Condamné à la perpétuité pour avoir tué cinq membres de sa famille en 1993, Jean-Claude Romand, qui demandait sa libération conditionnelle, restera en prison, faute d'avoir réussi à convaincre le tribunal sur son projet et sa personnalité. Le tribunal "a considéré qu''en dépit de son parcours d'exécution de peine satisfaisant, les éléments du projet présenté et de sa personnalité ne permettent pas, en l'état, d'assurer un juste équilibre entre le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et de la réinsertion du condamné'. Il a donc décidé de rejeter la demande de libération conditionnelle déposée par Jean-Claude Romand", a indiqué Stéphanie Aouine, procureure de la République de Châteauroux. Interrogé vendredi soir sur Europe 1, Jean-Louis Abad, l'avocat de Jean-Claude Romand, se dit "très déçu" par cette décision.
"On lui dit qu'il est trop lisse". "Je suis très déçu. Les motifs contenus dans cette décision me paraissent critiquables. On lui reproche des choses qui avaient pourtant conduit le juge d'application des peines à lui accorder des permissions de sortie temporaires", souligne l'avocat. "On lui dit qu'il est trop lisse, qu'il a un parcours trop exemplaire, qui relève en quelque sorte d'une pathologie narcissique. Il a une pathologie, c'est certain. Mais il a évolué en 26 ans. Et on lui dit presque 'c'est trop bien', il est sur-adapté à la détention", déplore-t-il encore.
Pendant plus de 15 ans, le faux "docteur Romand", aujourd'hui âgé de 64 ans, avait menti à son entourage, se faisant passer pour un médecin travaillant pour l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), avant d'assassiner sa famille. Condamné à la perpétuité en 1996, il a déjà purgé sa période de sûreté de 22 ans. Et selon Jean-Louis Abad, rien dans le projet de réinsertion de son client ne justifie que le tribunal rejette la libération conditionnelle avec bracelet électronique. Jean-Claude Romand envisageait, dans un premier temps, de rejoindre la communauté d'Emmaüs. Mais il s'est vu récemment proposer d'intégrer une communauté religieuse moins médiatique, ce qu'il avait accepté. Et ce changement a conduit le tribunal à douter du projet.
"Romand voulait intégrer une communauté religieuse". "Le tribunal lui a alors dit : 'vous avez un projet, il a été modifié, et vous avez adhéré à cette modification'. On lui a dit : 'vous ne pouvez pas adhérer à la communauté d'Emmaüs car c'est une communauté fragile. On lui a proposé autre chose. Ce n'est pas Romand qui a trouvé autre chose. Et le tribunal lui fait grief d'avoir subi cette modification, de l'avoir acceptée. Le tribunal lui demande ce qu'il voulait. Et bien Romand voulait intégrer une communauté religieuse, dans une période qui pouvait représenter un sas, jusqu'à ce que cette pression médiatique retombe, et puis intégrer la communauté d'Emmaüs dans un second temps. Ces deux projets ne sont pas antinomiques, ils sont complémentaires. Le tribunal a considéré que ce n'était pas le cas, et c'est ce que je critique", développe l'avocat.
Me Laure Moureu, qui représente les deux frères de Florence Romand, l'épouse assassinée, s'est pour sa part dite "satisfaite" d'une décision qui, selon elle, "s'imposait". "C'est pour mes clients un grand soulagement, une grande satisfaction", a-t-elle déclaré à l'AFP. "Comme nous n'avions cessé de le dire, nous estimions que le projet n'était pas suffisamment abouti et qu'il n'y avait pas assez de garanties pour permettre un élargissement serein", a-t-elle ajouté, évoquant des "doutes sur une personnalité qui reste troublante". "Les experts ne constatent pas de dangerosité criminologique mais l'absence de danger n'est pas nécessairement un critère suffisant", a-t-elle souligné.
"La famille a été déchiquetée". Pour sa part, Jean-Louis Abad, l'avocat du meurtrier, envisage désormais de faire appel. "Monsieur Romand a 65 ans. Je ne vois pas comment il pourrait élaborer un nouveau projet à cet âge là", explique-t-il. Et de conclure : "La justice doit évidemment prendre en compte la dimension dramatique d'une affaire. Et je n'ai jamais méconnu l’importance et la gravité de ces faits. Je me suis toujours exprimé avec beaucoup de pudeur, de respect et de mesure par rapport à la famille, qui a été déchiquetée. Mais la justice doit aussi se tourner vers l'avenir. Et pour un homme de 65 ans qui a fait preuve d'une culpabilité réelle, authentique, qui ne présente plus de risques de récidive, je dis qu'une libération conditionnelle aurait été souhaitable".