Le chasseur qui a tué Morgan Keane a écopé de deux ans de prison avec sursis et d'une interdiction de chasser à vie, une condamnation qui ne satisfait que partiellement les proches du Franco-Britannique, mort alors qu'il coupait du bois chez lui, dans un village du Lot. Le tribunal correctionnel de Cahors a aussi condamné jeudi le directeur de la battue, au cours de laquelle l'accident de chasse s'était produit, à 18 mois de prison avec sursis et à un retrait du permis de chasse pendant cinq ans.
Le tribunal a suivi les réquisitions du procureur sur la durée de la peine, mais n'a pas prononcé de prison ferme, alors que le ministère public avait requis un emprisonnement de six mois. Le procureur avait également requis un retrait définitif du permis de chasse pour les deux prévenus. "Nous sommes plutôt satisfaites du retrait à vie du permis de chasse" du tireur, a déclaré Zoé Monchecourt, du collectif Un jour un chasseur, créé par des proches de Morgan Keane pour faire évoluer la législation sur la chasse. "Par contre, nous ne sommes pas du tout contentes pour ce qui concerne le directeur de battue", dont l'interdiction de chasser n'est pas définitive, a-t-elle ajouté.
"Le message envoyé, c'est que si vous tuez quelqu'un, il n'y a absolument pas de conséquence"
"La justice a bien fait son travail", dans la limite de ce que la législation en vigueur permet, a estimé l'avocat du frère de Morgan Keane, Benoit Coussy. "Maintenant, le législateur doit faire son travail et créer un +crime de chasse+" spécifique qui pourrait permettre davantage de sévérité dans ce genre d'affaires, a-t-il ajouté.
Dans ce dossier, l'auteur du tir, Julien Féral, 35 ans, était poursuivi pour homicide involontaire. "La mort de Morgan Keane, c'est peut-être le début de la mort d'une certaine chasse, impunie", a-t-il encore dit. "Le message qui est envoyé (par la justice, ndlr), c'est que si vous tuez quelqu'un, il n'y a absolument pas de conséquence", a réagi, émue, Peggy, une amie de Morgan Keane, considérant la peine de sursis dérisoire. "Je comprends qu'il ne représente pas forcément un danger public mais pour moi il faut quand même envoyer un message que tuer quelqu'un, ce n'est pas rien", insiste-t-elle. "Et la campagne, c'est à partager avec les autres usagers".
De son côté Michel Bouscary, président de la Fédération de chasseurs du Lot, a estimé que le jugement "nous conforte par rapport à ce que nous mettons en place en matière de sécurité". La fédération de chasse s'était constituée partie civile dans ce dossier, au soutien de l'accusation.
Pris pour un sanglier
Le 2 décembre 2020, Morgan Keane, 25 ans, était en train de couper du bois sur un terrain lui appartenant, près du village de Calvignac, quand il a été atteint par une balle tirée par un chasseur qui l'avait pris pour un sanglier. La mort de Morgan Keane est devenue emblématique des difficultés de cohabitation entre les chasseurs et d'autres ruraux, souvent opposés à cette pratique. A l'audience, le 17 novembre, le chasseur, "désolé" de son geste, avait reconnu ne pas avoir "bien identifié la cible". L'enquête a mis en évidence qu'il ne connaissait pas les lieux, qu'il avait été posté à un endroit mal choisi sans avoir reçu les consignes de sécurité nécessaires, et que plusieurs irrégularités avaient été relevées dans le déroulement de la battue.
En France, le nombre d'accidents de chasse est à la baisse depuis 20 ans, selon l'Office français de la biodiversité (OFB). Néanmoins, pour la saison 2021/22, l'OFB a recensé 90 accidents de chasse, contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit accidents mortels, dont deux concernant des victimes non-chasseurs. Mais, pour Un jour un chasseur, "le problème de la sécurité, ce n'est pas seulement les morts et les blessés" mais aussi beaucoup d'incidents que l'OFB ne répertorie pas.