L'avocat général a requis vendredi devant la cour d'assises des mineurs de l'Oise 30 ans de réclusion criminelle contre l'ex-petit ami de Shaïna, pour l'assassinat de l'adolescente, poignardée et brûlée vive à 15 ans en 2019 à Creil, probablement enceinte de lui. Tout au long du procès à huis clos, ouvert lundi, le jeune homme, un lycéen sans histoire de 17 ans au moment des faits, a crié son innocence. Le verdict est attendu dans la soirée.
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Si le jury ne suit pas, une peine maximale de 20 ans est encourue
L'avocat général a requis la levée de son excuse de minorité, ont précisé à l'AFP les avocats de la défense, Me Elise Arfi, et de la famille, Me Negar Haeri. Si le jury ne suit pas, l'accusé encourt une peine maximale de 20 ans. Présenté comme "terrifié" par sa défense, au vu de la violence du crime et de la médiatisation de l'affaire, l'accusé a été fustigé par les parties civiles pour un manque d'empathie et un narcissisme pointés, selon elles, par l'expert psychiatre.
Shaïna, morte à 15 ans, avait été victime deux ans plus tôt dans sa cité d'agressions sexuelles, dont les images avaient été diffusées, l'exposant selon Me Negar Haeri, l'avocate de sa famille, à être traitée "comme une chose". Quatre autres jeunes ont été condamnés le 1er juin en appel pour ces faits à des peines allant de six mois à deux ans de prison avec sursis.
Shaïna entamait probablement une grossesse
Selon l'enquête, Shaïna, décrite par sa mère comme "rigolote et souriante", dégageant "toujours de bonnes ondes", entamait probablement une grossesse, qu'elle attribuait à l'accusé. Ce dernier aurait pu être mu selon les parties civiles par la crainte de souiller son image et de perdre l'amour de ses parents s'il rompait avec leurs exigences de perfection, sur fond d'interdit religieux autour de la sexualité.
Sa mère, "intimement convaincue que son fils est innocent", l'enferre "dans son mensonge", a estimé Me Haeri. "Il n'y a pas de lien à faire entre la foi et les pratiques religieuses de (l'accusé) et le crime dont il est accusé", a balayé pour la défense Me Adel Fares.
Les parents de Shaïna se sont eux révoltés devant la cour contre la réputation infligée à leur fille et le portrait qu'en ont fait certains témoins. "Les garçons donnent une mauvaise image des filles mais eux, ils sont sains? Le copain, il sait baisser son pantalon. Mais quand tu baisses ton pantalon, faut assumer", a fustigé le père de l'adolescente, soulignant que sa famille aurait "accepté" la grossesse et l'enfant.
"Toutes les violences de genre"
En deux ans, Shaïna "a vécu toutes les violences de genre: un viol requalifié en agression sexuelle, des violences physiques et psychologiques, des insultes, des faits de harcèlement", face auxquelles la justice n'a "pas toujours été à la hauteur", a pointé après sa plaidoirie vendredi Me Zoé Royaux, porte-parole de la Fondation des femmes, partie civile. En France, selon les chiffres officiels, une femme meurt tous les trois jours de la violence de son conjoint ou ex-conjoint.
Les audiences ont été marquées par le revirement ou l'absence de témoins à charge. Un ami de l'accusé a affirmé ne plus se souvenir d'avoir vu du sang sur ses vêtements au lendemain des faits. Deux ex-codétenus, selon lesquels le jeune homme se serait vanté en prison d'avoir tué pour ne pas endosser la paternité d'un "bâtard", ne se sont pas présentés malgré un mandat d'amener.
Pas de quoi affaiblir l'accusation pour Me Haeri, qui a mis en avant les "éléments objectifs" de l'enquête: "des fadettes, une géo-localisation" et des plaies sur la jambe de l'accusé, imputées par un expert médical à des brûlures. Selon elle, le jeune homme n'a pas non plus "été en mesure d'expliquer ce qu'il faisait ni où il était" le soir des faits. Son portable, disparu et éteint à l'heure du crime, avait auparavant borné, avec celui de Shaïna, à 500 m du cabanon où elle a été tuée.