Le parquet de Lyon a ordonné une enquête préliminaire pour "non-dénonciation de crime" et "mise en danger de la vie d'autrui" en marge de l'affaire d'un prêtre, mis en examen pour des agressions sexuelles sur de jeunes scouts entre 1986 et 1991, a-t-on appris vendredi de source judiciaire. L'enquête a été ouverte à la suite d'un signalement de victimes du religieux, mettant en cause plusieurs responsables du diocèse de Lyon, parmi lesquels le cardinal Philippe Barbarin, qu'elles accusent de ne pas avoir dénoncé à la justice les agissements passés de ce prêtre. Une des victimes a confirmé avoir déposé une série de plaintes visant le Primat des Gaules, deux personnalités diocésaines mais aussi le cardinal Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi que Mgr Barbarin a consulté au sujet du père Preynat, ainsi que son secrétaire.
Le prêtre avoue. Soupçonné d'agressions sexuelles sur de jeunes scouts il y a plus de 25 ans, père Preynat a quitté ses paroisses du Roannais fin août 2015, après avoir été relevé de ses fonctions par le diocèse. Il a reconnu les faits et a également été placé sous le statut de témoin assisté pour des viols qu'il a avoués en garde à vue. Selon son avocat, Me Frédéric Doyez, le père Bernard Preynat, aujourd'hui septuagénaire, a déclaré devant le juge "que les faits étaient connus par les autorités ecclésiastiques depuis 1991", date à laquelle il avait été écarté du groupe scout indépendant qu'il encadrait depuis près de 20 ans.
Barbarin mis au courant en 2007-2008. Volonté de transparence ou maladresse ? Dans un entretien au quotidien La Croix accordé il y a un peu moins d'un mois, Philippe Barbarin a déclaré avoir été averti de ces faits en 2007-2008. "Une personne qui avait grandi à Sainte-Foy-lès-Lyon m'a parlé des comportements du Père Preynat, vers 2007-2008. J'ai alors pris rendez-vous avec lui pour lui demander si, depuis 1991, il s'était passé la moindre chose. Lui m'a alors assuré : 'Absolument rien, j'ai été complètement ébouillanté par cette affaire'", a indiqué l'archevêque de Lyon à propos de ce religieux.
Un silence pointé du doigt. Si l'enquête préliminaire du parquet ne vise expressément aucune de ces personnalités, elle constitue cependant un nouveau coup dur pour l'Église lyonnaise qui doit affronter une tempête médiatique depuis la révélation de cette ancienne affaire de pédophilie. "Le dossier se poursuit. C'est plutôt positif. Ce sont ces questions que nous voulions poser", a déclaré une des victimes, François Devaux. "Il y a des personnes qui ont su et qui n'ont rien fait. Est-ce acceptable? Les gens doivent savoir que c'est un délit", a-t-il ajouté. Pour une association de victimes, "La Parole libérée", c'est "l'omerta" dont aurait bénéficié le religieux pendant des décennies, et la gestion du cas de ce prêtre par les autorités diocésaines depuis 25 ans, qui constituent le véritable scandale de ce dossier qui empoisonne l'évêché.