Les agences de coopération européennes policière, Europol et judiciaire, Eurojust, ainsi que les parquets français et néerlandais ont présenté ce tableau de chasse mardi lors d'une conférence de presse à Lille (nord), d'où l'enquête avait été lancée en 2018 après la localisation de serveurs assurant le fonctionnement d'EncroChat.
Plus de 100 tonnes de cocaïne saisies
À ce stade, 6.658 personnes ont été arrêtées, dont 197 "cibles de grande valeur", près de 900 millions d'euros de fonds criminels saisis ou gelés, plus de 100 tonnes de cocaïne, 160 tonnes de cannabis, 923 armes ou encore 271 maisons ou propriétés saisies, liste Europol dans un communiqué de presse. Les condamnations prononcées dans des procédures en découlant se montent à 7.134 années de prison. "Le démantèlement d'EncroChat en 2020 a envoyé des ondes de choc à travers les groupes criminels organisés en Europe et au-delà", se félicite Europol.
L'infiltration de ce réseau de communications qui promettait à des groupes criminels une discrétion et une absence de traçabilité absolues et dont les serveurs se trouvaient en France, a permis d'intercepter 115 millions de "conversations criminelles" d'environ 60.000 utilisateurs.
EncroChat vendait pour environ 1.000 euros des téléphones entièrement cryptés
Les enquêtes menées dans la foulée dans les pays de l'Union européenne et tiers ayant fait la demande d'un partage d'informations ont contribué à empêcher "des attaques violentes, des tentatives de meurtre, des faits de corruption et de trafic de drogue à grande échelle". "Les utilisateurs étaient notamment particulièrement concentrés dans les pays d'origine et de destination du trafic de drogues illicites ainsi que dans les centres de blanchiment d'argent", relève Europol. En juillet 2020, les autorités judiciaires et policières françaises et néerlandaises avaient annoncé avoir démantelé ce réseau, après l'avoir infiltré.
EncroChat vendait pour environ 1.000 euros des téléphones entièrement cryptés, sans caméra, microphone, GPS ou port USB, avec une option "code pin panique" permettant un effacement éclair. L'infiltration avait pris fin le 13 juin 2020 lorsque le réseau s'était rendu compte, selon un message "d'alerte" adressé à tous ses clients, qu'il avait été "infiltré illégalement" par des "entités gouvernementales". Il avait conseillé aux utilisateurs de se débarrasser "immédiatement" de leurs téléphones.
Des criminels parmi les plus recherchés au monde arrêtés
L'opération a permis d'identifier "des criminels parmi les plus recherchés au monde", dont "un important criminel danois (...), recherché notamment pour 17 assassinats", et arrêté en 2020 à Dubaï, selon la gendarmerie française. "Pour la seule Grande-Bretagne, ce sont plus de 200 projets d'assassinats qui ont pu être déjoués".
Huit trafiquants de drogue arrêtés grâce au décryptage d'EncroChat ont aussi été condamnés le 16 juin à Nancy à des peines allant d'un an avec sursis à 12 ans de réclusion. Mais un dossier reste ouvert, celui concernant les organisateurs du réseau lui même, qui fait l'objet d'une information judiciaire ouverte depuis mai 2020 par la Juridiction inter-régionale spécialisée (Jirs) de Lille.
Les "principaux dirigeants d'EncroChat" et ses développeurs ont "pu être identifiés", a annoncé la procureure de Lille, Carole Etienne, lors de la conférence de presse. Elle a précisé que trois d'entre eux ont été mis en examen, et deux placés en détention provisoire. D'après des éléments de l'enquête dont l'AFP a eu connaissance, il s'agit de trois hommes, dont deux frères, de nationalité espagnole, mis en examen à l'été 2022.
Leur défense a contesté ces mises en examen, recours sur lequel la cour d'appel de Douai (nord de la France) devait se prononcer le 14 juin, mais n'a pas communiqué sa décision. Pour des avocats européens défendant des membres présumés de la criminalité organisée de haut vol dans des procédures incidentes qu'ils estiment illégales, ce recours à Douai est l'un des ultimes espoirs de trouver une faille juridique dans le volet "source" français d'EncroChat.