Fatima Anechad a été condamnée lundi en son absence à vingt ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de son ex-compagnon, un bijoutier parisien introuvable depuis 2002. Avant l'audience, cette femme de 65 ans avait fait savoir, via ses avocats, qu'elle contestait la "légitimité" du procès français et s'en remettait à la justice du Maroc, où elle se trouve et dont elle a la nationalité. Au terme d'une audience étrange, qui a tenté d'expédier en trois heures quelque quatorze années de procédure, la cour, composée seulement d'un président et de deux juges assesseurs, a décidé de suivre les réquisitions de l'avocate générale. En l'absence de l'accusée, les jurés populaires n'avaient pas été convoqués, pas plus que les enquêteurs, experts ou témoins n'avaient été cités. N'ont donc pris la parole que les parties civiles puis l'accusation.
"Une vérité judiciaire". Karen, la fille de la victime Roger Bendeçon, a dit du procès qu'il était pour elle "une espèce de cérémonial,", un "moyen d'enterrer mon père". "Il y aura toujours une vérité judiciaire", a dit le président dans une tentative de réconforter la jeune femme en larmes. "Nous ne sommes pas réunis pour rien", a-t-il voulu croire. William Bendeçon a jugé que "le jour où (son) frère avait rencontré cette femme, c'était une condamnation". Leur avocat Jean Alexandre Buchinger a, lui, tenu à prononcer une "oraison funèbre" pour Roger Bendeçon, disparu en avril 2012 au Maroc à l'âge de 52 ans alors qu'il voyageait en compagnie de l'accusée. Il a décrit l'enfance pauvre de la victime, passée en partie dans un orphelinat juif, ses débuts à 14 ans comme déménageur, et son parcours de bijoutier et antiquaire par la suite.
Un faux message téléphonique. Pour Me Buchinger, l'absence au procès de celle qu'il appelle la "veuve joyeuse" est la "signature de son crime". "Une justice sera passée, imparfaite, incomplète, mais c'est un premier pas", a dit pour sa part l'avocate générale Maryvonne Caillibotte en finissant ses réquisitions. Elle a rappelé les éléments à charge contre l'ex-compagne de Roger Bendeçon, entre ses ventes hâtives de bijoux pour plusieurs centaines de milliers d'euros peu après la disparition, sa fabrication d'un faux message téléphonique pour rassurer la famille, ou encore les expertises la décrivant comme "froide" et "manipulatrice".
Remise en liberté. La rapide audience - le procès aurait normalement dû durer cinq jours - n'a toutefois pas répondu aux questions de la famille sur les conditions dans lesquelles Fatima Anechad avait pu s'enfuir au Maroc, dont elle ne peut être extradée. L'accusée, après avoir une première fois violé son contrôle judiciaire, et avoir été remise en détention, avait bénéficié d'une libération sous bracelet électronique, puis d'une nouvelle mesure de contrôle judiciaire. Elle a toutefois arrêté de pointer au commissariat en juillet 2015. "On peut s'étonner qu'il y ait eu une remise en liberté, qu'il y ait eu une espèce de confiance", a dit l'avocate générale, en évoquant l'"écartèlement constant des magistrats entre le principe de liberté et la détention, qui est l'exception".