est associé à Sony pour essayer de faire enfin décoller le monde du livre numérique, ce mini-ordinateur sur lequel on peut lire un roman ou feuilleter le journal. Pour l'instant, il y a un acteur, Amazon avec son e-book baptisé "Kindle" et un marché : les États-Unis. Mais Sony va sortir un modèle à moins de 200 $, beaucoup moins cher qu'Amazon. Il dispose déjà d'un million d'ouvrages disponibles gratuitement car tombés dans le domaine public. On pourra aussi télécharger les derniers best sellers pour moins de 10 dollars. Pour l'instant, les éditeurs voient ce qu'ils risquent de perdre en chiffre d'affaires. Mais, finalement, si l'avenir était là ? Si ces livres électroniques étaient capables de séduire les jeunes générations qui avaient délaissé les bibliothèques et les librairies ? En tout cas, confirmation de cette chute de la lecture, l'année dernière, les ventes de la presse grand public avaient encore reculé de 2%.