Ce matin Alain, vous allez nous parler récompenses ! En effet, il s'agit de la remise de la médaille d'or du CNRS attribué aux recherches sur l'infiniment petit. Cela demande quand même mon cher Alain quelques explications...
Imaginez un chat enfermé dans une boîte. Une boîte obscure dans laquelle on a placé un dispositif diabolique. Il y a là, en dehors du félidé, une fiole contenant un gaz mortel, un marteau suspendu à une potence et, plus ésotérique, un atome radioactif dont on sait qu'il va bientôt se désintégrer en émettant une particule. Quand ce sera le cas, celle-ci opèrera comme un clapet, un signal pour lâcher le marteau, briser la fiole et tuer le chat.
De l'extérieur, on ne voit rien et on ne sait pas si l'animal est mort ou vif. Voilà en substance l'expérience dite "du chat de Schrödinger" imaginée en 1935 par le physicien dans une célèbre lettre à Albert Enstein. Pour bien comprendre ce dont il s'agit, il faut comprendre que le petit monde de la physique est à l'époque en totale ébullition. Une nouvelle science baptisée physique quantique est apparu quelques années auparavant. Elle s'intéresse au comportement des atomes, au monde de l'infiniment petit mais surtout, elle a plongé nos scientifiques dans une profonde perplexité. En effet, elle a révélé que notre univers, qui est composé d'atomes qui émettent, absorbent et diffusent la lumière obéit, à cette échelle microscopique, à des lois étranges, contre-intuitives même.
En effet, la lumière apparait comme une onde continue et comme un ensemble de photons. Quant aux atomes, ils se manifestent soit comme des particules, soit comme des ondes de matière. Un monde de fous, du moins c'est ce que disent les équations où un système microscopique peut exister à la fois dans plusieurs états possibles. Et c'est ce que dénonce le chat de Schrödinger, où s'il on en croit cette nouvelle science quantique, l'animal est dans un état paradoxal : ni vivant, ni mort mais mort et vivant à la fois. Car l'état étranger dans lequel se trouve l'atome enfermé dans la boîte autorise en même temps la vie et la mort. Cette affaire qui va occuper les physiciens pendant des décennies est un vrai casse-tête puisque la mécanique quantique marche -sinon nous n'aurions pas la radio, ou les lasers mais qu'en même temps, dans la vie réelle, les chats sont morts ou vivants, les portes, ouvertes ou fermées, mais jamais les deux en même temps.
De l'expérience de pensée virtuelle à l'expérience physique réelle, il a fallu du temps et c'est pour ça que la nouvelle médaille d'or du CNRS, attribuée cette semaine au physicien Serge Haroche récompense un travail fondamental. Avec son équipe de l'école normale supérieure, en manipulant dans une boîte quelques photons seulement, il a réussi à montrer de façon spectaculaire comment l'on passe du monde étrange de l'infiniment petit au comportement normal de celui qui nous entoure. C'est complexe, merveilleux, mais surtout, explique le récipiendaire de la plus haute distinction scientifique française, c'est la démonstration qu'il est nécessaire de poursuivre la recherche fondamentale. Une marque de culture et de civilisation aussi noble que l'art !