En un an, des centaines d'Occidentaux ont pris les armes en Irak et en Syrie. La majorité d'entre eux sont partis combattre dans les rangs des brigades islamistes, au premier rang desquelles l'organisation Etat islamique. Mais quelques têtes brûlées ont choisi la voie inverse et ont traversé les frontière pour se battre contre ces mêmes djihadistes. Quelques Allemands, Américains ou Néerlandais ont appris à manier la kalachnikov auprès des peshmergas syriens ou irakiens. Pour la toute première fois la semaine dernière, un Occidental est mort dans ce combat. L'Australien Ashley Johnston, engagé auprès des unités kurdes YPG, a été tué dans la bataille de Tall Hamis.
En France, ils sont une petite poignée au moins à envisager de prendre les armes contre l'Etat islamique. Comme ils en ont témoigné auprès d'Europe 1, certains veulent partir défendre les chrétiens pris pour cible par les djihadistes de l'Etat islamique. Si les Français djihadistes peuvent être condamnés à leur retour en France, en sera-t-il de même pour les volontaires anti-djihad ? Eléments de réponse.
La loi Cazeneuve s'appliquerait difficilement. De prime abord, ils ne pourront a priori pas être poursuivis pour les mêmes motifs que les djihadistes, (associations de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ou entreprise terroriste individuelle, une notion créée par la loi Cazeneuve). S' ils ne vont pas combattre auprès d'une organisation terroriste, comme l'Etat islamique, les branches d'Al-Qaïda en Syrie ou encore le PKK turc, le parquet ne peut que difficilement retenir le premier crime. Impossible aussi de les poursuivre dans le second cas s'ils ne préparent pas d'attentat terroriste à leur retour.
Quel avantage en tireraient-ils ? Les volontaires français n'échapperaient pas pour autant à la loi, selon Thibault de Montbrial, avocat au barreau de Paris et président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure. La loi sur le mercenariat d'avril 2003 interdit à un Français d'être "recruté pour aller combattre dans un conflit armé dans le but d'en obtenir un avantage personnel", détaille l'avocat. Le risque : 5 ans de prison et 75.000 euros d'amende. Mais, "la notion du mercenariat n'est pas fondée essentiellement sur l'argent", précise Elie Hatem, ancien avocat du célèbre mercenaire Bob Denard. Comme le confirme Thibault de Montbrial, "tout le débat porte sur la notion d'avantage, c'est une question d'interprétation".
Et la volonté politique ? Et puis, comme l'envisage Elie Hatem, il serait probablement compliqué de trouver une personne pour porter plainte contre ces mercenaires : "Pouvez-vous imaginer un djihadiste venant se présenter à un poste de police pour dénoncer un combattant français ?". L'Etat français lui-même pourrait bien hésiter à enquêter sur eux. "La question qui va se poser est celle de la cohérence dans la politique du gouvernement", présage Thibault de Montbrial, qui s'interroge : "Le gouvernement va-t-il donner des instructions pour rechercher et intercepter les gens qui participent à ce phénomène nouveau. Ou va-t-il s'abstenir ?"
Certains candidats interrogés par Europe 1 se disent "révoltés" face "aux actes de cruauté" commis par l'organisation Etat islamique en Irak et en Syrie. Des arguments qui ressemblent à s'y méprendre à ceux de la France pour justifier son engagement dans les frappes aériennes de la coalition contre les positions irakiennes de l'Etat islamique. L'avocat Elie Hatem doute d'une quelconque enquête préliminaire lancée par le parquet pour ces combattants volontaires. Une opinion partagée par Thibault de Montbrial, pour qui il "y aurait une contradiction [pour l'Etat français] à les empêcher partir". Il rappelle l'exemple des Français partis combattre dans les milices chrétiennes phalangistes dans les années 60 et 70. A sa connaissance, aucun n'a été poursuivi.
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