Il a été l'otage des frères Kouachi pendant près d'une heure et demi, le 9 janvier dernier. Michel Catalano, patron d'une imprimerie de Dammartin-en-Goële en Seine-et-Marne, essaie désormais de se reconstruire. Une étape qui passe par la relance de son entreprise. Il était l'invité de Thomas Sotto sur Europe 1, vendredi matin.
Insomnie et cauchemars. Pris en otage par les deux terroristes auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo en fuite, Michel Catalano est encore marqué par cette journée où les Kouachi ont surgi dans son imprimerie. " C'est une journée qui restera dans ma tête encore longtemps. J'ai le film systématiquement qui se repasse et qui se repasse en boucle", assure-t-il. "Je dors très peu, je fais des cauchemars. Je revis plutôt les côtés négatifs de ce qui s'est passé. Alors qu'en fait, ce jour-là, tout s'est bien passé, c'est ce qu'il faut retenir. Mais, moi, je vois tout ce qui aurait pu mal se passer", reconnait le chef d'entreprise.
La vie de son employé avant tout. "J'ai compris tout de suite qui ils étaient et de quoi ils étaient capables", raconte Michel Catano. Très vite, le chef d'entreprise s'imagine qu'il ne sortira pas vivant de cette prise d'otages. Il se concentre sur son employé, Lilian Lepère, a qui il a ordonné de se cacher pour le protéger. Le jeune homme est ainsi resté sous un évier pendant plus de huit heures, juste à côté des terroristes, avant d'être libéré lors de l'assaut du GIGN.
"Quand j'ai demandé à Lilian de se cacher […], j'ai cru que pour moi c'était fini". Un sentiment qui lui a permis de s'en sortir. "Tout ce qui s'est passé derrière en découle : le calme que j'ai eu, la peur que je n'ai pas eue. A partir de là, mon seul objectif était de faire en sorte de sortir Lilian. […] C'est aussi ce qui m'a sauvé la vie", explique Michel Catalano. C'est pourquoi, quand les deux frères le laissent partir, il ne peut s'empêcher de ressentir "un sentiment d'abandon envers Lilian". "Ça a été très difficile psychologiquement", ajoute-t-il.
Etre "normal" avec les terroristes. "J'ai toujours essayé de discuter et d'être moi-même. J'ai eu un comportement normal", indique Michel Catalano, qui a "tout fait pour considérer qu'en face de moi j'avais des gens normaux". "C'est aussi pour cela que je n'ai pas eu peur. Si j'avais tout le long imaginé que c'était des gens capables de me tuer, j'aurais agi différemment. C'est ce qui m'a sauvé la vie", poursuit l'entrepreneur. D'autant que les Kouachi, qui lui ont demandé s'il était juif, étaient "plutôt menaçants".
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Sur leurs gardes et habitués aux armes. Les deux frères, inséparables, étaient toujours sur leurs gardes, armes à la main. "On voyait qu'ils étaient habitués à des mouvements de guerre. Ils se protégeaient et se surveillaient l'un l'autre, c'était une forme de binôme", a décrit Michel Catalano. Une seule fois seulement, ils posent une arme. "Je l'ai regardée, mais je n'ai pas été tenté de la prendre", précise celui que l'on a averti de ne pas jouer les héros.
Le duo de terroristes est curieux de savoir ce que les médias disent alors des événements. "Une des premières questions qu'ils m'ont posé c'est si j'avais la télé. Je leur ai répondu 'non'. Ensuite, ils m'ont demandé si j'avais la radio". Là, le patron qui l'écoute tous les jours à son entreprise, cache celle qu'il avait branchée dans son bureau et leur répond "non", "pour qu'ils n'aient pas d'informations", explique-t-il, soulignant : "J'avais peur que leurs actions puissent être orientées par ce qu'ils entendraient."
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"Préoccupé par la relance de son entreprise". Deux mois après les attentats, le chef d'entreprise veut maintenant repartir de l'avant : "Si je veux me reconstruire, il faut que je reconstruise d'abord mon entreprise et que mes employés puissent retravailler complètement", a-t-il confié, avant de remercier l'élan de générosité dont l'imprimerie a fait l'objet. Plus de 100.000 euros ont en effet été récoltés sur internet suite à une une initiative de l'Association des commerçants de Dammartin-en-Goële.
Et s'il n'a pas perçu d'aide financière de l'Etat, Michel Catalano a reçu la visite du président de la République. "Je sens qu'il est intéressé par ce problème et va faire quelque chose, mais pour l'instant je n'ai pas reçu d'aide spécifique", a indiqué l'entrepreneur avant d'insister : "Tant que l'entreprise n'aura pas redémarré ce sera difficile pour moi".
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