Est-ce la fin du secret bancaire suisse ? La banque UBS a trouvé un accord avec le Fisc américain : pour éviter une amende et un procès, elle accepte de donner les coordonnées de plus de 4.000 clients soupçonnés d'évasion fiscale. La fin d'une époque ?
C'est ce qu'on appelle un "gentleman agreement". Tout le monde ressort de cet accord avec le sourire, conscient de sortir d'un bras de fer terrible qui a duré plus d'un an en ayant sauvé l'essentiel. UBS va livrer les noms de 4450 clients qui ont bénéficié de ses conseils pour cacher de l'argent dans des paradis fiscaux. La principale banque suisse évite ainsi un procès exécrable pour son image de marque dans un pays, les Etats-Unis, où elle emploie autant de personne qu'en Suisse et où elle gère plus d'un tiers de ses 2.183 milliards de Francs suisses d'actifs. UBS va aussi pouvoir se concentrer sur son avenir puisqu'elle ne paiera pas non plus d'amende supplémentaire. Elle a soldé, hier, le dernier dossier explosif et va s'attaquer à l'autre problème : les 30 milliards de Francs Suisse qu'elle a perdu en un an puisqu'UBS a aussi été l'une des banques européennes les plus touchées par les subprimes. Depuis le début de la crise financière en 2007, son cours de bourse a été divisé par 4 ! UBS n'avait ni le temps, ni l'argent de s'arc-bouter sur son sacrosaint "secret bancaire". Le Fisc américain le savait et avait accentué sa pression. On était passé du marivaudage poli à l'ultimatum avec la menace d'un procès en septembre, en Floride.
Car la vraie victoire est pour le Fisc américain !
Et c'est sans doute ce qui fait que ce secret bancaire a vécu. Car le Fisc américain n'a pas fait qu'obtenir 4450 noms, hier. D'ailleurs, elle n'en poursuivra sans doute que quelques centaines même si on nous laisse entrevoir un magot possible de 18 milliards de dollars. Non, le plus important, c'est que cet accord a été signé avec l'Etat Suisse lui-même ! Le Fisc américain va ainsi discrètement mettre le nez dans les pratiques secrètes des banquiers suisses, comprendre les mécanismes, obtenir le même type de coopération (sans doute moins médiatisé !) avec d'autres établissements. En d'autres termes, il y a bien longtemps que les riches ne passaient plus la frontière avec leurs valises de billets, la mondialisation et l'informatisation de la Finance avait rendu l'évasion possible en 3 clicks de souris. Aujourd'hui, les candidats à la fraude fiscale ont perdu leur paratonnerre. Ils savent depuis hier qu'ils ne sont plus protégés. Cela risque d'ailleurs de peser maintenant sur l'activité de toutes les banques suisses.
La fragilité des paradis fiscaux est-elle un des effets positifs de la crise ?
C'est un des effets positifs de la montée en puissance des Etats depuis le début de la crise. On se montre toujours très critique à l'égard des politiques sur leur capacité à mettre la pression sur les banquiers, à réglementer les bonus. On a quand même la démonstration depuis janvier que les choses ont bougé là où l'on pensait que tout resterait à jamais figé. Les pays comme le Luxembourg, la Suisse ont été obligés (sous la pression politique et populaire) d'annoncer des assouplissements sur le secret fiscal pour ne pas se retrouver sur une liste noire. La France a ouvert une cellule où les évadés peuvent discrètement venir se dénoncer en échange d'une clémence de l'Etat. Aujourd'hui, UBS plie face à la menace. Les banques ont des comptes à rendre aux Etats qui les ont sauvés. Mais plus important encore, les Etats ont des comptes à rendre vis à vis de leurs opinions publiques. C'est peut-être ça qui fera du sommet du G20, fin septembre, un nouveau tournant. Et si les politiques arrivaient à encadrer les bonus après avoir forcé la serrure des coffres dans les paradis fiscaux ?