Fusillades en série à Grenoble, en proie à une «guerre des gangs»

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avec AFP
Il s'agit du 17ème épisode de violence par arme à feu sur le territoire depuis le début de l'année, mais il y a eu une "accélération des faits criminels" depuis une dizaine de jours, reconnaît la préfecture.

Si les trafics et les rivalités entre bandes ont toujours existé, "c'est l'usage d'armes qui est nouveau" dans l'agglomération iséroise, se désole Amandine Demore, la maire PCF d'Echirolles. 

 

Quatre des attaques les plus récentes se sont déroulées dans cette ville de 36.000 habitants au sud de Grenoble. Certaines ont eu lieu quasiment en face de l'hôtel de ville dans un immeuble partiellement habité et abritant plusieurs commerces, le "Carrare".

"Ca se dégrade partout"

"Il y a eu des tirs, des coups de feu sur l'agglomération, mais là, d'avoir autant de blessés, ça n'est jamais arrivé", regrette l'édile, décrivant la peur des balles perdues, l'incompréhension et au final le sentiment "d'abandon par l'Etat" qui gagnent ses administrés. 

Cela fait "25 ans" qu'Echirolles réclame la création d'un commissariat de plein exercice sur son territoire, explique Mme Demore, en regrettant l'absence de réponse du gouvernement.  

"Ca se dégrade partout", abonde une Echirolloise sexagénaire rencontrée en ville, qui se présente sous le pseudonyme de "Mme Dupont". Désignant un jeune guetteur ostensiblement campé en pleine rue sur une chaise de bar en plastique au pied du Carrare, elle dit faire surtout "attention à ne pas être suivie" et plus généralement à "ne se mêler de rien pour ne pas avoir d'ennuis". 

"Comparable à Marseille"

La capitale des Alpes n'est pas en reste avec plusieurs accrochages sanglants dans les quartiers sensibles de Saint-Bruno, Berriat ou Teisseire, tous situés en centre-ville.  Le territoire est en proie à une "guerre des gangs intense" et sa situation est désormais "très comparable" à celle de Marseille, même si les bilans humains sont heureusement moins élevés, estime le procureur de la République Eric Vaillant.

 

Selon Jérôme Chappa, directeur interdépartemental de la police nationale de l'Isère, ce pic de violences peut s'expliquer par une conjonction de phénomènes, notamment les opérations de "harcèlement" et "déstabilisation" menées par les forces de l'ordre sur les points de deal. Sur le seul site du Carrare, "c'est 5-6 opérations par jour qu'on effectue" et six opérations "place nette" ont été conduites en Isère depuis la fin 2023, dit-il.

A cela s'ajoute le meurtre du caïd local Mehdi Boulenouane lors d'un probable règlement de comptes en mai dernier: "la nature ayant horreur du vide, les gens essaient de se réapproprier des points de deal lucratifs", souligne le policier.

350 trafiquants ont été interpellés en Isère

Quelque 1.150 usagers et 350 trafiquants ont été interpellés en Isère depuis le début de l'année, souligne une source policière. Et des CRS ont été déployés pour seconder les agents locaux. 

Peut-on espérer que la tension retombe prochainement ? "On est obligé de rester humble. On ne peut pas fanfaronner sur un sujet pareil. Il y a tellement d'argent !", reconnaît Eric Vaillant. Selon lui, certains points de deal pourraient atteindre un chiffre d'affaires d'environ 35.000 euros par jour. 

Pour autant, les professionnels, policiers, gendarmes et magistrats "peuvent être fiers du travail accompli", lance le magistrat. "Certes, on n'éradique pas le trafic, reconnaît le procureur. Mais heureusement qu'on fait tout ce qu'on fait. Parce qu'on laisserait sinon la rue, la ville aux mains des délinquants".