Quatre jours de garde à vue pour Ayoub El Khazzani et les enquêteurs tentent toujours retracer le parcours sinueux du jeune Marocain, maîtrisé par des passagers vendredi alors qu'il sortait des toilettes armé d'un fusil d'assaut. Si le suspect est resté plutôt mutique sur son histoire, les enquêteurs bénéficient toutefois des informations présentes sur sa fiche "S". Comme les autres terroristes passés à l'action ces derniers mois, à savoir Yassin Salhi qui a décapité son patron en Isère, Sid Ahmed Ghlam qui a abattu une policière à Villejuif et préparait un attentat contre des églises, Amedy Coulibaly et avant eux Mohamed Merah, Ayoub El Khazzani faisait l'objet d'une fiche S, pour sûreté de l’Etat. Un outil qui permet de recueillir des informations lors d’un contrôle d’identité mais pas d’engager d’action judiciaire. Précisions.
Qu’est-ce qu’une fiche "S" ? C’est un fichier de signalement, nourri par les services de renseignements, et dont le rôle est d’attirer l’attention des gendarmes, des policiers ou des douaniers, lorsqu’ils réalisent un contrôle d’identité. Les agents de contrôle ont recours à cet outil lors d’un passage de frontière, mais aussi lors d’une infraction routière, ou lors d’une démarche administrative pour refaire un passeport.
L’agent ouvre alors son ordinateur, sur un réseau sécurisé qui s’appelle le logiciel Cheops, il a ensuite accès à tout : les véhicules volés, les délinquants sexuels, le fichier des personnes recherchées, qui comprend le fichier "S". Ce fichier recense 300.000 personnes, réparties en 21 catégories : "M" pour les mineurs en fugue, "V" pour les mineurs évadés, et "S" pour la sureté de l’Etat.
Comment fonctionne-t-elle ? Quand les agents entrent le nom du suspect, la fiche sonne, et apparaît sur l’ordinateur, avec la photo du suspect. Des consignes sont alors données pour savoir ce qu’il faut faire avec la personne en question.
Selon la fiche "S" du suspect, il existe différents stades de consignes, classées de S1 à S15. Ce qui n’a rien à voir avec le niveau de dangerosité du suspect. Il s’agit juste des mesures que doivent prendre les agents de contrôle. Des mesures allant d’une simple notification, c’est-à-dire noter le passage du suspect, faire une copie de son passeport, et surtout de son visa. Le tout sans attirer l’attention de la personne contrôlée.
L’agent de contrôle peut également prétexter une fouille des bagages, sous un prétexte quelconque, et porter une attention particulière pour les ordinateurs ou les téléphones. Au maximum, le policier ou le gendarme peut demander de retenir l’individu le temps de prévenir les services compétents, qui vont envoyer une équipe spécialisée. Mais en aucun cas il ne peut y avoir interpellation.
Dans ce cas à quoi sert-elle ? Cette démarche ne permet donc pas à l’agent de contrôle d’interpeller la personne suspecte. Il s’agit seulement d’une fiche de renseignements, permettant éventuellement de recueillir de nouvelles informations lors du contrôle. Le fichier "S" n’implique pas de procédure judiciaire. Cet outil va donc permettre d’accumuler une masse d’informations sur des profils suspects. Et ce à l’échelle européenne au sein de l’espace Schengen.
Qui est concerné par la fiche "S" ? L’origine de la fiche "S" remonte aux années 1970. Il s’agissait à l’époque d’une procédure de contre-espionnage qui servait à suivre très discrètement les espions et diplomates étrangers. Depuis, cette fiche a été étendue au terrorisme. Et avec le nombre croissant de personne recensées sur cette fiche, elle est bien plus difficile à gérer. A l’heure actuelle, près de 3.500 fiches S sont directement liées à la menace djihadiste.