Il a été condamné en première instance à la plus lourde peine du code pénal : la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans. A partir de lundi, et durant cinq semaines, le tueur en série marseillais Patrick Salameh sera jugé en appel devant la cour d'assises du Var. Agé de 58 ans, cet ancien chef de chantier a été condamné en 2014 et 2015, pour la disparition de trois prostituées et une lycéenne, lors de deux procès distincts, devant les assises des Bouches-du-Rhône. Cette fois, les deux affaires seront jugées en même temps.
Deux procès, en 2014 et 2015. En mars 2014, Patrick Salameh est condamné une première fois à la réclusion à perpétuité, reconnu coupable d'"enlèvement, viol et séquestration, suivis de mort" de trois prostituées, portées disparues entre octobre et novembre 2008 à Marseille, et avec lesquelles il a eu des relations tarifées. Leurs corps n'ont jamais été retrouvés. Il était aussi jugé pour la séquestration et le viol d'une quatrième, Soumia. A l'époque, l'avocat général Gilles Rognoni avait affirmé discerner l'un des plus grands tueurs en série français derrière l'"hyper-normalité" apparente de cet homme marié et père de deux fils.
En octobre 2015, il est cette fois jugé pour l'enlèvement suivi de la mort d'une jeune lycéenne de la cité phocéenne, Fatima Saiah, dont le corps n'a, lui non plus, jamais été retrouvé. Patrick Salameh a écopé, là aussi, de la réclusion criminelle à perpétuité. L'avocate générale, Martine Assonion, avait alors dressé le portrait d'un homme à la "personnalité limite", "centré sur sa personne", n'ayant "rien à faire des autres".
Fatima, première victime présumée. Si le procès de la disparition de Fatima Saiah s'est tenu après celui des trois prostituées, la lycéenne marseillaise est pourtant la première victime présumée de celui surnommé "le tueur en série de Marseille". Le 7 mai 2008, elle se rend à un rendez-vous pour du baby-sitting, près du métro Malpassé, dans les quartiers Nord de la ville. Son petit ami de l'époque, Meddy, l'accompagne jusqu'à la station. Deux heures après l'heure de la rencontre, il reçoit un texto : "J'ai rencontré une ancienne copine, je serai de retour ce week-end". C'est le dernier signe de vie de la jeune fille de 20 ans.
La disparition des trois prostituées. Dans la cité phocéenne, cinq mois plus tard, le 5 octobre 2008, disparaît une première prostituée, Iryna, âgée de 42 ans et d'origine ukrainienne. Le 22, c'est au tour de Cristina, Roumaine de 23 ans, de disparaître, puis de Zineb, Algérienne de 28 ans, le 7 novembre.
La rescapée Soumia, clef de l'enquête. Une quatrième femme ayant eu affaire à Patrick Salameh un soir de septembre 2008, a eu, elle, la vie sauve in extremis, après une nuit de calvaire. Cette nuit-là, Soumia ne pourra jamais l'oublier, déclarait-elle à Europe 1 en mars 2014, à l'orée du premier procès de Patrick Salameh. Violée, tirée par les cheveux, cognée à la tête, humiliée, cette prostituée marocaine qualifiait alors l'homme de "grand tueur". "Il m'a conduit à la salle de bain et m'a montré une femme. Je ne vais jamais oublier cela. Elle était morte, avec les cheveux sur son visage", avait-elle assuré. Son témoignage va se révéler décisif et mener les enquêteurs jusqu'à Patrick Salameh.
Dans sa garçonnière des quartiers Nord de la cité phocéenne, où a été violée Soumia, les policiers vont prélever lors d'une perquisition l'ADN de deux des trois prostituées portées disparues. En outre, ils mettent la main sur une boucle d'oreille, un bracelet, une petite culotte et des cheveux leur ayant appartenu. D'après Libération en 2012, "une bouteille d’acide a été retrouvée près de la baignoire et le jardin de Patrick Salameh est équipé d’un incinérateur".
Un mode opératoire similaire. Un autre élément a, cette fois, permis aux policiers de faire le lien entre la disparition de la lycéenne Fatima et celles des prostituées. A chaque fois, le mode opératoire utilisé pour piéger les victimes est le même. Toutes ont en effet été contactées par téléphone : soit depuis une cabine téléphonique, soit par l'intermédiaire d'un portable, emprunté à des inconnus croisés dans la rue. Après la disparition de Fatima, deux d'entre eux ont formellement reconnu le quinquagénaire. D'après les dires d'une femme approchée par l'homme, il lui avait demandé d'appeler des baby-sitters pour leur donner rendez-vous.
Il clame son innocence… Malgré ces éléments accusateurs, "le tueur en série de Marseille" n'a jamais cessé de contester les faits. S'il reconnait les relations sexuelles avec les trois prostituées, il nie les meurtres. Lors de son deuxième procès, consacré à la disparition de la jeune Fatima, Patrick Salameh s'est adressé directement à la mère de la victime, d'un ton calme, en levant l'index : "Madame, je suis innocent". Durant ce procès, les parents de Fatima avaient d'ailleurs estimé qu'il n'était "pas le bon coupable".
… Et insulte la justice. Pour clamer son innocence, l'accusé avait aussi fustigé en pleine audience "le mauvais travail" des psycho-criminologues de l'Office central de répression contre les violences aux personnes (OCRVP), venus porter à la barre leurs analyses accablantes et reliant les deux affaires criminelles. "Tout le monde ment, vous mentez tous", avait-il lancé, visant magistrats et policiers, ces derniers ayant selon lui monté des fausses preuves. Il n'avait pas hésité non plus à traiter la juge chargée d'instruire le dossier de "technicienne du mensonge", comme le rapportait La Marseillaise, en mars 2014.
Ex-braqueur, incarcéré 16 ans. Qualifié d'inquiétant et d'angoissant par beaucoup de ceux l'ayant croisé, Patrick Salameh a une présence atypique, inspirant la terreur. Né à Fréjus, ce chrétien maronite d'origine syrienne affiche une personnalité complexe, déroutante, loin du profil "classique" d'un prédateur sexuel. Il est toutefois bien connu des services de police et possède un lourd parcours judiciaire. Condamné à vingt ans de prison pour vol avec arme, en 1993, cet homme marié et père de deux garçons en a passé 16 dans une cellule de la prison des Baumettes, à Marseille. Avant d'en sortir, sous liberté conditionnelle, en 2005. Derrière les barreaux, Patrick Salameh s'est mis à peindre des toiles lugubres, avec des corps découpés, et dont la vente le fait jubiler.
Fan des grands criminels. Grand admirateur des tueurs en série, il correspondait lors de son incarcération, selon La Marseillaise, avec Guy Georges et Alfredo Stranieri, "le tueur aux petites annonces". Patrick Salameh a même consacré un ouvrage à ce dernier, retrouvé sur une clef USB, et intitulé L'esprit des tueurs en série. "La plupart sont de bons pères de famille qui aiment leurs enfants et leurs familles. […] Un tueur est généralement entouré de sa famille qui lui offre une sérénité, un équilibre dont il a besoin", écrit-il. Lundi, celui qui correspond parfaitement à ce profil sera de nouveau sur le banc des accusés.