Une fillette de six ans, maintenue pendant trois jours en zone d'attente pour personnes en instance (ZAPI) de l'aéroport de Roissy. Le Défenseur des droits Jacques Toubon a annoncé jeudi qu'une enquête allait être ouverte pour comprendre les circonstances de la mésaventure vécue par la petite Andréane samedi dernier à son retour du Cameroun. Les agents de la police aux frontières (PAF) ont jugé que la photo sur son passeport ne correspondait pas. Il a fallu trois jours pour que l'enfant, pourtant de nationalité française, soit libérée de cet endroit réservé aux sans-papiers. L'avocate de la famille est revenue sur cet incident au micro d'Europe 1.
"Elle a dit qu'il s'agissait bien de sa photo". "Elle voyage seule et elle est remise par la compagnie de transports du Cameroun à un agent de l'aéroport qui la présente au contrôle des passeports", raconte Me Sidonie Léoue. "Et là, l'agent chargé du contrôle estime que la personne qui se trouve devant lui n'est pas la même que celle du passeport. Il lui refuse l'entrée et la maintient en zone d'attente. Elle y a passé trois jours. Il y a eu des auditions. Elle a dit qu'il s'agissait bien de sa photo sur le passeport", poursuit l'avocate. Ce n'est que mardi qu'un juge des libertés et de la détention l'a libérée, estimant que "l'ensemble des éléments du dossier" contredisait la version policière d'un passeport usurpé.
Scolarisée au Cameroun où elle vit avec sa grand-mère, la fillette venait voir sa mère, française également, en vacances. Andréane a finalement reconnu sans hésitation sa maman à l'aéroport et au tribunal de Bobigny, où elle comparaissait mardi. Elle a aussi pu nommer sa maîtresse et ses camarades de classe sur une photo scolaire, prouvant son identité une bonne fois pour toute.
"Insupportable et regrettable". "Elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle a le regard qui interroge. C'est assez difficile à vivre. C'est une erreur grossière de l'administration, c'est inadmissible. Cela n'aurait pas dû avoir lieu. On ne peut pas enfermer une enfant de cet âge. C'est insupportable et regrettable", déplore Me Léoue.
Une Ivoirienne de 3 ans également retenue. Une affaire d'autant plus troublante, qu'une enfant ivoirienne de trois ans a vécu une situation similaire le même jour. Fanta, arrivée samedi à l'aéroport, n'a été libérée que mercredi, sur décision du juge des libertés et de la détention (JLD). Le maintien d'un enfant aussi jeune, isolé de ses parents, en ZAPI, est exceptionnel. Cette décision se justifiait toutefois par la nécessité de vérifier que l'homme qui l'accompagnait était bien son père et non un individu qui l'avait arrachée à sa famille ivoirienne.
Le père de Fanta a en effet présenté aux policiers un faux passeport, acquis selon lui parce qu'il devait la ramener d'urgence en France et que, lui-même en situation irrégulière, ne pouvait user des voies légales. "Il fallait coûte que coûte aller chercher ma fille pour éviter qu'elle ne soit excisée", a expliqué Mohammed Doumbia, qui affirme avoir demandé l'asile pour sa fille.
Deux enquêtes ouvertes par le Défenseur des droits. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, "qui s'est saisi d'office dès qu'il a eu connaissance des faits", va ouvrir une deuxième enquête après en avoir ouvert une première concernant Fanta, la petite fille de 3 ans et demi. Il a annoncé, vendredi, qu'il allait se pencher sur les circonstances qui ont conduit la police à maintenir cette enfant dans la zone d'attente (Zapi), où sont retenus les sans-papiers qui ne sont pas admis à entrer en France.
Jeudi, le Défenseur des droits avait déjà annoncé avoir été saisi, cette fois par une association, pour l'affaire quasi-simultanée de Fanta, placée en Zapi le temps de s'assurer du lien de parenté avec l'homme qui l'accompagnait et se présentait comme son père. L'institution dirigée par Jacques Toubon poursuit son enquête sur "les circonstances (de cette) retenue qui paraît anormale", précise un communiqué.
Bernard Cazeneuve réagit. De son côté, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a effectué une mise au point, vendredi. Le ministre a donné "des consignes" pour faire en sorte que "les vérifications soient menées dans des délais très courts, notamment lorsqu'il s'agit de jeunes enfants". Mais cela n'a pas été le cas pour Andréane, six ans, ni pour Fanta, trois ans et neuf mois.