Bonjour Catherine, à 17h ce soir, Bertrand Delanoë remettra au Dalaï-lama le titre de "citoyen d'honneur de la ville de Paris" et la cérémonie devrait être plutôt discrète.
Bertrand Delanoë recevra le Dalaï-lama dans son bureau, qui est vaste, certes, mais non dans un des salons normalement prévus pour les réceptions en grandes pompes. La Presse a été conviée à la cérémonie mais les politiques y viendront-ils en nombre ? On ne pourra y voir en tout cas ni les UMP, ni les communistes du conseil de Paris qui ont décliné l'invitation. Pour les premiers, les raisons politiques sont évidentes : surtout pas de provocation ! Ils ne veulent pas raviver les tensions avec les Chinois, nuire aux interêts des entreprises françaises et risquer un boycott des produits made in France ou des annulations de commande comme il y en a eu ces derniers mois. Nicolas Sarkozy, qui a fait savoir au maire qu'il n'appréciait pas cette diplomatie parallèle a, en effet, eu beaucoup de mal à se rabibocher avec les Chinois pour avoir rencontré le Dalaï-lama en décembre en Pologne.
Il y a quelques jours, le Quai d'Orsay conseillait à Bertrand Delanoë de ne pas interférer dans les affaires intérieures chinoises. Alors évidemment, on peut juger les oukazes chinois insupportables, et l'Elysée est bien peu téméraire face au géant chinois mais disons les choses telles qu'elles sont, il est plus facile de résister et d'exposer sa belle âme quand la responsabilité d'un pays.
Bertrand Delanoë l'a dit, il veut saluer la personne du Dalaï-lama, combattant de la paix, et assurer de son soutien le peuple du Tibet qui cherche à défendre le plus élémentaire de ses droits.
Oui, bien sûr, le sort des Tibétains a toujours suscité en France une grande émotion, et voilà pourquoi certains ont reproché à Bertrand Delanoë de choisir de décorer le Dalaï-lama à un moment où il croyait en ses chances de devenir le patron du PS.
Devenir "citoyen de Paris", de toutes façons, c'est une distinction symbolique ?
Absolument ! Elle n'a aucune valeur juridique, mais tout Conseil municipal peut faire adopter ce genre de voeu. Dans le passé, Marie Curie et Pablo Picasso avaient, eux aussi, été faits citoyens de la Ville de Paris. En 18 ans de règne parisien, Jacques Chirac n'a jamais décerné ce titre alors que Bertrand Delanoë en use et en abuserait presque puisqu'il y en a eu neuf en 8 ans :
Ingrid Bétancourt, évidemment, dont le portrait fut accroché sur le parvis de la Mairie jusqu'à sa libération, la birmane Aung San Suu Kyi, la bangladaise Taslima Nasreen, et récemment, c'était Gilad Shalit, jeune soldat franco-israélien détenu par le Hamas depuis presque 3 ans, des personnalités qui ont d'ailleurs obtenu l'adhésion presque unanime du conseil de Paris.
Ca n'a pas été le cas de tout le monde ?
Non, en 2001, sur proposition communiste, Mumia Abou Jamal, militant des Black panthers, emprisonné depuis 20 ans aux Etats-Unis, condamné à mort pour le meurtre qu'il a toujours nié d'un policier, a reçu ce titre. Il s'agissait bien sûr de lui éviter cette sentence barbare et la droite à l'époque n'avait pas pris part au vote. Et bien sûr, le très controversé Cesare Battisti, cette fois là, sur proposition des Verts et des Communistes. Cesare Battisti, c'est l'ex gauchiste, dans la période des années de plomb en Italie. Il est jugé par contumace à la prison à vie par la cour de Milan pour avoir commis quatre assassinats entre 1978 et 1979. Il a fui son pays, et trouvé refuge en France, où il est devenu un auteur de polars reconnu et donc entouré des sollicitudes de certains milieux littéraires. Mais l'Italie a toujours réclamé son extradition et, puisque la France avait donné son accord, il s'est enfui au Brésil où il est aujourd'hui incarcéré. Des philosophes et des écrivains célèbres avaient alors pris sa défense comme s'il était Robin des bois. Notons qu'il n'a pas été fait citoyen d'honneur de la ville mais a été mis sous la protection de la Ville de Paris, nuance, ce qui n'a d'ailleurs aucun sens, aucun effet et ce qui, à l'égard des victimes, est très choquant car il n'a jamais eu aucun mot de regret à leur égard.