Une enquête pour "injure publique" et "dégradation" a été ouverte par le parquet de Grenoble après des affiches anonymes dans l'enceinte de Sciences Po qui accusaient nommément deux professeurs d'islamophobie, a-t-on appris de source judiciaire. La procédure fait suite "au signalement de la direction" de l'Institut d'études politiques (IEP), vendredi, au lendemain du collage de ces affiches à l'entrée de l'établissement, précise un communiqué du procureur de la République de Grenoble, Eric Vaillant. "Des fascistes dans nos amphis. L'islamophobie tue", pouvait-on lire sur les affiches, dont les photos circulent sur les réseaux sociaux, avec le nom de deux professeurs de l'Institut.
"Traiter des gens de 'fasciste' est une injure (...). Il y a un vrai danger à ce que ces professeurs soient menacés et subissent des conséquences sous cette exposition là", a précisé à l'AFP le magistrat qui a confié l'enquête au commissariat de Grenoble. Cette dernière est ouverte "pour injure publique envers un particulier par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique, (...) et dégradation ou détérioration légère de bien destiné à l'utilité ou la décoration publique par inscription, signe ou dessin" en raison du collage. Les deux délits sont punis respectivement de 12.000 et 15.000 euros d'amende.
Nous relayons des collages dénonçant violences de genre, islamophobie et inaction de Science po
— UNEF Grenoble (@unefgrenoble) March 5, 2021
Contre la discrimination syndicale et le racisme !
Pour une fac ouverte sans discrimination ni sélection !
Soutien à la libération de la parole face au sexisme. pic.twitter.com/JrMXtqhyKU
Un cours sur "l'islam dans la France contemporaine" visé par un appel sur Facebook
L'ouverture de cette enquête par le parquet grenoblois intervient dans un contexte houleux qui s'est installé ces dernières semaines au sein de l'IEP. Le 27 février dernier, l'Union syndicale Sciences Po Grenoble (US) - le premier syndicat étudiant de l'IEP - avait ainsi porté plainte pour "discrimination syndicale" (ndlr : classée sans suite depuis) contre l'un des deux professeurs visés par les affichages. Ce dernier, dans un email à ses élèves dont l'AFP a obtenu copie, demandait aux étudiants appartenant au syndicat "de quitter immédiatement (ses) cours et de ne jamais y remettre les pieds".
L'un de ses cours, intitulé "Islam et musulmans dans la France contemporaine", avait été visé quelques jours auparavant par un appel sur Facebook de l'Union Syndicale, demandant aux étudiants de témoigner sur d'éventuels "propos problématiques" qui y auraient été tenus. Le syndicat, qui ne nomme pas le maître de conférence, explique notamment qu'il "souhaite retirer" cet enseignement "des maquettes pédagogiques pour l'année prochaine si lors de ce cours des propos islamophobes y étaient dispensés comme scientifiques". C'est "un appel à la délation" avec pour conséquence "une situation de danger grave et imminent", estime aujourd'hui l'avocat du professeur du cours, Me Eric le Gulludec, interrogé par l'AFP.
De son côté, l'Union syndicale assure que son appel ne relève que "d'une habitude de sondages menés régulièrement auprès des étudiants". Interrogée par l'AFP, une porte-parole du syndicat a démenti la paternité de l'affichage sauvage ayant visé ce professeur.